démence (suite)
Les causes
Devant toute suspicion de démence, il est indispensable de faire un bilan complet dans un service de neurologie. En effet, la démence est pratiquement identifiable à un processus organique cérébral évolutif. Outre les tests psychologiques, il faut envisager un électro-encéphalogramme, des radiographies du crâne, un examen de l’œil, une analyse du liquide céphalo-rachidien, divers examens biologiques sanguins et urinaires, voire une artériographie cérébrale et une encéphalographie gazeuse ou même une biopsie cérébrale dans certains cas très particuliers.
Les démences dégénératives séniles et préséniles d’étiologie inconnue en rapport avec une dégénérescence des cellules nobles du tissu nerveux sont en relation avec une atrophie progressive du cerveau. Parmi les démences préséniles qui surviennent avant l’âge de soixante-dix ans, citons la démence d’Alzheimer et celle de Pick, qui sont les plus connues. Les démences séniles (après soixante-dix ans) sont de loin les plus fréquentes des démences.
Les démences vasculaires sont dues à l’artériosclérose des vaisseaux cérébraux ou cervico-encéphaliques. Ici, la cause est connue. Les artères rétrécies et rigides ou thrombosées entraînent une insuffisance circulatoire cérébrale chronique avec des foyers de ramollissement ou des lacunes dans le parenchyme cérébral.
Les démences traumatiques découlent de traumatismes cranio-cérébraux graves avec des atrophies cérébrales plus ou moins évolutives.
Les démences toxiques sont surtout représentées par les atrophies cérébrales alcooliques, dont le nombre ne cesse de croître. L’oxyde de carbone et les stupéfiants sont également responsables de démences de ce type.
Parmi les démences infectieuses (méningo-encéphalites à germes banals ou à virus), certaines se révèlent curables : ainsi en est-il de la paralysie générale, ou méningo-encéphalite syphilitique. D’autres, au contraire, sont inexorables, telle la démence de Grentzfeld-Jacob, probablement d’origine virale et qui a une évolution mortelle en quelques mois seulement.
Les démences tumorales s’opposent aux démences atrophiques, car l’ablation de la tumeur — si elle est possible — permet généralement une régression substantielle des symptômes psychiatriques.
Citons enfin les états démentiels au cours d’affections métaboliques ou endocriniennes que l’on peut confondre parfois avec des démences dégénératives séniles ou préséniles, les démences secondaires à des hémorragies cérébro-méningées, les démences en rapport avec des maladies démyélinisantes (altérant la myéline de la structure blanche du cerveau).
Dans l’ensemble, parmi toutes ces causes, il faut retenir la fréquence des démences atrophiques séniles, vasculaires, alcooliques et traumatiques. Signalons aussi l’existence de la notion classique de « démence vésanique », qui marque la fin de certaines psychoses après de longues années d’évolution.
Le pronostic des démences est désastreux dans la plupart des cas. Si l’on excepte la paralysie générale accessible à un traitement antibiotique, les tumeurs cérébrales opérables, le cas des cures de désintoxication précoces chez l’alcoolique chronique, la correction des rares désordres métaboliques décelables, l’immense majorité des démences atrophiques évolue plus ou moins lentement vers l’aggravation. Dans tous les cas, il faut néanmoins donner au patient des conditions de vie et un environnement favorables. Des médicaments psychotropes permettent de juguler les troubles de l’humeur, les idées délirantes, les désordres du comportement. Dans les démences vasculaires, on peut utiliser les vaso-dilatateurs cérébraux, qui stabilisent ou font régresser quelque peu le processus destructif. Il faut réserver le placement en hôpital psychiatrique aux cas où la déchéance est totale et où les troubles de la conduite sociale, ainsi que les dangers que le malade présente pour lui-même et pour autrui sont incompatibles avec la vie en famille.
Démence infantile
Il existe chez l’enfant des démences organiques de causes diverses (infectieuses, toxiques, traumatiques, épileptiques ou métaboliques par dystrophie de la substance blanche cérébrale). Ces démences frappent un cerveau en pleine maturation. Pour affirmer qu’il s’agit bien d’une démence, il faut que le développement psychomoteur initial ait été normal avant la maladie responsable de la détérioration intellectuelle. On assiste alors à la régression massive du développement de la personnalité avec la perte plus ou moins complète des acquisitions antérieures. En revanche, le terme de démence ne doit plus désigner les cas de psychose infantile ou d’autisme précoce, qui constituent de fausses démences et appartiennent à une catégorie très différente de troubles mentaux de l’enfant (v. psychoses infantiles). Il faut distinguer aussi la démence de l’enfant de l’arriération et de la débilité, qui, elles, sont congénitales.
Démence précoce
Cette expression s’appliquait autrefois à la schizophrénie à forme hébéphrénique, psychose fréquente chez les adolescents ou les jeunes adultes. En fait, il ne s’agit pas d’une véritable démence, mais d’une pseudo-démence, dans laquelle le trouble fondamental est de nature affective. Certains jeunes schizophrènes peuvent ressembler superficiellement à des déments, mais, sous une apparente stupidité, ils gardent en réalité une intelligence étonnamment intacte.
G. R.
➙ Folie / Schizophrénie.
R. Mallet, la Démence (A. Colin, 1935). / J. Delay et S. Brion, les Démences tardives (Masson, 1962).