Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Courtois (Jacques) (suite)

Jacques Courtois avait un frère, Guillaume (Saint-Hippolyte 1628 -Rome 1679), peintre et graveur, qui collabora avec lui ainsi qu’avec Pierre de Cortone*. Célèbre dans toute l’Europe, J. Courtois eut pour principal élève Joseph Parrocel (1646-1704), dit Parrocel des Batailles, qui travailla avec lui à Rome, puis rentra à Paris en 1675. Son fils, Charles Parrocel (1688-1752), suivit à son tour les campagnes de Louis XV. Au xviiie s., le Flamand Peter Tillemans (1684-1734) imita les scènes de guerre de Courtois. La peinture de bataille se survécut ensuite dans les œuvres de petits maîtres, tels Jacques Gamelin (1738-1803) ou Hyacinthe de La Peigne (1706-1772). Souvent, chez des artistes comme J. F. J. Swebach, dit Fontaine (1769-1823), ou Nicolas Taunay (1755-1830), la peinture de genre envahit les scènes de bataille. Ce n’est qu’avec l’Empire que le baron Gros* redonne ses lettres de noblesse à un type de peinture qui dégénérait. Au xixe s., Auguste Raffet (1804-1860), Nicolas Charlet (1792-1845), Horace Vernet (1789-1863) exaltent les faits d’armes de l’armée française, vus dans l’optique des bulletins du Moniteur.

P. H. P.

courtoise (littérature)

Littérature médiévale française inspirée par l’esprit courtois, c’est-à-dire une « érotique » fondée sur la sublimation de la dame.


Les médiévaux appelaient fine amors un amour exigeant un long service amoureux, incertain de sa récompense ou guerredon, et source de toutes les vertus. Cet amour est plus épuré chez les poètes lyriques, troubadours de langue d’oc et trouvères de langue d’oïl ; il est plus charnel chez les romanciers.

Les troubadours sont les premiers à avoir pressenti cette « érotique ». Guillaume IX d’Aquitaine (1071-1127), grand seigneur débauché, n’a pas écrit que des chansons libertines. Autour de 1110, il se fait aussi le chantre d’une passion beaucoup plus idéale, qui est peut-être une fiction littéraire (Faray un vers de dreit nient) ; il prétend aimer une femme si parfaite qu’elle n’existe pas : amour de l’amour et revendication du joy d’amor, comparable au gaudium des mystiques. Le joy deviendra vite une sorte d’aura, dont la dame est auréolée et qui se communique à l’amant. La fine amors confère au poète jovenz (jeunesse), valor et proeza, c’est-à-dire la vertu suprême, qui marie mesura et sagesse.

Les sources de cette « érotique » sont confuses. La poésie des troubadours hérite du madrigal médiolatin et de l’idéologie amoureuse des poètes orientaux et surtout andalous. La forme s’inspire de la lyrique arabe, de la ballade folklorique et de la poésie liturgique latine. Les troubadours ont sans doute connu l’Ovide des Héroïdes et des Métamorphoses, et il est probable que, dès 1135, un jongleur gallois, Bréri, leur a révélé la fatalité des Tristans celtiques.

Nous ne connaissons la poésie des troubadours qu’à travers des manuscrits anthologiques, dont beaucoup sont heureusement pourvus de notations musicales en neumes. Le déchiffrement des partitions pose de difficiles problèmes aux musicologues. Le mélisme des mélodies est souvent exquis ; le rythme est impossible à reconstituer. Chaque couplet reprend les motifs de la première strophe. On a cru que l’interprète pouvait se permettre des vocalises sur certaines notes, comme dans l’actuelle jota andalouse. Le poète s’accompagne de la vielle et chante lui-même sa composition, à moins qu’il n’ait à ses côtés un chanteur attitré.

Après 1130 vient une seconde génération de troubadours : Marcabru, d’assez humble origine, a écrit une très belle pastourelle, le chant de croisade du Lavador, et des sirventès, pièces satiriques où il déplore la décadence de la fine amors. Le sirventès est, à l’origine, une forme parodique construite sur un schéma strophique déjà utilisé par une canso antérieure. Chaque canso doit, au contraire, inventer un type nouveau de strophe. Elle se termine souvent par un envoi, ou tornada, dédiant le poème à un ou à plusieurs dédicataires désignés par un pseudonyme, ou senhal.

Cercamon est un contemporain de Marcabru, de même que Jaufré Rudel, le chantre de l’amor de lonh. Chaque troubadour a sa légende racontée dans une Vida. Celle de Jaufré Rudel prétend qu’il aima la dame de Tripoli sans l’avoir jamais vue, qu’il se croisa pour elle et périt dans ses bras en débarquant en Terre sainte. La poésie de Jaufré Rudel n’est pourtant pas si désincarnée, et lui aussi aspire à la rencontre avec la dame en verger ou sous courtine : ce sont là les lieux où le troubadour connaît soit l’épreuve de chasteté, ou assag, soit les délices de l’union charnelle.

Vient ensuite l’âge des troubadours classiques (de 1150 à 1210). Bernard de Ventadour est un poète lumineux et sensible ; Bertran de Born (v. 1140 - av. 1215) est un soudard qui chante la guerre et le pillage ; le moine de Montaudon est une figure pittoresque de fin amant désenchanté qui harcèle de traits vigoureux ses bêtes noires et discute familièrement avec Dieu. Peire Vidal (v. 1150 - v. 1210) crée sa propre légende : il chante la folie amoureuse et prétend s’être croisé pour expier le vol d’un baiser à sa dame endormie. La comtesse de Die est une trobairitz ardente et passionnée. Arnaut Daniel cultive la forme rare (trobar ric) et l’hermétisme (trobar clus). Folquet de Marseille (v. 1160-1231), qui deviendra évêque de Toulouse au moment de la croisade albigeoise, introduit une certaine scolastique dans la chanson courtoise. Ce ne sont là que quelques noms parmi beaucoup d’autres : il faut évoquer encore Guilhem de Cabestanh, que sa Vida présente comme le triste héros d’une histoire de cœur mangé, Gui d’Ussel, délicat et désabusé, Arnaut de Mareuil et quantité d’autres qui excellèrent à la canso, à la tenson, ou débat poétique entre plusieurs poètes sur des questions de casuistique courtoise, au planh, ou complainte funèbre, à l’alba (aube), qui raconte la séparation des amants au petit jour, à l’estampida, qui est une danse (il en est une célèbre de Raimbaut de Vaqueiras [v. 1155 - v. 1210]), etc.