Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
D

dialecte (suite)

• Les dialectes d’oc sont :
— le nord occitan, lui-même subdivisé en limousin, en auvergnat et en provençal alpin ;
— l’occitan moyen, subdivisé, d’une part, en languedocien, qui regroupe des parlers méridionaux (central, toulousain, fuxéen, narbonnais, donésanais), septentrionaux (rouergat, gévaudanais, aurillacois), occidentaux (agenais, quercinois, albigeois), orientaux (biterrois, montpelliérain, cévenol) et, d’autre part, en provençal, qui regroupe des parlers rhodaniens (Avignon, Arles, la Camargue, les Martigues, Nîmes, Uzès), maritimes (de Marseille à Antibes et Draguignan), bas-alpins (sud des Alpes, Apt), centraux et enfin le niçart (Nice).

• Les dialectes d’oïl sont le francien (source du français), l’orléanais, le bourbonnais, le champenois (parlers du Centre), le picard, le haut-normand, le wallon (parlers septentrionaux), le lorrain, le bourguignon, le franc-comtois (parlers orientaux), le bas-normand, le gallo de basse-Bretagne, l’angevin, le parler du Maine (parlers occidentaux), le poitevin, le saintongeais, l’angoumois (parlers du Sud-Ouest).

Le franco-provençal s’étend du Puy-de-Dôme jusqu’à Montbéliard et en Suisse (Savoie, Isère, Loire, Rhône, Haute-Savoie, Ain, sud du Jura, Suisse romande, Val d’Aoste).


Dialectes sociaux

Bien qu’on lui préfère alors des dénominations particulières comme argot*, langue spéciale, vocabulaire technique, langue populaire, le mot dialecte s’applique aussi aux ensembles de signes utilisés à l’intérieur de groupes socio-professionnels plus ou moins importants. Ces petites sociétés utilisent couramment la langue commune dans les rapports externes, mais, pour des raisons diverses, font un usage interne d’un vocabulaire spécial.


Le vocabulaire technique

Il désigne des notions pour lesquelles la langue commune n’a pas de termes ou de termes suffisamment précis ; il a ses lois et sa structure propres (importance des formes nominales, bi-univocité du rapport forme/signification).


L’argot

Il a une fin ésotérique (à l’origine, c’est même l’ensemble de signes que les malfaiteurs utilisent pour ne pas être compris des autres), mais il peut servir simplement à la manifestation volontaire de l’appartenance à un groupe (argot des grandes écoles par exemple). Quand le lycéen dit chiade, graille, chtrasse, bizuth, il donne exactement à ces termes la signification de leurs équivalents dans la langue commune : travail, repas, administration, nouveau. Dans la mesure où une microsociété de ce genre est en même temps un groupe professionnel, son argot peut s’apparenter alors au vocabulaire technique : c’est ainsi que les truands ont des termes différents pour désigner chaque type de vol ou d’agression, dans la mesure où les conséquences en sont très différentes.


La langue populaire

Les argots et les langues spéciales n’ont pas de syntaxe propre ; les utilisateurs emploient dans ce domaine les tours de la langue courante, populaire ou « normalisée », selon les milieux. Dans les pays où une langue générale s’impose avec une certaine norme et où le respect de cette norme est l’indice de l’appartenance aux couches sociales qui donnent le ton (couches « cultivées » ou milieux aristocratiques), on classe comme « populaire » tout ce qui n’est pas conforme à cette norme. On groupe ainsi des faits de langues complexes et hétérogènes. La notion de langue populaire implique donc l’existence de celle de langue littéraire, ou cultivée, ou correcte. Elle englobe ainsi des tours appartenant à la « langue avancée », correspondant à des tendances profondes de la langue, et dont il y a lieu de penser qu’ils finiront par s’imposer (par exemple les pluriels os, bœufs, œufs prononcés comme les singuliers correspondants, vous disez pour vous dites, après qu’il soit venu pour après qu’il est venu, etc.). On peut dire que le français populaire englobe tous les traits de langue qui ne sont pas acceptés par la norme, à l’exception, toutefois, des « hypercorrections » (fautes dues à un effort individuel pour respecter une règle là où elle ne s’applique pas) et des traits typiquement locaux (comme gone pour gars à Lyon).

La distinction entre les dialectes locaux et les dialectes sociaux ne peut être absolue : il y a eu vis-à-vis des parlers locaux la même attitude sociale que vis-à-vis de la langue populaire : mépris, infériorisation de celui qui les utilisait ; la tendance actuelle à réclamer pour certains dialectes, ou langues, un statut différent aura du mal à changer fondamentalement cet état de choses. Les dialectes locaux alimentent les dialectes sociaux en vocabulaire ou en traits syntaxiques et phonétiques : en dehors de Paris, il existe des français locaux, influencés par les dialectes. En sens inverse, dès qu’ils cessent d’être employés couramment par la couche de la population jouissant du prestige socio-culturel, les parlers locaux deviennent l’apanage de certaines couches populaires. Les mêmes raisons empêchent souvent certaines formes linguistiques (créole aux Antilles et à Haïti) d’avoir un statut de langue.

J.-B. M.

 J. Gilliéron et M. Roques, Études de géographie linguistique (Champion, 1912). / H. Bauche, le Langage populaire (Payot, 1920). / A. Dauzat, la Géographie linguistique (Flammarion, 1922 ; nouv. éd., 1944) ; les Patois (Delagrave, 1927). / H. Frei, la Grammaire des fautes (Geuthner, 1929). / W. von Wartburg, Bibliographie des dictionnaires patois (Droz, Genève, 1934 ; nouv. éd. avec H. E. Keller et J. Renson, 1956) ; Einführung in Problematik und Methodik der Sprachwissenschaft (Halle, 1943 ; trad. fr. Problèmes et méthodes de la linguistique, P. U. F., 1946 ; 3e éd., 1969). / S. Pop, la Dialectologie (Louvain, 1950 ; 2 vol.). / P. Guiraud, le Français populaire (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1965 ; 2e éd., 1969) ; Patois et dialectes français (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1968 ; 2e éd., 1971). / J. Chaurand, Introduction à la dialectologie française (Bordas, 1972).