Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

César (Jules) (suite)

Monarchie et royauté

Malgré le caractère estimable de l’ensemble de ces réformes, César a aussi détruit des institutions au profit de son despotisme personnel. Respectueux des comices tributes, il n’en a pas moins fait un instrument à sa dévotion. Le sénat est devenu un conseil consultatif. L’accroissement de ses membres (900) réduit le prestige de la classe sénatoriale et permet d’y introduire des fidèles et des provinciaux. Les magistrats sont, eux aussi, affaiblis par leur multiplication : 40 questeurs, 6 édiles, 16 préteurs, des consuls suffects en plus des éponymes..., quand, toutefois, il y a d’autres consuls que César lui-même. De toute façon César nomme la moitié de ces magistrats.

Après l’abaissement des magistrats, le prestige du maître. En 46, César célèbre quatre triomphes successifs. Mieux, un véritable culte s’instaure autour de sa personne. Comme les dieux, il donne son nom à un mois. Comme eux, il bénéficie de cérémonies ou d’attributs significatifs : jeux publics en l’honneur de ses victoires, char processionnel, flamine attitré, statues dans les temples. On rappelle qu’il descend de Vénus. Tout cela fait songer aux rois-dieux des monarchies hellénistiques et aussi à une marche vers la royauté. Certes, le peuple romain avait en horreur le nom de roi. Là apparaît une difficulté : César peut-il, sans risque, prétendre à un titre abhorré ? Il faut conclure de façon positive. Il désire ce titre. En 44, on sent qu’il va l’obtenir. En février, le sénat lui accorde un costume de roi, un trône. À la fête des lupercales, Antoine tente de le coiffer du diadème, équivalent hellénistique d’une couronne. On lui attribue le titre de pater patriae, il devient dictateur perpétuel, sa tête apparaît sur les monnaies, ce qui est une prérogative royale ou divine. Des monnaies avec le titre royal sont sur le point d’être émises. Mais on sent la foule prête à protester. César fait mine de repousser la royauté offerte par le peuple. Peut-être portera-t-il le titre de « roi » hors de Rome ? Il s’apprête à partir en guerre contre les Parthes, et, en Orient, un titre de « roi » est très opportun. Il a d’ailleurs adopté Octave, devenu Octavien, pour le seconder là-bas, en attendant de lui succéder éventuellement.

Le cours de l’histoire nous laisse à nos hypothèses : la multiplication des mécontents a amené la formation d’un groupe de conspirateurs qui, menés par Cassius et Brutus, assassinent César en plein sénat, le jour des ides de mars 44 (le 15). Ils ont bien failli manquer leur coup. Ils ont hésité jusqu’au bout. Mais César avait, la veille, festoyé chez Lépide. Il avait bu, et l’on sait que, épileptique, il supportait très mal le vin. Il était donc en état de moindre résistance. Ses mots historiques de ce jour-là en témoignent : « Mais c’est de la violence !... Et toi aussi, mon fils ! » On ne reconnaît pas l’homme qui, en quelques mots laconiques et sentis, savait mettre fin à une menace de mutinerie.

L’assassinat fut assez diversement jugé. Si l’on en croit Lucain, pourtant républicain qui considérait ce meurtre comme un sacrifice nécessaire, il fut assez généralement considéré comme une chose honteuse. On se rallia souvent par la suite, et pour éviter le courroux impérial, à l’opinion de Plutarque, selon lequel César était l’homme providentiel, seul capable, par sa monarchie, de remédier au désordre politique. Il est vrai que l’ordre qu’il avait créé valait mieux qu’une république abusive. Il a surtout réussi à déposséder l’oligarchie, et celle-ci ne put reprendre le dessus. Quant aux apparences de l’État, c’était toujours la république, mais César l’avait confisquée au profit d’un seul homme. Cette œuvre politique sent le grand homme d’État.

On trouve dans le caractère du personnage l’ensemble des causes de son succès politique : l’ambition sans bornes, l’habileté à se procurer les capitaux nécessaires à sa carrière, que ce soit en empruntant ou que ce soit en rapinant et en rançonnant les pays conquis, l’endurance en campagne, l’indifférence à la nourriture (« seul entre tous, César complota à jeun la ruine de la république » [Caton d’Utique]), l’art de mener les hommes, le sens de la propagande, l’art de ne pas mêler les femmes et la politique, cela malgré ses mœurs notoirement légères : « Citoyens, surveillez vos femmes, nous ramenons le chauve adultère », fredonnaient les soldats au retour de Gaule.

R. H.

➙ Goule / Pompée / Rome.

 F. Gundolf, Caesar, Geschichte seines Ruhms (Berlin, 1924 ; trad. fr. César, histoire et légende, Rieder, 1933). / J. Carcopino, César dans Histoire générale, sous la dir. de G. Glotz (P. U. F., 1935 ; 5e éd., 1968) ; Alèsia et les ruses de César (Flammarion, 1958) ; César (les Libraires associés, nouv. éd., 1965). / G. Walter, César (Albin Michel, 1947). / M. Rambaud, l’Art de la déformation historique dans les « Commentaires » de César (Les Belles Lettres, 1954 ; 2e éd., 1966) ; César (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1963 ; 3e éd., 1974). / J. Madaule, César (Éd. du Seuil, coll. « Microcosme », 1959). / C. Parain, Jules César (Club français du livre, 1959 ; nouv. éd., 1968). / J. F. C. Fuller, Julius Caesar, Man, Soldier and Tyrant (New Brunswick, 1965). / P. Grimal, Rome devant César (Larousse, 1967). / D. Rasmussen (sous la dir. de), Caesar (Darmstadt, 1967). / R. Etienne, les Ides de mars (Gallimard, coll. « Archives », 1974).

César (César Baldaccini, dit)

Sculpteur français (Marseille 1921).


Il travaille dès l’âge de douze ans dans le café que tient son père, mais entre, en 1935, à l’école des Beaux-Arts de Marseille, puis, en 1943, à celle de Paris. La période qui suit est difficile sur le plan matériel, et l’artiste cherche sa voie. En 1947-48, il commence à travailler les métaux, feuilles de plomb, fils de fer, puis, au début des années 50, les déchets industriels de ferraille, de plomb, de cuivre. Ces matériaux de récupération ne coûtent rien à l’artiste ; Gonzalez* avait de même utilisé le fer dans les années 30 à cause de son faible prix. César va continuer ces recherches, mais dans un esprit très différent. Le chalumeau et l’arc lui permettent d’amalgamer les formes les plus diverses. C’est le début d’une série d’œuvres remarquables qui, exposées à partir de 1953 seulement, donneront à l’artiste une renommée internationale. Ces sculptures sont d’une très grande variété : figuratives (torses féminins, figures, insectes, poissons) ou non figuratives (la Grande Duchesse, 1955), frôlant parfois le mode humoristique, parfois le fantastique ou le tragique, le plus souvent d’un étrange lyrisme (l’Homme de Draguignan, 1957-58), fondant totalement des éléments hétéroclites ou, toujours avec la même maîtrise, leur conservant une autonomie qui aboutit à de véritables collages (Petit Déjeuner sur l’herbe, 1957).