Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
D

Dahomey (suite)

L’industrie, entièrement concentrée à Cotonou, est peu développée en raison de l’insuffisance du marché (brasserie, textile, cimenterie, montage de véhicules). L’huilerie de palmiste, créée en 1965, a permis d’exporter une partie de la production de la palmeraie sous forme d’huile de palmiste et de tourteaux. Aucune ressource minérale (malgré la découverte récente d’indices de pétrole sur la côte) n’a été à ce jour mise en valeur.

Le commerce extérieur est presque entièrement effectué par le port de Cotonou (où un port moderne en eau profonde, mis en service en 1964, a remplacé le wharf de l’époque coloniale) ; une voie ferrée principale Cotonou-Parakou (complétée par deux voies secondaires, toutes trois métriques) assure les liaisons avec le Nord et, au-delà, par la route, avec la république du Niger. Le commerce extérieur est largement déficitaire : les exportations, en valeur, couvrent la moitié des importations.

La France conserve la première place dans le commerce extérieur dahoméen, mais a perdu depuis quelques années sa prépondérance absolue (huile de palmiste et tourteaux sont exportés vers l’Allemagne fédérale, les États-Unis et les Pays-Bas, les importateurs français ne s’intéressant qu’aux produits bruts). Les finances, également déficitaires, sont surchargées par une fonction publique pléthorique (plus du tiers de l’effectif des salariés).

Le Sud souffre du chômage (dont une forte proportion de chômage intellectuel, dans une région où, depuis longtemps, le taux de scolarisation est relativement élevé et qui fournissait jadis aux autres colonies de l’A.-O. F. de nombreux cadres administratifs, aujourd’hui rapatriés). Un institut supérieur (amorce d’université) fonctionne à Porto-Novo. Dans le Nord, beaucoup de jeunes émigrent temporairement au Ghāna et en Nigeria du Sud pour travailler dans les mines, les plantations ou tenter fortune dans le commerce. Le revenu annuel moyen est estimé à 22 000 francs CFA par habitant (440 francs français).

J. S.-C.


L’histoire

Création artificielle de la France, le Dahomey comprend plusieurs groupes ethniques, assez proches par leurs langues, coutumes et genre de vie : d’abord, les présumés autochtones (Paragourmas, Gourounsis, Sombas, Fon-Adjas, Mahis et Hollis), puis les immigrants venus de l’est (Baribas, Yoroubas), de l’ouest (Minas et Basantchés), du nord (Kotokolis, Gourmantchés, Dendis). Les créoles « brésiliens », revenus comme courtiers des négriers, puis comme trafiquants d’huile de palme, constituent les « grandes familles dahoméennes » (Almeida, Oliveira, da Souza, Sastre, de Medeiros, Garcia, Sacramento, etc.) à Agoué, Cotonou, Grand-Popo, Ouidah et Porto-Novo.

Deux vagues de migration intéressent le sud du Dahomey : celle des Houédas, donnant leur nom à la ville de Ouidah, et celle des Agassouvis (v. Abomey), aboutissant à la formation des trois royaumes d’Allada, de Porto-Novo, ou Adjatchè, et de Dan-Homé, ou Dahomey, ou Abomey.

En 1883, le roi Toffa de Porto-Novo, favorable à la France, signe un traité d’amitié et de protectorat. Sa mort en février 1908 sonne le glas du système de protectorat, plus nominal que réel, remplacé par un mode d’administration directe. Son fils et successeur, Adjiki, monte sur le trône avec le titre de « chef supérieur du territoire de Porto-Novo ».

Quant au royaume d’Abomey, sa formation traduit la genèse d’un système centralisé à fondement territorial qui l’emporte peu à peu sur des structures traditionnelles claniques et lignagères. Vers 1620, sa fondation comble un vide dû au climat de cet îlot de savane entouré de forêt, aux razzias d’esclaves et à la décadence des rares communautés tribales. Cela favorise la constitution d’un royaume partiellement dégagé des contraintes patriarcales antérieures.

Mais le haut degré de l’organisation administrative et la conscience politique des dirigeants s’opposent à l’archaïsme de l’économie. Le souverain, alors tourné vers l’intérieur, volontairement éloigné de la côte, s’efforce de neutraliser les activités européennes. Le paradoxe est que ce royaume, d’abord fondé pour lutter contre les influences corrosives de la traite, est voué à une construction économique et administrative fondée sur la traite, dont le commerce, entièrement étatisé, repose entre les mains du roi. Abomey, politiquement structuré, est incapable de construire un système économiquement viable, et cette contradiction lui confère son caractère incorrigiblement négrier au xixe s. La révolution, qui porte Guézo au pouvoir en 1818, s’expliquerait donc par la crise économique consécutive à la baisse de la traite, remplacée progressivement par le commerce de l’huile de palme.

Au nord, les royaumes bariba du Borgou, dont la monarchie repose sur une alliance entre princes « immigrés » et chefs de la terre autochtones, et qu’équilibre le choix réciproque. Le souverain confirmant le chef de la terre, qui désigne à son tour le roi, après avoir assuré la régence.

À l’ouest, l’Atakora, dont le peuplement actuel débute sans doute au xviiie s. et s’étend progressivement au cours du xixe s. Il représente une des conséquences d’un ensemble complexe de déplacements de populations remontant au xvie-xviie s. et liés à la naissance de nouveaux États dans les savanes d’entre Niger et Volta (royaumes mossi et gourmantché notamment). Certains groupes se réfugièrent dans la montagne, les Bèsoroubés et les Betammaribés, créant ainsi le pays « somba ».

En 1851, la France signe un traité d’amitié et de commerce avec le souverain d’Abomey, Guézo, se fait reconnaître le comptoir de Ouidah, puis acquiert Grand-Popo (1857) et Cotonou (1868), mais se heurte à la résistance du roi Glè-Glè (1858-1889) et de son fils Béhanzin (1889-1894), qui est vaincu et fait prisonnier (campagnes de 1890 et 1892-93).

Le Dahomey (nom de l’ancien royaume) devient l’une des colonies de la fédération de l’Afrique-Occidentale française. Le décret du 22 juin 1894 l’organise en y distinguant trois types de territoires : annexés, protégés et d’action politique. À cette triple division aurait dû correspondre un régime diversifié : administration directe pour les premiers, indirecte à l’égard des seconds, dotés alors d’organisation interne leur permettant de s’administrer eux-mêmes. Il n’en fut rien pourtant, car une telle diversité aurait été à l’encontre des tendances centralisatrices françaises et aurait introduit une variation dans la nature des rapports entre gouverneurs, administrateurs et autorités traditionnelles. Aussi aboutit-elle à un système d’administration unique, directe et centralisée (décret du 18 oct. 1904). Le cercle formera désormais les divisions régionales avec une ou plusieurs subdivisions dirigées par les commandants. On ne rencontre un commandement indigène qu’au niveau du canton.