Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Alep (suite)

La ville est aussi devenue de loin le premier centre industriel de la Syrie. Au premier rang vient l’industrie textile, qui emploie environ 25 000 personnes, dont plus de la moitié déjà dans une industrie moderne mécanisée. Puis viennent des industries alimentaires (minoteries, huileries, boissons), des industries du cuir et de l’ameublement, une grosse cimenterie et de nombreux petits ateliers métallurgiques.

Ce développement est dû pour une bonne part à l’initiative des éléments chrétiens minoritaires, particulièrement nombreux dans la ville. Aux groupes chrétiens traditionnels, surtout maronites descendus du Liban au xixe s., s’est ajoutée en effet après la Première Guerre mondiale une importante colonie arménienne, qui représente 18 p. 100 de la population de la ville (29 p. 100 de chrétiens au total). La population, qui ne comptait plus que 135 000 habitants vers 1890, après le déclin du commerce, le tremblement de terre destructeur de 1822 et de graves épidémies, a repris sa marche en avant, passant à 466 000 habitants en 1959 et à plus de 600 000 en 1970.

Alep, ville d’art

Bien qu’il demeure à Alep quelques œuvres préislamiques, c’est surtout au temps de la domination seldjoukide, au xie et au xiie s., sous l’impulsion de Zangī et de son fils Nūr al-Dīn, qu’on a commencé à ériger les monuments grandioses qui font encore la gloire de la ville. L’œuvre la plus représentative de cette première époque est la Grande Mosquée, fondée dès 715 mais entièrement refaite par Nūr al-Dīn. Cet édifice conserve le plan dit « arabe », à trois nefs portées par de lourds piliers. Son minaret carré, divisé en cinq étages par des corniches, a une juste renommée.

Sous le règne d’al-Ẓāhir Rhāzī, fils de Saladin, vrai rénovateur de la cité, et sous ceux de ses successeurs, les Ayyūbides, farouches partisans de l’orthodoxie musulmane, les universités religieuses (madrasa) vont se multiplier, soit par adaptation d’anciennes églises (comme il avait déjà été fait sous Nūr al-Dīn pour la madrasa Ḥallāwiyya), soit par de nouveaux bâtiments (madrasa al-Firdaws, Sultaniyya [ou Ẓāhiriyya], Charafiyya, etc., édifiées entre 1223 et 1242). Faites en pierre de taille de grand appareil, parfois avec polychromie, et surmontées de coupoles portées par quatre glacis triangulaires alvéolés, les madrasa ayyūbides sont des monuments austères et graves, qui manquent de fantaisie mais qui sont grands par leur art pur et dépouillé.

Le principal mérite des Mamelouks égyptiens, maîtres d’Alep en 1261, est d’avoir continué l’œuvre culturelle de leurs prédécesseurs. On leur doit en particulier la madrasa Ṣāḥibiyya (1349), le māristān (asile d’aliénés) d’Arrhūn (1354) et un ḥammām.

L’architecture religieuse et civile, malgré sa réelle valeur, est éclipsée, à Alep, par l’architecture militaire. L’enceinte de la ville, gravement endommagée, avec ses tours et au moins cinq portes remarquables aménagées au xiiie s. et souvent refaites, reste une des plus intéressantes et des plus complètes du Proche-Orient. La citadelle demeure inégalée tant en Orient qu’en Occident. Située sur un tell mi-naturel, mi-artificiel et déjà célèbre aux premiers siècles du christianisme, elle a été très restaurée et enrichie par Nūr al-Dīn au xiie s., puis profondément transformée par al-Ẓāhir, qui lui donna l’essentiel de sa forme actuelle et sa plus grande beauté. Ultérieurement, les Mamelouks y ajoutèrent les deux tours avancées et la grande salle surmontant l’entrée. Sous la domination ottomane, l’abandon et les tremblements de terre ont ravagé la citadelle. L’intérieur a particulièrement souffert : grande rue, petite mosquée de Zangī, dite « d’Abraham », puits, palais des xiiie-xve s. avec ses portes à stalactites et sa salle du trône précédée d’une cour et couverte jadis de neuf coupoles, en grande partie écroulées. Fort heureusement, tout le système d’entrée, avec les portes successives et l’immense pont à huit arcs à la fois viaduc et aqueduc, conserve sa grande allure. Tant à la citadelle que sur certaines parties de l’enceinte, d’importants reliefs figuratifs ont été sculptés (en particulier lions et dragons entrelacés).

En 1516, les Turcs Ottomans s’emparent d’Alep. On leur doit l’érection des mosquées à minarets élancés qui donnent à la ville une silhouette anatolienne, la réfection des souks, les plus beaux du monde musulman, et une série de caravansérails (khān de la Douane, du vizir, etc.). Des xviie et xviiie s., on conserve un bel ensemble de demeures à l’extérieur sévère mais au riche décor intérieur, parfois de style rococo turc.

J.-P. R.

X. P.

➙ Syrie.

 J. Sauvaget, Alep. Essai sur le développement d’une grande ville syrienne des origines au milieu du xixe s. (Geuthner, 1942). / Soubhi Saouaf, Alep (Alep, 1951 ; nouv. éd., 1962). / A. R. Hamidé, la Ville d’Alep, étude géographique urbaine (thèse, Paris, 1960).

Alès

Ch.-l. d’arrond. du Gard ; 45 787 hab. (Alésiens).


À l’écart du chapelet urbain du couloir bas-languedocien, Alès se situe au pied du Massif central, au contact des Cévennes et des plateaux de la garrigue. Deux économies complémentaires ont facilité la naissance d’une place commerciale là où s’échangeaient les produits de la montagne contre ceux de la plaine viticole, le pont sur le Gardon marquant à la fois le carrefour au départ de la voie Régordane vers le Velay et la rupture de charge à la porte du monde cévenol.

Grâce aux richesses du sous-sol, ce marché devient au xixe s. un des pôles industriels du Languedoc. Vers 1830, 13 000 t de houille sont extraites et la progression est constante. En 1900, on atteint 2 Mt. Le rail, en désenclavant la région, permet l’exportation du charbon, mais aussi la fuite d’une richesse qui n’est pas valorisée sur place. Au stade artisanal succède la mise en place de trois sociétés, les Houillères de Rochebelle, celles de Bessèges, les Mines de La Grand-Combe. En 1949, près de 19 000 ouvriers extraient 2,5 Mt et, en 1957-1958, on dépasse 3 Mt. Mais, depuis 1950 et en dehors de cette pointe exceptionnelle due aux difficultés d’approvisionnement en combustible, le déclin est amorcé. Aujourd’hui, le nombre de salariés et le tonnage de houille ne représentent plus que le tiers des effectifs et de la production de 1957 ; la crise persiste et s’aggrave.