Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
D

Délos (suite)

Le premier habitat de l’île remonte au IIIe millénaire av. J.-C., mais c’est à l’époque mycénienne (1400-1200 av. J.-C. environ), puis surtout à l’époque archaïque (viie-vie s. av. J.-C.) que Délos prend une certaine importance. Durant cette période, les Naxiens, puis les Athéniens et enfin les Samiens exercent tour à tour leur hégémonie sur l’île. À l’époque classique, la prééminence d’Athènes est manifeste. De 315 env. à 166, Délos, devenue indépendante, se transforme peu à peu en place de commerce cosmopolite et devient une sorte de carrefour des religions. Enfin, en 166, l’île est donnée aux Athéniens par les Romains ; elle connaît alors une grande prospérité et, telle une ville champignon américaine, voit proliférer les constructions. Cette époque de grandeur précède la décadence de l’île, dès le Ier s. av. J.-C.

Des édifices religieux, il ne reste le plus souvent que quelques ruines peu éloquentes. Le sanctuaire d’Apollon, divinité principale de l’île, qui englobait plusieurs temples du dieu, des « trésors » (oikoi), des autels et des offrandes diverses (statue colossale dédiée par les Naxiens, palmier de Nicias, etc.), s’étend à proximité de l’ancien port, au bord de la mer. Il renfermait le temple d’Artémis, sœur du dieu, mais non celui de Léto, la mère des jumeaux divins, qui se dressait à courte distance au nord. Le temple d’Héra, au contraire, était bâti à l’écart, sur les flancs du Cynthe (Kýnthos), la colline qui domine l’île. Tout près, sur une vaste esplanade, les Déliens avaient consacré plusieurs édifices au culte de dieux égyptiens et syriens. L’« antre du Cynthe », longtemps considéré comme le lieu de la naissance d’Apollon et comme un sanctuaire fort ancien, ne remonte sans doute pas au-delà de l’époque hellénistique.

Parmi les bâtiments publics, les plus importants sont ceux dans lesquels se réunissaient les autorités religieuses et civiles de l’île, des palestres, des gymnases, un grand théâtre et un stade. La population de la Délos hellénistique avait l’habitude de se rassembler sur de vastes places entourées de magasins et de portiques. Avec les vestiges des quartiers d’habitations, dont la fouille est loin d’être terminée (environ la moitié en avait été dégagée en 1968), ces ruines permettent d’évoquer avec précision la vie quotidienne des anciens Déliens.

Les fameux lions de Délos forment l’un des éléments les plus typiques du paysage délien. Alignés sur une terrasse, en face du lac sacré, les fauves, dressés sur leur avant-train, le corps démesurément allongé, semblent garder le sanctuaire. L’allée des lions fut sans doute édifiée sous la domination naxienne, mais la conception même d’un accès aussi majestueux trahit des influences orientales.

Délos a livré un grand nombre d’œuvres d’art de toutes les époques, des monnaies, plusieurs trésors de bijoux (un ensemble particulièrement important a été mis au jour en 1964), des inscriptions. En sculpture, outre les lions, on relève de nombreuses offrandes d’époque archaïque (statues de jeunes hommes, de jeunes filles, cavaliers). La plus connue est la Nikê de Délos, Victoire ailée dans la position caractéristique de la « course agenouillée ». La sculpture délienne d’époque hellénistique est célèbre par le groupe de Pan, Eros et Aphrodite. Ces deux œuvres sont exposées au Musée national d’Athènes.

Les mosaïques de Délos constituent peut-être le vestige le plus spectaculaire de la grandeur de Délos à l’époque hellénistique. Les thèmes traités sont divers : sujets marins (dauphins, ancres), mythologiques, scènes tirées du théâtre. Sans atteindre à la qualité des meilleures mosaïques de l’Antiquité, celles de Délos sont intéressantes, car elles marquent la transition entre l’art des débuts de l’époque hellénistique et celui de l’époque impériale romaine.

P. B. D.

➙ Grèce.

 R. Vallois, l’Architecture hellénique et hellénistique à Délos jusqu’à l’éviction des Déliens (de Boccard, 1944-1966 ; 2 vol.). / H. Gallet de Santerre, Délos primitive et archaïque (de Boccard, 1959). / P. Bruneau et J. Ducat, Guide de Délos (de Boccard, 1965). / J. Marcadé, Au musée de Délos (de Boccard, 1970). / P. Bruneau, Recherches sur les cultes de Délos à l’époque hellénistique et à l’époque impériale (de Boccard, 1971) ; les Mosaïques de Délos (de Boccard, 1972).

Delphes

En gr. Dhelfí ou Delphoi, cité grecque, siège d’un sanctuaire panhellénique et d’un oracle d’Apollon.



L’oracle

Au pied du Parnasse, au nord du golfe de Corinthe, dans un site particulièrement spectaculaire de falaises et de gorges profondes, où sévissent orages violents et tremblements de terre, où des vapeurs méphitiques, des sources sacrées jaillissent des rochers fissurés, de bonne heure (dès le IIe millénaire av. J.-C.) se développa un culte : les divinités chthoniennes, Gaia, la Terre mère, sa fille Thémis et Poséidon, rendaient leurs oracles, assistées par le serpent Python, que la Terre avait enfanté. Apollon, au retour du voyage qu’il fit, au-delà des vents, chez les Hyperboréens, y vint, et de ses flèches tua le serpent qui en était venu à terroriser la contrée. S’étant purifié, au cours d’un séjour dans la vallée de Tempe, en Thessalie, du meurtre qu’il avait commis, par l’organisation des Pythia, jeux funèbres que l’Antiquité célébra avec autant de ferveur que les jeux Olympiques, il s’empara de l’oracle et consacra, dans le vénérable sanctuaire, le trépied (symbole de son culte) sur lequel devait s’asseoir la Pythie, qui parlerait en son nom. Héraclès eut beau lui disputer la possession du temple, il continua à l’administrer et, par lui, à régenter toute l’activité de la Grèce : particuliers et chefs d’État ne cessèrent de venir consulter ses « infaillibles oracles ».

Au début, on n’interrogeait l’oracle qu’en de rares occasions ; peu à peu, néanmoins, le dieu prit l’habitude, durant l’été, de répondre chaque septième jour du mois. Le sort décidait de l’ordre dans lequel les fidèles pouvaient consulter, mais certains d’entre eux pouvaient jouir du privilège de promanteia, qui les autorisait à passer devant les autres. Pour être sûrs qu’Apollon allait consentir à répondre, les responsables du sanctuaire interrogeaient une victime, le plus souvent une chèvre, en répandant sur elle des libations : « Il faut que tous ses membres tressaillent ensemble, frappés de palpitations et frémissements qu’accompagne un murmure convulsif ; si ces symptômes ne se manifestent pas, les prêtres disent que l’oracle ne peut fonctionner et ils n’introduisent pas la Pythie », dit Plutarque.