Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Churriguera (les)

Famille d’architectes et sculpteurs espagnols des xviie et xviiie s.


Ils s’étaient consacrés, durant plusieurs générations, à la fabrication de retables de bois : des artisans, en somme, à la fois menuisiers, huchiers et sculpteurs. La fortune leur sourit lorsque José Benito (Madrid 1665 - id. 1725), qui avait pris en 1684 la direction de l’entreprise, fut nommé trazador de las obras reales. Il se servit de cette fonction officielle comme d’un tremplin pour s’assurer une riche clientèle privée et notamment pour s’introduire auprès de D. Juan de Goyeneche, personnage considérable à la Cour et à la ville. Se souvenant de ses origines navarraises, ce brasseur d’affaires acquit un vaste domaine aux environs de la capitale pour y installer des colons de son pays. En 1709, il chargea José de Churriguera de bâtir l’ensemble de ce village, dénommé Nuevo Baztán, avec un palais et une église paroissiale. Plus tard, il demanda au même architecte d’élever sa demeure de Madrid, le premier palais digne de ce nom qu’on ait édifié dans la ville depuis que Philippe II y avait établi la cour d’Espagne.

Grâce à l’appui de José, deux de ses frères, Joaquín (Madrid 1674 - Salamanque ? 1724) et Alberto (Madrid 1676 - Orgaz ? 1750 ?), obtinrent à leur tour des commandes considérables, notamment à Salamanque, où ils avaient suivi leur aîné lorsque celui-ci avait été chargé de sculpter le retable majeur de l’église de San Esteban. Nommé maître d’œuvre de la cathédrale en 1713, Joaquín travailla principalement aux collèges d’Anaya et de Calatrava. Après sa mort, Alberto, le plus grand des Churriguera, termina la plupart de ses entreprises ; il fut surtout l’architecte de la majestueuse Plaza Mayor de Salamanque, entreprise en 1729 et à laquelle collabora l’un des fils de José, Nicolás.

Plus que l’œuvre des frères Churriguera, on connaît le qualificatif churrigueresque, auquel ils ont donné leur nom. Il s’applique à une architecture un peu lourde, chargée d’un décor prolixe et confus, qui trouve notamment son origine dans la sculpture baroque des retables. L’idée ne va pas sans quelque méprise, car elle correspond plus aux constructions d’un Pedro de Ribera (v. 1683 - 1742) par exemple (façade de l’hospice San Fernando à Madrid, 1722-1726) qu’à celles des Churriguera et surtout de José, qui sont plutôt austères, notamment à Nuevo Baztán. En réalité, le procès d’extravagance, de mauvais goût et d’ignorance fut fait aux Churriguera moins pour des causes touchant à l’esthétique que pour des raisons sociales et idéologiques. À travers eux, on visait une certaine conception de l’architecture et du travail artistique.

Ce qui était en question, c’était d’abord la nature de l’activité de l’architecte. Pour les Churriguera, elle ne se séparait pas de la pratique artisanale. De la sorte, elle s’intégrait au système traditionnel des corporations. L’élite « éclairée » de la fin du xviiie s. dénonça le caractère routinier d’une telle conception. Avec le rôle de l’architecte, les fins mêmes de l’architecture furent discutées. Hubert Damisch a montré (revue Annales, XV, 1960, pp. 466 à 484) combien les Churriguera se rattachent au passé, tant par la structure de la Plaza Mayor de Salamanque que par l’ordonnance de Nuevo Baztán, ou encore par le rôle de pure ostentation des façades de leurs palais. Il n’est pas surprenant qu’ils aient servi de cible aux architectes néo-classiques, attachés aux réalisations sociales et utilitaires.

En définitive, plus qu’un style ou même une « manière », l’art des Churriguera caractérise une certaine Espagne, celle de l’originalité provinciale et des pratiques artisanales, qu’allait faire disparaître la dictature de l’Académie à la fin du xviiie s.

M. D.

Chypre

En gr. Kypros ou Kípro, en turc Kipris, État insulaire de la Méditerranée orientale.


Géographie


Les données naturelles


Les aspects du relief

Chypre comporte trois grandes unités structurales et morphologiques.

La chaîne du Nord (Pendadháktylon), à direction ouest-est, qui se prolonge dans toute la péninsule nord-orientale du Karpas et où les altitudes dépassent 1 000 mètres, est essentiellement une arête aiguë de calcaires jurassiques marmoréens, redressés à la verticale en une série d’écaillés très complexes, avec quelques intrusions de schistes triasiques et de roches vertes. Il s’agit d’un élément structural très comparable aux chaînes tauriques de l’Anatolie méridionale.

Au sud et au sud-ouest de l’île, l’imposante masse du Tróodhos, qui culmine à 1 953 m, comporte à la périphérie une couronne de calcaires miocènes montant jusque vers 800 m, qui environnent d’un abrupt assez continu un noyau constitué par deux intrusions plutoniques de roches ultrabasiques (serpentine, gabbro), associées à des laves et des tufs également basiques empilés en une vaste couverture. La zone sommitale se présente à l’ouest comme une longue arête centrale, avec arêtes secondaires vers le nord et le sud, au centre comme une lourde coupole (la montagne étant restée indemne de la sculpture glaciaire quaternaire), c’est le Tróodhos proprement dit, tandis qu’à l’est la montagne se fragmente en blocs isolés. Ce contraste exprime l’intensité plus grande du soulèvement récent vers l’ouest. Sur le flanc sud, l’enveloppe sédimentaire miocène est découpée en cuestas regardant vers la montagne. La plaine centrale, la Mésorée, est une vaste ondulation synclinale où du flysch oligo-miocène s’est accumulé sur plusieurs kilomètres d’épaisseur. Le Pliocène marin, discordant sur le Miocène, a encore 700 m d’épaisseur. Le relief est constitué par une alternance de secteurs pliocènes et de vastes remblaiements quaternaires de cailloutis entaillés en terrasses dans les vallées.

La mise en place de ces unités structurales s’est effectuée en plusieurs phases tectoniques majeures. Celle du Crétacé supérieur est responsable des grandes intrusions magmatiques du Sud. Les phases tangentielles tertiaires se situent à l’Eocène et au Miocène tardif. Les derniers mouvements verticaux, au Quaternaire, ont rajeuni et mis en place le relief actuel. La tectonique reste encore active, et les flancs sud-ouest et sud du Tróodhos sont fortement séismiques (grand tremblement de terre de 1953 notamment).