Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

communauté (suite)

Tenue pour être la forme la plus durable et la plus stable du lien social, la communauté se réalise plus fréquemment à l’intérieur des groupes d’importance moyenne. Comme la fusion entre les sujets y est d’intensité moyenne, ceux-ci n’étant ni isolés ni fondus dans l’ensemble d’envergure moyenne, l’apparition de structures nettes, de conduites collectives régulières et de modèles de comportement préétablis, figés et plus ou moins rigoureux se trouve favorisée.

La dimension du groupe détermine de façon évidente le mode d’intégration de ses membres. Quand un groupe social est à l’état de masse, c’est-à-dire quand la fusion en son sein est très faible, ses membres se trouvent orientés plus par des images que par des jugements, et les structures, si elles existent, sont très lâches et sans grande consistance. De même, quand un groupe social est à l’état de communion, c’est-à-dire quand la fusion est la plus forte, ses membres se laissent guider surtout par des intuitions, et les structures existantes ont tendance à éclater et à se disloquer.

De sérieuses réserves pourraient sans doute être faites sur l’opposition que fait Tönnies entre, d’une part, l’organique, le vivant, le naturel et, d’autre part, le mécanique, l’artificiel, le réfléchi, qui seraient respectivement les caractéristiques des deux formes de vie sociale, communauté et société. De même, la préférence que semble accorder Tönnies à la première est fondée sur de simples présupposés. Cette attitude romantique de refus du monde moderne ne fausse-t-elle pas l’observation des faits ?

Quant à la théorie de Perroux, elle aussi semble reposer en grande partie sur des jugements de valeur posés a priori. En fait, deux des trois séries d’éléments, l’intégration et l’adhésion, qui, selon lui, caractérisent la communauté, se retrouvent dans la plupart des groupements sociaux. Seule l’intégration sert en définitive de critère de discrimination entre ce qui est communauté et ce qui ne l’est pas. Or, sur quoi peut-on se fonder pour établir une hiérarchie entre des groupements qui seraient fondamentaux, et dans ce sens « naturels », et les autres ? Pourquoi privilégier le sang et le lieu par exemple ? La nation, la commune, les métiers et même la famille coexistent dans l’histoire que nous connaissons. Ils ont acquis certes une grande importance ; mais d’autres groupements apparus hier ou qui naîtront demain, d’ordre politique, économique, ou de tout autre ordre, ne sont-ils pas déjà ou ne seront-ils pas, eux aussi, fondamentaux ? Est-il donc possible de faire de la communauté un groupement réel ? Qui peut légitimement prétendre qu’actuellement une ville ou un quartier, sans parler des cités-dortoirs, forment un groupement plus « fondamental » qu’une association professionnelle par exemple ? Le fait que tout le monde possède nécessairement un domicile et vit en un certain lieu, alors que nombre de travailleurs ne sont pas syndiqués, peut-il constituer un critère valable ?

On ne peut certes pas réserver le terme de communauté aux seuls types de groupements dont tout homme lait nécessairement partie. Dans ce cas, les métiers cesseraient d’être des communautés, et les groupements familiaux et locaux seraient les seuls à pouvoir accéder à cette dignité.

Il n’est pas possible de restreindre à ce point le sens d’un mot. Si, dans le langage courant, la communauté se présente comme l’état ou le caractère de ce qui est commun (mis à part le sens concret qu’il prend quand il désigne un ensemble de gens vivant ensemble et dont les ressources sont collectives, une communauté religieuse par exemple), il paraît plus normal d’en faire une forme idéale de la sociabilité.

Une société est un ensemble de groupes qui, poursuivant chacun des objectifs propres et entretenant les uns avec les autres des rapports consolidés en institutions, se trouvent engagés en permanence dans des processus d’opposition et de fusion partielles. Nous inspirant de Gurvitch, nous appellerons groupe un ensemble d’individus qui visent une œuvre commune, ont des attitudes et des comportements communs et forment une unité au sein de laquelle les forces de cohésion l’emportent sur les forces de dissolution. À la suite de Gurvitch, on peut désigner par communauté une manière d’être dans les groupes sociaux, le degré moyen de participation à l’intérieur des groupes.

R. B.


Les études de communauté

Le terrain d’élection des études de communauté est constitué par les ensembles villageois et les groupements humains qui les composent. L’échelle généralement réduite des communautés donne l’impression qu’une étude exhaustive devient réalisable ; cependant, la saisie de cette totalité demeure pratiquement illusoire même si l’observateur choisit volontairement une méthode exhaustive.

Les études de communauté se fixent pour objectif de rendre compte de la totalité des phénomènes observables pendant la durée de l’enquête.

Au niveau écologique, d’abord, les rapports des hommes avec le milieu sont aisément discernables dans la mesure où chaque communauté occupe un espace délimité. Il s’agit tout d’abord de l’espace habité. Celui-ci inscrit au sol les rapports sociaux les plus manifestes et fournit des repères matériels qui aideront à identifier ces rapports. L’espace villageois se prolonge ensuite par l’espace cultivé ; les spécialisations culturales que présente celui-ci, les rapports fonciers qu’il révèle ressortissent à l’étude du terroir villageois. C’est à partir de ces premiers résultats que se saisissent les rapports de la communauté au milieu naturel et les caractéristiques du mode de production.

Dans un second temps, l’observateur pourra établir de façon précise la composition de la communauté au niveau des données individuelles (composition par âge et par sexe, statut familial et statut social) ainsi qu’au niveau des données collectives (par exemple dimension des groupements familiaux, population active par groupement, nombre de dépendants par groupement familial).

Dans un troisième temps, on peut prétendre à une connaissance approfondie des formes d’organisation de la vie sociale de la communauté : systèmes familial et matrimonial, stratification sociale, formes du travail villageois, structure du pouvoir.