Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Crète (suite)

Des découvertes récentes

Avant 1874, l’art préhellénique était encore totalement inconnu. C’est à cette date que l’archéologue autrichien Heinrich Schliemann (1822-1890) eut l’intuition d’entreprendre l’exploration de Mycènes. Très vite, ses découvertes s’avérèrent d’une importance capitale. Entre 1900 et 1905, l’Anglais sir Arthur Evans (1851-1941) mit au jour la majeure partie du palais de Knossós, en Crète, tandis que, simultanément, des archéologues italiens dégageaient le palais de Phaistos.

Dès lors, les recherches s’intensifièrent : des missions, françaises à Mália (ou Mállia), américaines et grecques en Crète orientale, allemandes à Tirynthe (en Argolide), américaines à Pylos (Péloponnèse), livrèrent et continuent à livrer au monde les vestiges de la civilisation minoenne, du nom du plus célèbre roi légendaire crétois, et de la civilisation mycénienne, ainsi nommée à cause de la citadelle de Mycènes. Sur tous les sites, les fouilles sont poursuivies. Plus soigneuses, plus méthodiques, plus attentives aussi, elles permettent de préciser, voire de corriger, les chronologies et d’obtenir des progrès notables dans nos connaissances.


Les origines de la civilisation minoenne

Les fouilles conduites entre 1957 et 1969 par une mission anglaise à Knossós ont renouvelé de façon radicale le problème fondamental des origines de la tradition minoenne. Grâce aux mesures de la radio-activité du carbone 14, on a pu prouver que les premiers habitants s’établirent sur le site vers 6000 av. J.-C. environ. La céramique apparaît peu après 6000 et se rattache à la production contemporaine de l’Anatolie et des îles de la mer Égée. Les premiers spécimens de poterie, faits d’une argile sombre, sont lisses et présentent une surface brûlée. Par la suite apparaissent des récipients clairs, décorés de traits noirs ou brun-rouge. Comme ailleurs à la même époque, les potiers recourent largement aux incisions (chevrons, décors géométriques) pour orner leurs œuvres. Les mêmes motifs se retrouvent sur les premières statuettes, idoles stéatopyges représentant des divinités de la fécondité, ou sur les offrandes destinées à attirer la faveur de ces dernières.

La fin du Néolithique se caractérise par ce qu’on a appelé la révolution du bronze. L’âge du bronze voit la civilisation créto-mycénienne accéder à sa plénitude. Evans a, dès le début du siècle, proposé pour cette période une chronologie qui, bien que parfois discutée, continue de faire autorité. L’âge du bronze crétois (époque minoenne) se divise en trois périodes, étant spécifié que cette division ne sous-entend pas une gradation du type : début, épanouissement, fin.


Un prélude : le minoen ancien

Le minoen ancien s’étend en gros de 2900 à 2000 av. J.-C. Parmi les principaux vestiges de cette époque ne figurent qu’un petit nombre d’habitats organisés, ainsi que des tombes à Mokhlos (Crète orientale) et dans la Messará (sud de la Crète centrale). C’est dans ces deux régions que se produisit l’évolution la plus rapide et la plus spécifique.

Les artisans excellèrent dans la création de vases de pierre, qui nous sont parvenus par centaines. De grandeur, de forme et d’aspect variés, reflet de la diversité du matériau dans lequel ils étaient taillés, ces objets ont en commun une grande élégance de ligne, alliée à la plus extrême sobriété, tel ce couvercle sur lequel se prélasse un chien couché.

Mais les vases en terre cuite sont remarquables, eux aussi, tant par leur forme que par leur décor. Ils font songer à des théières dont le long bec serait curieusement projeté en avant et en l’air. Leur décor « flammé », où alternent des taches de couleurs diverses, est obtenu par des variations d’oxydation lors de la cuisson. Tandis que les vases en pierre évoquent des ancêtres égyptiens, les cruches au long bec se rattacheraient plutôt à un type anatolien, encore qu’on n’exclue pas aujourd’hui qu’à cette époque déjà l’apparition en Anatolie de tels vases puisse être attribuée au rayonnement de la civilisation crétoise.

L’orfèvrerie, enfin, a produit des bijoux d’or d’une finesse rare. Cette floraison des arts au IIIe millénaire, accompagnée des premières manifestations d’une architecture originale, constitue l’antécédent direct de l’âge des premiers palais.


Le minoen moyen et les premiers palais

L’époque à laquelle Arthur Evans conféra le nom de minoen moyen s’étend en gros de 2000 à 1570 av. J.-C. Elle marque un premier apogée de la civilisation minoenne : l’architecture, la glyptique, la métallurgie, la céramique surtout atteignent une splendeur nouvelle, qui fait de la Crète une île plus proche, par son développement, des grands Empires orientaux que de l’Égée ou du continent, encore figés à un stade beaucoup moins avancé. On notera pourtant que, dans les Cyclades, un art étonnant d’originalité connaît dès le IIIe millénaire un essor remarquable. Ses idoles stylisées, représentant peut-être une déesse, tantôt debout, tantôt assise, sont une création étrangement moderne.

L’apparition de palais à Knossós, à Phaistos, à Mália constitue le fait marquant du début du IIe millénaire en ce qui concerne tant l’architecture que l’organisation sociale et économique. Sans doute sous l’influence des monarchies orientales s’instaura en Crète une société fortement centralisée, groupée autour du palais. À la fois sanctuaire, résidence, lieu de spectacle et centre économique, le palais semble présenter des analogies avec les édifices comparables d’Orient et d’Anatolie (Beycesultan). Mais ces analogies ne sont qu’apparentes : dès les premiers palais (détruits à la fin du minoen moyen, puis reconstruits) se révèle une constante : les diverses parties de l’édifice, plus ou moins vastes, sont agencées autour d’une cour centrale, dont la ou les fonctions font encore l’objet de controverses. Ce rayonnement, à partir d’un noyau central, des différents corps de bâtiment en un tout ordonné, conçu globalement, fait l’une des originalités de cette architecture.