Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

enquête sociologique (suite)

Dans ce nouveau tableau, la relation d’association a disparu ; la liaison entre le niveau d’instruction et l’indice d’exposition aux moyens de communication de masse est trompeuse (fallacieuse). Elle est due à une tierce variable : la possession de moyens audio-visuels. Cette démarche analytique, dont nous dessinons ici le cas de figure le plus élémentaire, est connue sous le nom d’analyse multivariée.

La plupart des problèmes abordés dans les phases 2 et 3 ont donné lieu à des recherches formelles. De nombreux modèles mathématiques ont été appliqués à la construction des indices et à l’analyse des relations entre variables.

Ce que nous avons qualifié de logique de l’enquête sociologique est en somme la représentation abstraite et simplifiée du processus de la recherche. Pour la clarté de la présentation, les étapes de cette démarche logique ont été exposées séquentiellement, mais, dans la pratique, elles s’effectuent le plus souvent simultanément. Cette logique s’applique en premier à des observations d’une nature quantitative. Toutefois, il ne serait pas difficile de démontrer que, dans des études où les documents utilisés sont qualitatifs (biographie, description ethnologique de communautés), les auteurs utilisent, quoique de manière implicite, le langage des indicateurs, des variables et des relations entre variables. Ainsi, cette logique décrite à grands traits serait-elle d’un champ d’application beaucoup plus étendu qu’il ne semble au premier abord.


Les différents types d’enquêtes

Si nous essayions de classer les enquêtes par thèmes de recherche, la liste obtenue serait infinie : santé, politique, sexualité, religion, etc. Il est tentant de répertorier les enquêtes d’après la dimension du cadre d’étude. Cette classification s’étendrait des enquêtes portant sur les sociétés globales (par exemple, la collectivité nationale) à celles qui se limitent à l’examen des individus. Entre ces unités d’analyse extrêmes s’intercaleraient les études des groupes et des communautés restreintes : organisations, villages, etc. Néanmoins, un tel essai d’ordonnancement risquerait, à terme, de manquer d’intérêt. Finalement, la classification à partir des techniques d’observation employées semble être la plus satisfaisante. Ces techniques sont communes à la plupart des travaux et représentent un éventail plus limité. On distinguera ainsi les techniques d’observation, les techniques fondées sur l’entretien avec les sujets enquêtés (l’interview en est le procédé type) et les techniques d’expérimentation.


Les techniques d’observation

• L’observation directe libre, qui correspond à l’appréhension spontanée du réel, en est la forme la plus commune. Elle fait largement place à la subjectivité du chercheur. Ce mode d’observation « phénoménologique » permet la délimitation du champ de recherche, facilite la formulation et l’organisation des hypothèses de recherche pour l’observation directe méthodique subséquente.

• L’observation directe méthodique est un procédé d’observation contrôlée : il suppose que des hypothèses de recherche aient été formulées, à partir desquelles un plan raisonné d’observation pourra être élaboré. Le questionnaire d’enquête est une espèce de mémento méthodique à l’usage de l’enquêteur. Ce mode d’observation est l’un des instruments de travail privilégiés des ethnologues qui étudient les sociétés primitives ; en sociologie, il est utilisé dans l’étude des communautés, d’institutions comme les prisons ou dans l’analyse des bandes de jeunes délinquants. L’objet essentiel de ce questionnaire d’enquête est d’ordonner et de contrôler les observations. Celles-ci sont recueillies et conservées selon divers procédés d’enregistrement : depuis la simple relation discursive sur un carnet de notes aux procédés graphiques, cartographiques ou audio-visuels.

• L’observation indirecte méthodique est le complément nécessaire et indispensable de l’observation directe, qu’elle soit libre ou méthodique. Dans toutes les sociétés à écriture, une grande partie des informations concernant chaque individu est consignée par écrit, et il en est de même souvent pour les collectivités. Les différents types de documents existants témoignent de la diversité extrême des matériaux dont peut disposer le sociologue. Les documents concernant l’individu comprennent les lettres, les journaux intimes, les actes de naissance, de baptême, les livrets scolaires, les livrets militaires, etc. Ces documents individuels intéressent également l’étude d’une collectivité. Aucune recherche portant sur des localités urbaines et rurales ne peut négliger les informations fournies par les recensements, les cadastres, les registres officiels.


Les techniques d’entretien

Si l’être humain est le sujet observé, l’enquête implique inévitablement l’entretien, soit à titre occasionnel, soit de façon systématique. Cette situation explique le développement considérable du procédé d’interview dans les sciences humaines (v. enquête par sondages).


Les techniques d’expérimentation ou pseudo-expérimentales

L’expérimentation est la technique de recherche classique dans les sciences physiques et biologiques. L’expérimentation est une « observation contrôlée » ; elle permet d’établir sans ambiguïté des liaisons de cause à effet. Pour mettre en relief ces liaisons causales, le chercheur a recours à la manipulation. Cela consiste à modifier un élément (une caractéristique) de l’objet d’observation et à enregistrer les conséquences de ce changement. Une expérimentation s’effectue en trois étapes : la description de la situation initiale, la modification de cette situation par l’expérimentation et l’observation des conséquences entraînées. L’expérimentation sera satisfaisante si l’observation n’apporte qu’une modification ; afin d’être certain que les conséquences obtenues résultent bien de la manipulation, l’objet d’observation est divisé en deux parties identiques, et seule une partie du terrain est modifiée, l’autre étant conservée comme élément de contrôle.