Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Alexandrie (suite)

La ville avait conservé sa qualité de foyer intellectuel : jusque sous Justinien subsistèrent des écoles païennes (en particulier l’école philosophique néo-platonicienne), et l’aptitude aux discussions théologiques créait un climat favorable à la naissance des hérésies. L’hérésie d’Arius y fut brillamment et ardemment combattue par l’éminent patriarche que fut saint Athanase* (328-373). Aux ve et vie s., le monophysisme, qui avait la faveur des coptes, fut à l’origine de désordres sérieux. Lieu d’élection de cette hérésie, Alexandrie fut privée de son patriarche Théodose, exilé et remplacé par Paul, moine orthodoxe et autoritaire (538). Ce qui n’empêcha pas les monophysites de revenir en force. En 633, l’empereur Héraclius avait cru rétablir la paix religieuse : en réalité, les monophysites, persécutés, croyaient voir l’Antéchrist en la personne du patriarche Cyrus.


Arabes et Turcs

Le même patriarche livra la ville aux Arabes ; installés à Péluse dès 639, ils entrèrent dans Alexandrie en 642.

La réduction radicale de l’activité commerciale suivit celle de la population. Vers 875, Ibn Ṭūlūn faisait abattre les trop vastes remparts antiques pour édifier une enceinte plus restreinte.

En 1202, les Vénitiens prirent momentanément Alexandrie. Comme les Génois et les Pisans, et même plus qu’eux, ils obtinrent des privilèges commerciaux et firent du port un centre de commerce des épices de l’Orient, aux xive et xve s. Ils y importaient en contrepartie des armes et des esclaves originaires des Balkans. Le Sultan percevait des droits de port élevés.

La découverte de l’itinéraire du cap de Bonne-Espérance réduisit l’activité transitaire avec l’Orient. La venue des Turcs Ottomans, en 1517, porta le coup de grâce à Alexandrie, qui fut saccagée.


L’époque moderne

Quand Bonaparte y débarqua en 1798, il n’y avait plus que 7 000 habitants. Méhémet-Ali redonna quelque rôle à la ville, dont la population remonta : 25 000 habitants en 1825, 100 000 en 1850. De son temps datent diverses constructions : un nouveau phare, à l’ouest de la presqu’île, l’arsenal du port de l’ouest, le palais de Ra’s al-Tīn, enfin le canal Maḥmūdiyya, qui contourne l’agglomération par le sud, remplace l’ancien canal canopique et relie Alexandrie au Nil.

Ce fut le signal de la renaissance de la ville, qui, point de départ de la route terrestre des Indes, s’européanisa progressivement et attira non seulement des Français et des Anglais, mais aussi des Grecs, des Juifs et des Syriens. Elle fut la capitale de fait de l’Égypte, depuis Méhémet-Ali jusqu’à l’avènement d’Ismā‘īl, qui favorisa Le Caire.

R. H.


Le site de la ville et ses extensions

La ville moderne occupe l’emplacement de la ville antique, entre la mer et le lac Mariout (Maréotis), à la limite des côtes basses du delta et des reliefs calcaires qui relèvent le littoral en direction de l’ouest. Le lac Mariout, entièrement isolé, est actuellement à 2,50 m au-dessous du niveau de la mer. L’ancienne île de Pharos, reliée au continent sous les Ptolémées par l’Heptastadion, est aujourd’hui intégrée complètement à la ville par le quartier développé sur l’isthme, devenu point de concentration de l’habitat depuis la conquête arabe et pendant la période turque. La plupart des mosquées du quartier arabe, construites en brique avec un sous-sol réservé aux boutiques et dominées par d’élégants minarets, appartiennent à l’architecture dite « du Delta ». Les rues qui relient les deux ports sont étroites et tortueuses, pittoresques. La presqu’île de Pharos porte le palais de Ra’s al-Tīn, ancienne résidence royale aujourd’hui musée national et musée des poupées, la nécropole d’Anfuchi et, à son extrémité est, le fort Qā’itbey construit sur l’emplacement du fameux Phare.

Le centre administratif, commercial et financier s’est développé au sud du port oriental, entre la corniche, la place de la Libération (Mīdan al-Taḥrir, anc. Méhémet-Ali) et la gare centrale. L’extension des quartiers résidentiels s’est faite parallèlement à l’aménagement des plages, entre Chatby (Chāṭbī) [ancienne nécropole des Ptolémées] et Aboukir à l’est d’Alexandrie, occupant successivement des sites antiques (nécropole de Muṣṭafā, Nikopolis). L’ancienne résidence royale d’al-Muntazah est aujourd’hui un musée et sa plage est ouverte à tous.

La partie sud de la ville en bordure du canal Maḥmūdiyya présente des aspects variés, depuis le quartier Muḥarram Bek installé dans une boucle du canal, où se trouvent de grands espaces verts (roseraies, jardin tropical, jardin zoologique), jusqu’aux entrepôts de coton et usines diverses qui bordent le canal, le long des berges duquel accostent les lourdes felouques assurant le trafic entre le port et le Nil.

Les seuls vestiges antiques de ce quartier sont les catacombes préchrétiennes de Kūm al-Chaqāfa et la colonne dite de Pompée.

Les quartiers industriels occupent l’ouest de la ville en bordure du port occidental, au-delà du canal. Ils se sont étendus sur la bande littorale étroite qui sépare le lac de la mer (Al-Gabbārī, Al-Wardiyān, Al-Mex). Les collines calcaires d’Al-Mex ont fourni la pierre de taille qui a servi à construire la ville moderne et le port.


Premier port d’Égypte

Le port comprend deux rades construites de part et d’autre de la presqu’île artificielle qui relie l’île de Pharos à la ride littorale fermant le lac Mariout. Le port occidental, port militaire et commercial, est formé du vieux port (ancien Eunostos), à l’abri du Ra’s al-Tīn, et de son extension derrière 4 km de brise-lames. Le canal Maḥmūdiyya débouche dans le vieux port par une écluse. Le port oriental, ou port neuf, offre un mouillage précaire. Il est utilisé comme port de plaisance.

Le trafic, de l’ordre de 12 Mt (nette prédominance des entrées), place Alexandrie au premier rang pour le marché des produits nationaux (coton) et pour les importations, qu’elle assure aux trois quarts. Les usines chimiques, alimentaires, textiles, les cimenteries et tanneries, les chantiers navals en font un centre industriel.

Aux vestiges du passé s’ajoutent ainsi les réalisations plus récentes (musée d’Hydrologie, université, installations industrielles, aménagements touristiques) faisant d’Alexandrie la seconde capitale de l’Égypte.

J. C.

 E. A. Parsons, The Alexandrian Library (New York, 1952). / H. T. Davis, Alexandria, the Golden City (San Antonio, Texas, 1958 ; 2 vol.). / H. Möbius, Alexandria und Rom (Munich, 1964). / A. Bernand, Alexandrie la Grande, d’Hérodote à Lawrence Durrell (Arthaud, 1967).