Alembert (Jean Le Rond d’) (suite)
Cette rupture avec Diderot ne détache cependant pas d’Alembert des encyclopédistes. Au contraire, il entreprend de faire prévaloir à l’Académie française, où il a été appelé en 1754, les idées philosophiques. Dès cette époque, ses préoccupations semblent s’infléchir vers les lettres et les arts : en 1752, il a publié des Éléments de musique théorique et pratique suivant les principes de M. Rameau ; en 1753, dans l’Essai sur la société des gens de lettres avec les grands, il célèbre la liberté, la vérité et la pauvreté comme les vertus cardinales de l’écrivain ; la même année, il fait paraître à Berlin les deux premiers volumes de ses Mélanges de littérature, d’histoire et de philosophie, qu’il devait enrichir jusqu’en 1783 ; en 1759, son Essai sur les éléments de philosophie, qui fait venir de la sensation tous les « principes des connaissances humaines », laisse cependant entrevoir une tendance spiritualiste. S’il fait encore une fois œuvre de polémiste dans son Éclaircissement sur la destruction des Jésuites (1765), il se donne bientôt tout entier aux travaux de l’Académie : il favorise l’élection de Marmontel, de La Condamine, de Condillac et de Saint-Lambert ; il donne un nouvel éclat aux séances solennelles en procédant, d’une « diction lente et calculée », à la lecture de ses Réflexions sur la poésie. Élu secrétaire perpétuel, à la mort de Duclos, en 1772, il reprend l’histoire de l’Académie au point où l’avait laissée d’Olivet : en dix ans, il compose soixante-dix-huit éloges, qui forment l’Histoire des membres de l’Académie française, morts depuis 1700 jusqu’à 1770. Il se passionne pour les problèmes de langage, déplorant l’abus du jargon scientifique, s’efforçant de définir les principes d’une méthode de traduction qu’il illustre par la transposition de passages de Tacite ou de scènes du Caton d’Addison.
Il meurt le 29 octobre 1783, sans avoir voulu recevoir le curé de Saint-Germain-l’Auxerrois. L’archevêque de Paris refuse la cérémonie religieuse, mais autorise l’inhumation au cimetière de la paroisse, « sans cortège et sans bruit ». Meister s’étonnera que les philosophes « trouvent tant de plaisir à être dans l’Église après leur mort, et tant de gloire à n’y être pas de leur vivant ». Il est vrai que le testament de d’Alembert commençait par « Au nom du Père... ».
J. D.
➙ Algèbre / Analyse / Diderot (D.) / Encyclopédie.
M. Muller, Essai sur la philosophie de Jean d’Alembert (Payot, 1926). / R. Grimsley, Jean d’Alembert (Londres, 1963).