Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Ensor (James) (suite)

L’incompréhension du public et de la critique fut si durable qu’elle incita cet artiste hypersensible et ombrageux à renoncer partiellement à son art et à se réfugier dans une misanthropie sarcastique que reflètent ses écrits polémiques, foisonnants de néologismes et de redondances ubuesques. De 1900 à 1939, année de ses dernières peintures, son œuvre, malgré quelques réussites (Saint Antoine turlupiné, coll. privée), prolonge sans vigueur les trouvailles précédentes.

Dans ses dessins et ses gravures alternent l’expressionnisme lyrique (la Vive et Triomphante Entrée du Christ à Jérusalem, 1885, fusain), les paysages lumineusement poétiques (Grande Vue de Mariakerke, 1887, eau-forte ; le Grand Bassin d’Ostende, 1888, eau-forte), les caricatures rabelaisiennes (la Bataille des éperons d’or, 1895, eau-forte).

Les poètes furent les premiers à déceler son génie : les symbolistes* lui consacrent un numéro de la Plume en 1899, et Verhaeren une biographie en 1908. À partir des années 20, Ensor est célébré, fêté, et le roi de Belgique lui donne le titre de baron. Chacun s’aperçoit enfin que le prodigieux répertoire onirique et plastique du maître annonce aussi bien les audaces d’Emil Nolde (qui vint le voir en 1911) que telles provocations de dada ou telles inventions de Klee. Comme Alfred Jarry, Ensor devance le xxe s., mais sans la cruauté de l’écrivain, car disait-il, « en broyant du noir, j’ai vu du rose ».

S. M.

 P. Fierens, James Ensor (Hypérion, 1943). / P. Haesaerts, James Ensor (Elsevier, Bruxelles, 1957). / J. Damase, l’Œuvre gravé de James Ensor (Motte, Genève, 1967). / F. C. Legrand, Ensor, cet inconnu (Renaissance du livre, Bruxelles, 1971).

enthalpie

L’une des fonctions caractéristiques d’un système thermodynamique, définie par H = U + pv, relation dans laquelle H est l’enthalpie du système, U son énergie interne, p sa pression et v son volume.


U, p, v étant des grandeurs d’état, il en est de même de H : sa valeur ne dépend que de l’état du système, et sa variation d’un état à un autre ne dépend pas du chemin suivi. Toutefois, l’enthalpie n’est définie par la relation précédente qu’à une constante arbitraire près, comme l’énergie interne ; on trouve commode, pour diverses applications, de fixer cette constante par la convention suivante : on tient pour nulle l’enthalpie des corps simples, sous leur forme la plus stable, à 298 K, 1 atm. ; on calcule à partir de là, à l’aide de mesures thermochimiques, l’enthalpie de chaque composé dans ces mêmes conditions standards ; l’ensemble des valeurs ainsi obtenues est rassemblé dans des tables de valeurs numériques, fort utiles en thermochimie et dans l’étude des équilibres chimiques.

L’intérêt essentiel de la fonction enthalpie vient de l’importance pratique des transformations effectuées à pression constante. Dans ce cas, en effet, on a, d’un état (1) à un état (2) d’un système et en supposant que l’échange de travail avec l’extérieur se limite au travail W des forces de pression : W = p(v1 – v2) et, par suite,
ΔU = U2 – U1 = Qp + p(v1 – v2),
Qp désignant la chaleur reçue par le système au cours de cette transformation à pression constante. On peut donc écrire
(U2 + pv2) – (U1 + pv1) = Δ(U + pv) = Qp,
c’est-à-dire ΔH = H2 – H1 = Qp, ce qui signifie que la chaleur de transformation à pression constante s’identifie à la variation de l’enthalpie du système, comme la chaleur de transformation Qv à volume constant s’identifie — puisque le travail des forces de pression est alors nul — à la variation de l’énergie interne. Les égalités ΔH = Qp, ΔU = Qv montrent que ces chaleurs de transformation à pression constante ou à volume constant ne dépendent, comme ΔH et ΔU, que des états initial et final du système : proposition d’un intérêt fondamental en thermochimie.

L’enthalpie d’un corps dépend en général de plusieurs variables, parmi lesquelles la température et la pression ; toutefois, l’enthalpie d’un gaz parfait, comme son énergie interne, ne dépend que de la température ; on peut d’ailleurs (v. gaz) définir le gaz parfait par ces propositions. Il n’en est plus ainsi pour un gaz réel : si son énergie interne est, à température constante, une fonction croissante du volume (v. détente), son enthalpie varie, à T constant, de façon plus nuancée, car le produit pv est, suivant les conditions et en particulier suivant la température, une fonction croissante ou décroissante du volume ; il en résulte en particulier que la détente* d’un gaz à enthalpie constante, dite « de Joule-Thomson », qui ne serait accompagnée pour un gaz parfait d’aucune variation de température, provoque, suivant le domaine (T, p) dans lequel elle est effectuée, le refroidissement ou le réchauffement d’un gaz réel. Si l’on considère une transformation au cours de laquelle un corps change d’état physique ou de variété allotropique, il y a lieu d’inclure dans le calcul de la variation d’enthalpie, avec un signe convenable, la chaleur latente de changement d’état.

R. D.

entomologie

Étude scientifique des Insectes. (Longtemps, le terme a été appliqué à l’étude de tous les Arthropodes.)



Historique


Les Anciens

Aristote est considéré comme le premier naturaliste ayant donné quelques précisions sur les Insectes ; il plaçait ceux-ci dans son groupe des entomon, animaux à corps divisé par des incisions plus ou moins profondes. On trouve dans son œuvre de nombreuses observations sur l’anatomie et la reproduction des Insectes. Pline l’Ancien rapporte dans le livre XI de son Historia naturalis, au milieu des récits fantaisistes, quelques observations plus précises, comme la différence entre les Guêpes et les Mouches.

En 1602, Ulisse Aldrovandi (1522-1605), dans le De animalibus insectis, tente de diviser les Insectes d’après leur mode de vie, terrestre ou aquatique, le nombre de leurs pieds et la nature de leurs ailes. Il y compte d’ailleurs encore le Cloporte, le Lombric, l’Hippocampe et l’Étoile de mer. Contemporain d’Aldrovandi, le docteur anglais Thomas Moffett, réunissant avec toutes sortes de difficultés les documents de deux naturalistes, Conrad Gesner (1516-1565) et Thomas Penn, compose un important in-folio de 1 200 pages qui ne sera édité qu’en 1634, trente ans après sa mort, sous le titre Insectorum sive minimorum animalium theatrum. Un siècle plus tard, le grand naturaliste anglais John Ray (1627-1705) publie un système entomologique dans lequel il mélange encore les Arachnides, les Myriapodes et les Crustacés.