Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Algérie (suite)

• Le 13 mai 1958 et l’arrivée au pouvoir du général de Gaulle. Au début de 1958, la situation s’est aggravée en Algérie. Les incidents se multiplient à la frontière algéro-tunisienne, où l’A. L. N. est solidement installée. Harcelée par les commandos algériens qui trouvent refuge en Tunisie, l’armée française réagit en bombardant, le 8 février 1958, l’agglomération tunisienne de Sakiet-Sidi-Youssef. Cet incident devait avoir des conséquences incalculables. Les rapports franco-tunisiens se détériorent considérablement ; les États-Unis et la Grande-Bretagne offrent leurs bons offices, qui sont acceptés par la France et par la Tunisie. Cela inquiète la population française d’Algérie, qui craint l’internationalisation de l’affaire algérienne. Se sentant abandonnée, la communauté européenne décide d’agir pour changer le gouvernement de la République. Le 13 mai 1958, elle organise à Alger une grande manifestation, qui aboutit à la formation d’un Comité de salut public. L’armée prend la direction du mouvement sous l’impulsion des généraux Massu et Salan. Ces événements provoquent en France le retour au pouvoir du général de Gaulle, investi des pleins pouvoirs le 2 juin 1958.

• La politique algérienne du général de Gaulle. Le 4 juin, le général de Gaulle part pour Alger, où il affirme l’égalité de tous les habitants de l’Algérie sans distinction de race ni de religion. Il promet aussi aux musulmans — considérés comme des Français à part entière — des réformes économiques et sociales. À cet effet, il définit à Constantine, le 3 octobre 1958, un plan quinquennal de développement. Ce plan de Constantine a pour objectifs la création de 400 000 emplois nouveaux, la distribution de 250 000 ha de terre arable à des paysans musulmans, la scolarisation des deux tiers des enfants en âge d’aller à l’école et la construction de 200 000 logements. Par ailleurs, les musulmans prendront une part plus grande dans les emplois publics, et les salaires et les traitements seront alignés sur ceux de la métropole.

À la suite de ces promesses, le général de Gaulle tente d’obtenir la cessation des combats : « Que vienne la paix des braves, dit-il, et je suis sûr que les haines iront en s’effaçant. » À la fin de 1958, il se montre même prêt à régler avec le F. L. N. la « fin des hostilités ».

En 1959, de Gaulle, devenu chef de l’État, renonce à l’idée d’une Algérie française ; il se résigne à une solution qui conduira l’Algérie vers l’indépendance sans compromettre les intérêts de la France et de la communauté européenne dans ce pays. Le 16 septembre 1959, il proclame le droit des Algériens à l’autodétermination. Ceux-ci seront appelés à choisir entre la sécession, la francisation ou la fédération avec la France. Le 14 juin 1960, le président de la République parle pour la première fois d’une « Algérie algérienne ». Sur cette base, le G. P. R. A. accepte de négocier et envoie, le 24 juin, des émissaires rencontrer les représentants du gouvernement français à Melun. Ces discussions, qui n’aboutissent pas, reprennent en 1961 à Évian, puis à Lugrin, lorsque le général de Gaulle précise que l’Algérie algérienne veut dire une « Algérie émancipée [...], où les responsabilités seront aux mains des Algériens [...], une Algérie qui aura son gouvernement, ses institutions et ses lois ».

• Le putsch d’Alger (1961). Les perspectives d’une Algérie indépendante inquiètent la communauté européenne. Au début de 1960, elle exprime son mécontentement en organisant des manifestations à Alger (« semaine des barricades », 24 janv.-1er févr.). Le 22 avril 1961, des éléments de l’armée prennent, sous la conduite des généraux Challe, Jouhaud, Salan et Zeller, le pouvoir en Algérie ; ils le gardent jusqu’au 26 avril. Après l’échec de ce « putsch », les partisans de l’Algérie française se regroupent dans une Organisation armée secrète (l’O. A. S.), qui multiplie les attentats contre les nationalistes musulmans et les libéraux européens. Mais cela n’empêche pas la reprise des négociations franco-algériennes après la reconnaissance, par le gouvernement français, de la souveraineté de l’Algérie sur le Sahara.

M. A.

Le commandement français en Algérie (1954-1963)

août 1954 à juin 1955 : général Cherrière
juin 1955 à novembre 1956 : général Lorillot
novembre 1956 à décembre 1958 : général Salan
décembre 1958 à avril 1960 : général Challe
avril 1960 à février 1961 : général Crépin
février 1961 à juin 1961 : général Gambiez
juin 1961 à avril 1962 : général Ailleret
avril 1962 à juillet 1962 : général Fourquet
juillet 1962 à octobre 1963 : général de Brébisson

Ligne Morice

Appellation donnée — du nom du ministre de la Défense qui en ordonna l’exécution — au barrage continu de 450 km construit, à partir de juin 1957, le long de la frontière algéro-tunisienne. Situé en moyenne à 40 km du territoire tunisien, il avait pour objet d’interdire le passage en Algérie des armes et des unités de l’A. L. N. et d’assurer la sécurité du grand axe routier et ferroviaire reliant Bône à Tébessa, par lequel s’écoulaient notamment les minerais de fer de l’Ouenza et le phosphate du Kouif. Constitué par deux ensembles de haies et de réseaux de barbelés électrifiés encadrant la route et la voie ferrée, précédé de champs de mines antipersonnel, il permettait de localiser instantanément toute tentative de franchissement. La surveillance permanente du barrage, qui fut prolongé au sud de Tébessa jusqu’à Bir el-Ater, puis jusqu’à Négrine en 1958, était assurée par des régiments blindés et parachutistes. La ligne Morice sera doublée, en 1959, d’un barrage avancé au nord (de Souk-Ahras au cap Roux) et au centre (en avant des zones minières). La région du barrage fut le théâtre de multiples opérations de guerre de 1957 à 1962.

P. D.

Harki

Militaire supplétif recruté par l’armée française parmi les habitants de souche musulmane d’Algérie. Groupés en formations (harkas) jointes aux unités françaises, les harkis jouèrent un rôle important dans les opérations que celles-ci conduisirent de 1955 à 1962. À cette date, leur nombre atteignait environ 30 000 hommes. Servant sous contrats renouvelables de un, trois ou six mois, les harkis percevaient une rémunération journalière globale, mais assuraient eux-mêmes leur alimentation. Demeurant au contact de leurs familles, ils restaient attachés à leur propre territoire. Au moment de l’indépendance de l’Algérie, un très grand nombre d’entre eux payèrent de leur vie leur fidélité à la France : quelques milliers seulement purent être rapatriés en métropole.

P. D.