Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Chypre (suite)

Le climat et la végétation

Chypre est tout entière dans la zone du climat méditerranéen. Mais la différenciation du relief et l’orientation par rapport aux vents pluvieux entraînent des contrastes très marqués de la pluviosité et même des régimes de température.

Au point de vue thermique, en effet, la chaîne du Nord, exposée directement en été aux vents étésiens, joue un rôle de barrière climatique. Les vents qui la traversent ont sur le versant intérieur un effet de fœhn et entraînent des variations thermiques beaucoup plus fortes. L’amplitude diurne est ainsi plus faible sur la côte septentrionale. Kerýnia y a une moyenne de janvier de 11,9 °C avec des moyennes de minimums et de maximums respectivement de 9,3 et 14,4 °C, et une moyenne de juillet de 27,4 °C avec des moyennes de minimums et de maximums de 23,6 et 31,1 °C. Sur la côte méridionale, Limassol (Lemessós) a la même moyenne de janvier, 11,9 °C, avec des écarts moyens diurnes plus importants (7,2 et 16,6 °C), et 26,1 °C en juillet avec des chaleurs diurnes plus fortes (18,8 et 33,3 °C). Quant à la Mésorée, un caractère continental s’y annonce déjà. Les températures hivernales y sont moins tièdes, et c’est une véritable fournaise estivale (Nicosie : 10 °C en janvier avec 5,5 et 14,4 °C de moyennes de minimums et de maximums ; 28,8 °C en juillet avec 21,1 et 36,6 °C).

Les précipitations restent relativement abondantes sur la côte septentrionale, bien exposée aux vents pluvieux des dépressions qui longent la côte sud de l’Anatolie (Kerýnia : 552 mm).

Elles sont nettement plus faibles sur la côte méridionale (Limassol : 435 mm) et surtout dans la Mésorée (Famagouste : 415 mm ; Nicosie : 335 mm). Elles sont les plus élevées sur les flancs du Tróodhos (Trikoúkkia, à 1 100 m d’altitude : 875 mm), particulièrement sur le versant occidental, exposé aux vents pluvieux.

Le paysage végétal porte la marque de l’étagement en altitude ainsi que de la variété des expositions. La Mésorée est une steppe. Ailleurs, l’étage inférieur est recouvert à l’état naturel par une forêt à base de pins (Pinus brutia, ou pin d’Alep), associés aux arbousiers et à une variété de chênes verts propre à l’île, le chêne à feuilles d’aulne (Quercus alnifolia). Au-dessus de 1 000 m domine le pin noir (Pinus nigra). Mais, dans l’ouest du Tróodhos, beaucoup plus arrosé, se localise un îlot considérable de forêt humide d’altitude, comportant un vaste peuplement de cèdres à peu près pur (Cedrus brevifolia, endémique, propre à l’île). L’est de la montagne est au contraire très largement déboisé.

Les espaces théoriquement forestiers s’élèvent à 17 p. 100 de la surface de l’île, mais une assez faible proportion seulement est composée de véritables forêts, malgré les efforts de reboisement et de cantonnement des parcours du bétail assidûment poursuivis depuis la prise de possession britannique de 1878. Cependant la disparition d’une grande partie des forêts montagnardes exprime également l’héritage d’une distribution de la population caractérisée par des accumulations montagnardes, qui porte témoignage de la marque d’un passé historique complexe.


Les populations

La répartition de la population est en effet caractérisée (depuis les périodes troublées du haut Moyen Âge, où Chypre fut longtemps l’avancée de la chrétienté face au monde arabe et musulman) par une concentration de la population grecque autochtone dans le massif du Tróodhos, couvert de villages et de monastères, qui fut le pivot de l’hellénisme de l’île. Les plaines et les villes, en revanche, furent au Moyen Âge largement imprégnées de la culture de leurs possesseurs latins, croisés francs ou vénitiens. Après la conquête turque, en 1571, Chypre fut l’objet d’une véritable politique de turquification qui aboutit à y implanter une minorité importante (23 p. 100 de la population en 1881, 18 p. 100 en 1960). Le rôle économique des Turcs, qui ont largement pris le relais des Latins dans leur habitat (villes) et dans leurs fonctions de grands propriétaires (les Turcs possèdent 38 p. 100 de la surface cultivée de l’île, et 51 p. 100 des propriétés supérieures à 50 ha leur appartiennent), dépasse encore nettement leur part dans la population.

Les communautés ont été, jusqu’en 1974, étroitement imbriquées. Les Turcs étaient nombreux sur la côte sud-occidentale, très arrosée, autour de Páfos, où ils avaient pris notamment la succession des Francs et des Vénitiens. La ville de Páfos comptait 37 p. 100 de Turcs, formant 23 p. 100 de la population du district. Ils constituaient encore 21 p. 100 de la population du district de Lárnaka, et 20 p. 100 de la population de la ville de Lárnaka. Mais les Turcs étaient plus ou moins présents dans toutes les communautés urbaines et constituaient 30 p. 100 de la population de Nicosie (Lefkossía) [20 p. 100 des 114 000 habitants que compte l’agglomération dans son ensemble]. Ils étaient moins nombreux à Famagouste (Ammókhostos) [17 p. 100] et à Limassol (11 p. 100 du district), ainsi que dans le Nord, où ils ne représentaient que 13 p. 100 de la population du district de Kerýnia.

La juxtaposition se réalisait d’ailleurs jusqu’au niveau du village. Dans la Mésorée, zone de peuplement relativement récent, peu attractive jusqu’aux travaux d’irrigation moderne et repeuplée par des éléments composites, 41 p. 100 des villages comptaient plus d’une communauté, les villages purement turcs étant plutôt sur les premières pentes et le long des routes, ou à l’ouest, autour de la baie de Mórfou. Le peuplement rural grec est largement dominant et souvent homogène dans les régions montagneuses.

La seule autre minorité rurale appréciable est constituée par des Maronites arabophones (1 p. 100 de la population), descendants des mercenaires des Lusignan, dans la péninsule de Kormakítis, au nord-ouest de l’île. Il y a en outre un certain nombre d’Arméniens (2 p. 100) et de Britanniques dans les villes. Les Grecs constituent au total 78 p. 100 de la population (83 p. 100 de la population rurale). La proportion respective des deux éléments principaux reste actuellement pratiquement stationnaire, les Grecs ayant une natalité peut-être légèrement supérieure, mais émigrant davantage que les Turcs. La croissance totale reste très rapide. L’île n’avait que 186 000 habitants au premier recensement britannique de 1881, et 450 000 en 1946.