Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Crète (suite)

Dans les combats de ligne, grâce à leur puissance de tir et à la capacité qu’ils ont d’engager l’action à distance, ces archers sont les plus redoutables adversaires des chars et des éléphants, dont ils déciment les équipages. Leur place est en général aux ailes, où ils peuvent couvrir la phalange, suivre les mouvements de la cavalerie (à laquelle on les mêle parfois en des corps mixtes) grâce à leur mobilité.

Ils sont souvent engagés en un corps homogène par leur cité selon un accord avec un souverain : ainsi, s’ils vont combattre au loin, n’en restent-ils pas moins liés de façon étroite à leur patrie ; de cette façon, une bataille en terre syrienne peut être de manière imprévue le prolongement d’un conflit intérieur à la Crète : quand, en 217 av. J.-C., à Raphia, s’affrontèrent, au service respectivement des Lagides et des Séleucides, les soldats de Knossós et de Gortyne, leur haine ancestrale eut une excellente occasion de s’exprimer. La solde que recevaient les mercenaires que la cité engageait l’enrichissait, puisqu’ils revenaient au pays la dépenser.

Cette vie aventureuse plaisait aux Crétois ; quand les engagements devinrent plus rares, ceux-ci n’hésitèrent pas à devenir des pirates redoutables : Rhodes, au iiie s., ne put en venir à bout, et les Romains eurent bien du mal à les réduire.

Premier code de Gortyne

Ce code est connu par une magnifique inscription de plus de 600 lignes, qui, rédigée vers 450 av. J.-C., rassemble des textes de lois pouvant remonter à une période plus ancienne. Les informations qu’il nous transmet sont d’une valeur inestimable.

Ces quelques paragraphes (titre II, paragraphes 9 à 11) du premier code montrent les rapports entre les diverses classes sociales de la cité de Gortyne ; remarquable surtout est l’humanité dont ces lois témoignent envers les esclaves, qui ont une personnalité juridique plusieurs fois affirmée : « Celui qui par violence déflore sa propre esclave domestique paiera deux statères. Dans le cas où l’esclave violée n’était pas vierge, il paiera, si c’est de jour, une obole ; si c’est de nuit, deux oboles. L’esclave en sera crue sur son serment.

Si quelqu’un tente d’avoir commerce avec une femme libre dans la maison du père, ou du frère, ou du mari de celle-ci, il paiera cent statères ; si c’est dans la maison de toute autre personne, cinquante ; si c’est avec la femme d’un homme qui ne fait pas partie d’une hétairie, dix.

Si un esclave est pris en adultère avec une femme libre, il paiera le double.

Si un esclave est pris en adultère avec la femme d’un esclave, il paiera cinq statères. »

(Traduction R. Dareste in R. Dareste, B. Haussoulier et Th. Reinach, Recueil des inscriptions juridiques grecques, Leroux, 1898-1904, pp. 360-361.)


La Crète durant la période romaine (67 av. J.-C. - IVe s. apr. J.-C.)

C’est une période d’extrême prospérité, la population étant sans doute plus nombreuse qu’elle ne l’est aujourd’hui ; des routes, des aqueducs, des canaux d’irrigation permettent la mise en valeur d’un pays où chaque cité, jouissant enfin de la paix, peut s’enrichir. Au cours de cette période d’« urbanisme fiévreux » sont reconstruits ou remplacés bien des monuments de l’époque précédente. Gortyne, capitale de la province (associée à la Cyrénaïque pour son administration), a laissé des ruines considérables, ainsi que la colonie romaine de Knossós (Colonia Julia Nobilis).

J.-M. B.


La Crète depuis le ive s.

La division de l’empire, en 395, met en valeur la position centrale de l’île dans l’Empire romain d’Orient. Devenue l’un des principaux avant-postes byzantins, la Crète tombe en 825/26 au pouvoir des musulmans : ce n’est qu’en 960/61 que les Byzantins, sous Nicéphore II Phokas, la reprennent et, du même fait, recouvrent la maîtrise navale en Méditerranée orientale.

La conquête de l’Empire byzantin par les Latins de la quatrième croisade (1204) fait échoir la Crète dans le lot de Boniface de Montferrat, qui la vend presque aussitôt aux Vénitiens. Ceux-ci en font l’articulation maîtresse, tant au point de vue militaire que commercial, de leur grand empire oriental. Un moment menacés, à la fin du xiiie s., par la reconquête byzantine, les Vénitiens sont sauvés par l’action angevine, mais, à partir du xve s., ils doivent faire face aux attaques des Ottomans. Ceux-ci prennent pied en 1645 dans l’île, qu’ils conquièrent progressivement : Candie tombe en 1669 et les derniers points d’appui vénitiens en 1715.

Sous l’occupation turque, l’île se révolte plusieurs fois. En 1897, une insurrection générale éclate, avec l’appui armé de la Grèce. Les Ottomans l’emportent, mais l’intervention des puissances impose un compromis : la Grèce renonce à toute ambition sur la Crète, mais celle-ci est organisée en principauté autonome sous la suzeraineté ottomane, et les troupes turques évacuent l’île (1898). L’administration est confiée au prince Georges de Grèce : en 1905, Elefthérios Venizélos* suscite contre celui-ci une révolte pour obtenir le rattachement de l’île. Un mouvement semblable se produit encore en 1908, après la révolution turque, mais l’opposition des puissances empêche l’union de s’effectuer jusqu’à la conclusion de la première guerre balkanique (1913) qui voit la défaite des Turcs. Retournée à la Grèce*, la Crète partage désormais le sort de celle-ci.

P. P.


L’art créto-mycénien

La civilisation de la Crète minoenne s’épanouit au IIIe et au IIe millénaire av. J.-C. Elle nous a laissé, outre les ruines de quatre « palais » et de nombreuses constructions moins vastes, des œuvres nombreuses, d’une qualité et d’une variété exceptionnelles. À la civilisation minoenne succède celle des Mycéniens, dont témoignent une céramique exportée dans toute la Méditerranée centrale et orientale, des édifices, surtout militaires, et des petits objets, d’or et d’ivoire notamment, d’une grande originalité.