Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Chine (suite)

Or, la riziculture est cantonnée ici dans les régions non seulement plates, mais encore basses (plaines et vallées). En effet, les pluies d’été ne sont suffisantes pour la culture du riz qu’au sud des Nanling et à l’est des Wuyishan (Wou-yi-chan) [Guangdong, Fujian] ; ailleurs, elles sont nettement inférieures aux 1 200 - 1 300 mm indispensables. De mai à octobre, Shanghai reçoit seulement 700 mm de pluies, et Wuhan 740 mm. L’irrigation est donc nécessaire pour assurer la récolte et, bien entendu, elle n’est guère possible qu’en zones basses. Cette irrigation, sauf dans la plaine de Chengdu, a été jusqu’à l’époque immédiatement contemporaine une petite irrigation. Un gros effort a été entrepris à cet égard depuis 1949.

Dans ces conditions, une très faible superficie est cultivée : 14 p. 100 en moyenne et, en bien des endroits, moins de 10 p. 100. D’énormes densités rurales s’accumulent dans les plaines et les vallées (de 1 000 à 1 500 hab. au km2), les plus fortes du monde pour des occupations uniquement rurales ou presque.

• Les régions. Une certaine variété règne dans cette agriculture, due essentiellement au climat, notamment à la température de l’hiver. La saison végétative est continue au sud des Nanling et à l’ouest des Wuyishan, en climat « pénétropical », et le riz peut être cultivé en hiver ; elle est de onze mois au Sichuan et de neuf mois seulement dans la vallée du Yangzi. La culture du riz cesse d’être normalement possible en hiver au nord des Nanling.

Vallées et plaines du Guangdong et du Guangxi représentent à peine 10 p. 100 de la superficie des provinces. La principale zone exploitée est le delta du Xijiang (Si-kiang). Ce fleuve très puissant, qui monte en crue de plus de 10 m à la tête du delta, a dû être enfermé dans des digues : de ce fait, les sols ne sont pas renouvelés et sont appauvris ; d’autre part, jusqu’à l’emploi des pompes à moteur, l’irrigation était difficile. L’irrigation n’est pas nécessaire pour la récolte de riz normale, celle de l’été (juill.-nov.) ; mais elle permet d’assurer une seconde récolte de riz, de mars à juillet (janvier et février sont trop frais pour que le riz puisse être cultivé) car les pluies de crachin (févr.-mars) et les premières pluies de mousson sont insuffisantes. La plupart des rizières portent ainsi deux récoltes de riz et souvent, en outre, des cultures d’hiver de novembre à mars (légumes, blé, haricots, tabac). Les deux provinces ont aussi plusieurs spécialités : les cultures maraîchères et fruitières (agrumes et litchis) ; la canne à sucre (100 000 ha), dont le delta du Xijiang est le plus grand producteur chinois ; le mûrier, qui donne ici sept ou huit cueillettes et jusqu’à 80 kg de feuilles par plant et par an ; la pisciculture, souvent associée à l’élevage du ver à soie (les poissons étant alors nourris avec les sous-produits de la nourriture des vers), mais qui pratique le plus souvent encore un véritable « gavage ».

Les minuscules plaines du Fujian et du Zhejiang méridional présentent une agriculture tout à fait semblable et extraordinairement intensive, avec jusqu’à quatre récoltes annuelles sur le même sol : riz hâtif de mai à juillet et de juillet à octobre, légumes de novembre à février (choux, navets), blé et soja de février à mai ; la canne à sucre est limitée au sud du Fujian. L’originalité principale réside cependant dans des cultures en terrasses (surtout des vergers de litchis, longaniers, orangers, pêchers) et dans la culture du théier. Les théiers sont cultivés ici en zones élevées, à Longjing (Long-tsing) et à Wenzhou (Wen-tcheou), au Zhejiang, dans les Wuyishan, au Fujian, qui produit les plus célèbres thés de Chine (Bohea tea) et où il fallait faire venir à dos d’homme le riz nécessaire à la nourriture de la population. Les arbres sont plantés sur des gradins, légèrement inclinés : la plantation se fait en mars ; la première récolte a lieu au bout de quatre ou cinq ans ; par la suite, tous les trois ans, les arbres sont taillés en « boules » de 1,50 m de hauteur ; on compte quatre cueillettes annuelles, d’avril à la mi-octobre, la récolte d’avril étant la plus abondante et la meilleure ; seuls sont cueillis les plus grandes feuilles et le bourgeon terminal (pekoë). L’exportation vers l’Amérique et la Grande-Bretagne des thés du Fujian fut une grande source de prospérité pour les ports de la province au milieu du siècle dernier.

Il y a peut-être moins de variété dans les provinces du Hunan et du Jiangxi. Les pentes sont presque toujours incultes, déboisées, couvertes d’un mince tapis de graminacées ; aux confins des deux provinces et du Hubei, les Mufushan (Mou-fou-chan) sont une grosse région productrice de thé, d’un thé de moindre qualité que celui du Fujian. Les vallées du Xi (Si), du Gan (Kan) et de leurs affluents portent des rizières où, en saison sèche d’hiver, sont produits maïs, sorgho, soja, récoltés à la mi-novembre, puis patates, fèves et pois. Quelquefois même, il y a deux récoltes annuelles de riz : un riz hâtif, récolté à la fin de juillet, et un riz repiqué au début de juin entre les touffes du premier et récolté en novembre. La dépression du lac Poyang (P’o-yang) et surtout celle du lac Dongting (Tong-t’ing) sont deux des très grandes régions rizicoles de la Chine, sans que l’on connaisse les techniques de la riziculture dans ces zones inondées.

L’agriculture du Sichuan est peut-être le chef-d’œuvre de l’agriculture chinoise. Les collines de grès qui couvrent la plus grande superficie du Bassin rouge ont été aménagées en terrasses jusqu’à leur sommet ; les terrasses les plus hautes portent des champs à double récolte (maïs ou patates en été, blé en hiver) ; les terrasses les plus basses portent des rizières cultivées en riz en été, en blé en hiver ; les talwegs ne portent, le plus souvent, que du riz d’été irrigué par des réservoirs situés en amont, car les pluies d’été sont, dans le Bassin rouge, tout à fait insuffisantes pour le riz (726 mm de mai à la fin de septembre). En été, le riz peut être remplacé par la canne à sucre ou le coton, cependant qu’en hiver peuvent être substitués au blé le colza, le tabac, les fèves ou les pois. À ces cultures s’ajoutent des plantes permanentes : mûrier (le Sichuan est le troisième producteur chinois de soie), agrumes, théier. La grande plaine du Bassin rouge est celle de Chengdu : depuis le iiie s. av. J.-C., elle est irriguée sur 200 000 ha par les eaux du Min, barré à Dujiangyan (Tou-kiang-yen) et divisé en 2 bras, 9 canaux et 2 200 artérioles ; bras et canaux sont endigués de digues basses et curés chaque année. Cet ouvrage permet de faire bénéficier les rizières de l’eau de fonte des neiges et de commencer la culture dès le mois d’avril (l’hiver est particulièrement clément dans le Bassin) ; par la suite, les eaux abondantes d’été (les monts où naît le Min sont extrêmement arrosés) apportent aux rizières le complément d’eau nécessaire (il faut souvent élever celle-ci par des norias), cependant que les canaux endigués protègent de l’inondation la partie sud, plus basse, de la plaine ; enfin, le curage des canaux est un instrument efficace de fertilisation. Grâce, en outre, à la richesse des sols, le riz atteint des rendements de 9 à 10 t. En hiver, sont cultivés le blé, le colza, l’orge, les fèves, le tabac et les légumes ; en automne, des engrais verts sont enfouis (Astragalus sinensis). Dans l’ensemble, le Bassin rouge est une terre d’abondance (célèbre encore par son élevage de porcs). « Tout ce qui pousse en Chine pousse au Sichuan. »