Claudel (Paul) (suite)
Il est conformiste et préfère croire aux paroles officielles qu’à d’autres, peut-être plus vraies. Il est lui-même un officiel, du moins dans l’Église et sous le pape Pie XII, dont tout l’effort est de maintenir. Tout cela s’arrange fort bien ensemble, et nous sommes loin du déchirement de Tête d’or. Comment la jeunesse serait-elle attirée par ce poète classique et dévot, sauf quand il se déguise sur les planches ?
La suprême grandeur de Claudel, pourtant, c’est d’être authentique. Les oripeaux dont il est affublé ne l’aveuglent pas, même s’il y tient plus qu’on ne voudrait. Claudel contemple le temps révolu avec une profonde nostalgie, comme firent avant lui Dante, Virgile et Homère. Il est un homme du xixe s. qui s’est longtemps survécu dans le nôtre. Jamais, néanmoins, son regard de chrétien et de poète ne s’est détaché du futur. Il sait que nous n’avons pas ici-bas de demeure permanente et que la figure de ce monde passe. Il nous appelle à une unité et à une communion qui sont loin d’être encore réalisées. Mais, en attendant, il fallait que le poète accomplît sa tâche, qui était de réunir pour l’offrande et peut-être pour l’holocauste ce que, dans « les Muses », il appelle « la Troie du monde réel ».
Sans doute, le temps qui vient permettra-t-il de mieux évaluer la taille et l’importance de cet énorme monolithe chu dans les lettres françaises au tournant des deux siècles et dont la gloire s’étend aujourd’hui au monde entier. Pour nous, qui fûmes à quelque distance d’années ses contemporains, nous sommes encore éblouis pour pouvoir rien dire de ces œuvres multiples et variées, sinon qu’elles furent « très bonnes », valde bona, et que la postérité la plus lointaine y devra chercher et y trouvera nourriture, comme Claudel fut lui-même nourri par les poètes antiques.
J. M.
➙ Symbolisme / Théâtre.
J. Rivière, « Paul Claudel poète chrétien », dans Études (Gallimard, 1911). / G. Duhamel, Paul Claudel (Mercure de France, 1913). / J. Madaule, le Génie de Paul Claudel (Desclée De Brouwer, 1933) ; le Drame de Paul Claudel (Desclée De Brouwer, 1935 ; 5e éd., 1964) ; Claudel et le langage (Desclée De Brouwer, 1968). / H. Guillemin, Claudel et son art d’écrire (Gallimard, 1955) ; le Converti Paul Claudel (Gallimard, 1968). / L. Chaigne, Vie de Paul Claudel et genèse de son œuvre (Marne, Tours, 1961). / P. A. Lesort, Paul Claudel par lui-même (Éd. du Seuil, coll. « Microcosme », 1963). / P. Claudel, Paul Claudel (Bloud et Gay, 1965). / A. Vachon, le Temps et l’espace dans l’œuvre de Paul Claudel (Éd. du Seuil, 1965). / F. Varillon, Claudel (Desclée De Brouwer, 1967). / G. Cattaui, Claudel. Le cycle des Coûfontaine et le mystère d’Israël (Desclée De Brouwer, 1968). / S. Fumet, Claudel (Gallimard, 1968). / G. Gadoffre, Claudel et l’univers chinois (Gallimard, 1969). / P. Brunel, Claudel et Shakespeare (A. Colin, 1971). / M. Lioure, l’Esthétique dramatique de Paul Claudel (A. Colin, 1971). / E. Francis, Un autre Claudel (Grasset, 1973). / H. de Lubac et J. Bastaire, Claudel et Péguy (Aubier, 1974).
On peut également consulter le Bulletin de la Société Paul Claudel (38 fascicules parus depuis 1958) ; les Cahiers Paul Claudel (Gallimard ; 9 vol. parus depuis 1959) ; Paul Claudel, cahiers annuels de la Revue des lettres modernes (5 vol. parus depuis 1964).