Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
D

démocrate (parti)

L’un des deux partis qui dominent la vie politique des États-Unis.



Évolution du parti démocrate

Le parti démocrate est né presque en même temps que la République. En effet, le premier cabinet du président Washington comprenait deux personnalités dont les tendances étaient inconciliables. Alexander Hamilton (1757-1804), secrétaire au Trésor, admirait le régime britannique, voulait faire de son pays une puissance industrielle et financière, et réclamait pour le gouvernement fédéral de larges pouvoirs. Thomas Jefferson (1743-1826), secrétaire d’État, détestait les idées hamiltoniennes. En 1791-92, il rassembla autour de lui et de son ami, James Madison (1751-1836), un parti républicain, que ses adversaires affublèrent, par dérision, de l’épithète démocrate. Au sein de ce parti, les planteurs de Virginie, les petits métiers du Nord, bref tous les ennemis des riches commerçants faisaient alliance : droits des États, primauté de l’agriculture, refus de toute centralisation bancaire, sympathie pour la France girondine sont les thèmes du programme sur lequel Jefferson est élu vice-président en 1796 et accède en 1801, après quatre années de luttes contre les fédéralistes, à la présidence.

Dès lors, le conflit entre les partis s’apaise. Il y a même, de 1815 à 1824, une période « des bons sentiments ». Puis, sous l’effet des transformations économiques, à la suite de l’extension du suffrage à la quasi-totalité de la population blanche de sexe masculin, des partis nouveaux, ou rénovés, surgissent. Prenant pour base New York, Martin Van Buren (1782-1862) donne une nouvelle vigueur au parti démocrate, trouve un leader en la personne du général Jackson, met sur pied une « machine » efficace, que le système des dépouilles récompense de ses efforts.

En 1828, Andrew Jackson (1767-1845) est élu président. La démocratie jacksonienne défend l’intégrité des droits des États, mais dans les limites définies par la Constitution : elle s’emploie à détruire les privilèges de la deuxième Banque des États-Unis et réussit à établir fermement le principe de la libre entreprise. Dans le conflit douanier qui oppose les intérêts du Nord à ceux du Sud, Jackson choisit d’apaiser ceux-ci sans léser ceux-là, mais contre la Caroline du Sud, qui menace de faire sécession, il prend une attitude énergique.

Pourtant, de 1840 à 1860, le parti passe peu à peu entre les mains des partisans de l’esclavage. Les démocrates du Nord vont rejoindre les rangs du « Free Soil », voire des républicains (apparus depuis 1854). Les « slavocrates » sont maîtres du parti en 1860 : les États sécessionnistes sont tous démocrates.

Le parti ne se relèvera pas du désastre avant de longues années. Certes, sur le plan local, il retrouve sa force rapidement et perd de très peu les élections présidentielles de 1876. En fait, dans les trente années qui suivent la guerre civile, un seul démocrate est élu président, Stephen Grover Cleveland (1837-1908).

Le populisme, puis le mouvement progressiste insufflent une nouvelle vie au parti démocrate. En 1896, William Jennings Bryan (1860-1925) utilise à son profit la force électorale des populistes et défend brillamment, mais vainement, le bimétallisme. Le véritable héros du parti sera, quelques années plus tard, Th. W. Wilson*, élu gouverneur du New Jersey en 1910 et président des États-Unis en 1912. Une fois installé à la Maison-Blanche, il fait voter le programme, résumé par l’expression nouvelle liberté : contrôle des trusts, abaissement du tarif douanier, création du « Federal Reserve System », amélioration du sort des ouvriers et des employés. Avocat d’une diplomatie missionnaire, il intervient fréquemment dans les affaires du Mexique et de l’Amérique centrale. Après que les Allemands ont engagé la guerre sous-marine à outrance, il fait entrer son pays dans le conflit. Au cours des négociations de Paris en 1919, il sera l’apôtre de la Société des Nations, mais les Américains refuseront de ratifier sa politique. En 1921, déçu, malade, il doit céder le pouvoir aux républicains, vainqueurs aux élections présidentielles de 1920.

Pendant une dizaine d’années, les démocrates survivent dans l’opposition : la prospérité joue contre eux. Il faut que la crise s’aggrave pour qu’une majorité d’électeurs désignent un président démocrate en 1932. Avec le « New Deal » de F. D. Roosevelt*, les États-Unis s’engagent dans la voie de l’interventionnisme gouvernemental : les conservateurs, groupés au sein du parti républicain, crient au socialisme ; jusqu’à 1936, la Cour suprême menace d’annuler toute la législation votée dans les trois dernières années. Pourtant, Roosevelt ne manque pas de précurseurs dans l’histoire américaine, et, tout compte fait, sa politique économique consiste à adapter le capitalisme de son pays aux conditions de l’époque, à recourir aux armes fiscales et budgétaires, à pratiquer une inflation contrôlée pour « réamorcer la pompe », à confier au gouvernement fédéral, ou plutôt au président, un rôle prédominant. Révolution ? certes non : un aggiornamento. Partisan d’une politique de bon voisinage à l’égard de l’Amérique latine, Roosevelt tente, à partir de 1938-1940, de sortir son pays de l’isolationnisme dans lequel il se complaît. L’attaque japonaise sur Pearl Harbor (1941) mettra en branle l’énorme arsenal américain.

Les démocrates d’après 1945 ont été hantés par le souvenir de Roosevelt. Celui-ci est le véritable fondateur du parti démocrate que nous connaissons.


Les tendances caractéristiques des démocrates

Aucun des deux partis qui alternent au pouvoir ne défend un véritable programme idéologique : l’un et l’autre voient dans la Constitution et dans la Déclaration d’indépendance l’alpha et l’oméga de leurs réflexions. Les démocrates, tout comme les républicains, ne cherchent pas à renverser les bases de la société.

Pourtant, ils ne sont pas dans l’ensemble partisans du statu quo. Ils souhaitent que le gouvernement fédéral accorde une aide plus importante aux déshérités, aux chômeurs, aux États et aux villes, aux établissements scolaires des grandes agglomérations. Ils réclament une taxation accrue des grosses fortunes. Ils mènent le combat, surtout à partir de la présidence (1945-1953) de Harry S. Truman (né en 1884), pour les droits civiques des Noirs. Ils préfèrent l’inflation à la déflation. En politique étrangère, ils sont internationalistes et voudraient que les États-Unis aident davantage les pays sous-développés. On aura donc tendance à assimiler les démocrates aux libéraux.