Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

céréales (suite)

La transformation de la farine en pain

Comment transformer la farine en ce produit fini très léger, très développé qu’est le pain, et (fui n’a aucune comparaison avec les diverses galettes à base d’autres céréales ? Il faut deux conditions :
— produire au sein de la pâte les alvéoles. Les levures, au cours de leur vie anaérobie (sans air), tirent des sucres l’énergie qui leur est nécessaire et produisent du gaz carbonique ; cette production de gaz carbonique, au cours de la fermentation panaire, provoque la « levée » de la pâte et la formation des alvéoles ;
— garder cette structure alvéolaire. Seule la pâte de farine de Froment présente à la fois des propriétés plastiques suffisantes pour permettre la formation de fines membranes et l’élasticité nécessaire pour limiter un excès de développement qui aboutirait à des pâtons s’effondrant sous leur propre poids. Il faut encore que la pâte soit suffisamment imperméable pour que le gaz produit ne s’échappe pas ; enfin, il faut que cette structure développée au cours de la fermentation puisse être stabilisée au cours de la cuisson.


Évolution de la panification

Pendant 30 à 40 siècles, la technique de panification n’a pas beaucoup évolué. On incorpore à la pâte le levain qui la fait fermenter et lever ; on a réservé sur la pâte de la veille le levain chef, que l’on va développer en 3 étapes et incorporer à une pâte fraîche. Le premier levain a dû résulter d’une contamination fortuite d’une pâte, et que l’on a perpétuée ensuite ; il est très délicat de constituer un levain et de rassembler les conditions favorables à une prolifération microbienne spontanée où les levures et les ferments lactiques seront dominants.

De plus, l’ancien travail sur levain est exténuant, car il faut être non seulement boulanger, mais également « éleveur » de levures et autres microorganismes (en effet, il faut faire proliférer le levain chef en 3 étapes pour pouvoir ensemencer massivement les pétrissées). En examinant le diagramme horaire des panifications sur levain, on s’aperçoit que l’artisan boulanger est obligé de travailler plus de 16 heures sur 24, et l’on comprend que l’on ne fasse pratiquement plus de véritable pain sur levain depuis longtemps.

Puisque l’élément responsable de la fermentation panaire est la levure, on fabrique scientifiquement et industriellement des levures (Champignons microscopiques unicellulaires de l’espèce Saccharomyces cerevisiœ) bien adaptées aux conditions de la fermentation panaire. Grâce à ces levures, le boulanger peut réussir chaque jour les levains dont il a besoin : c’est le travail levain levure. Enfin, on peut supprimer le levain et ensemencer directement la pétrissée en levure pure : c’est le travail direct. C’est la panification la plus logique, la plus simple, celle qui s’est généralisée en France au cours des 50 dernières années.


Différentes opérations de la fabrication artisanale du pain

Un diagramme de panification met en évidence la succession des différentes opérations : préparation des ingrédients mis en œuvre ; pétrissage ; fermentation en cuve, ou première fermentation ; mise en forme des pâtons ; fermentation finale ; enfournement et cuisson ; détournement et ressuage.

• La formule de fabrication varie beaucoup, et c’est normal pour le plus vieux « plat cuisiné » du monde. Dans chaque pays, le type de pain le plus consommé correspond à une formule de fabrication traditionnelle généralement très simple. Voici la formule française la plus typique :

Le pétrissage favorise l’hydratation des constituants principaux de la farine (amidon et protides) et transforme tous les ingrédients en milieu homogène spécial, la pâte, douée à la fois des propriétés élastiques des solides et viscoplastiques des liquides et des gaz. Depuis le début du xxe s., on pétrit mécaniquement avec des moteurs puissants pour travailler en une seule fois toute la farine de la pétrissée ; la durée de pétrissage dépend de la vitesse des organes pétrisseurs et de leur intensité d’action ; on connaît son action sur les propriétés rhéologiques (propriétés des corps plasto-élastiques intermédiaires entre les solides et les liquides) des pâtes pour améliorer leurs qualités et abréger la durée de fabrication. (La fabrication de pain à pétrissage intensifié donne des pains ultra-légers, ultra-blancs, mais dont le goût est pénalisé.)

• La fermentation panaire, cas particulier de la fermentation alcoolique, débute aussitôt l’hydratation de la farine ; la levure attaque les sucres fermentescibles de la farine (1 p. 100 préexistant + 2 p. 100 formés par transformation de l’amidon) pour donner le gaz carbonique qui va alvéoler la pâte. La durée de fermentation (3 à 6 heures) varie selon le mode de panification envisagé, la température de la pâte, la dose et la rapidité de la levure, les caractéristiques de la farine.

• La mise en forme de la pâte est nécessaire, puisque l’on vend les pains à la pièce : on « divise » la pâte en fragments de poids donné et on met en forme les pitons. Cela se fait mécaniquement, et ce d’autant plus facilement que partout on a réduit le nombre de types de pains commercialisés. Ces opérations ont modifié la structure alvéolaire, et il est nécessaire de laisser reposer les pâtons et de permettre une fermentation finale.

• La cuisson au four donne au pain sa structure originale et définitive ; on cuit le pain à 250 °C dans une atmosphère saturée d’eau, et la durée de cuisson (de 15 à 60 mn) est d’autant plus longue que le pâton est plus volumineux. Pendant la cuisson, les réactions enzymatiques s’intensifient, de l’eau se vaporise, les gaz se dilatent et tout cela accroît le volume du pain (des incisions superficielles de la pâte favorisent le développement). La cuisson de la mie se fait « à l’étouffée » à 100 °C, sans aucune déshydratation ; au contraire, la partie externe se déshydrate et donne la croûte plus ou moins colorée (selon l’intensité des réactions sucres + acides aminés).

La boulangerie artisanale est en train d’abandonner les fours à chauffage direct (dont la construction en maçonnerie était bien proche de celle de l’Antiquité) pour des fours métalliques récents, dont le chauffage indirect met le pain à l’abri des produits de combustion et qui sont équipés de systèmes d’enfournement et de défournement automatiques.

Le ressuage consiste en un refroidissement du pain avant la vente ; pendant la première heure de ressuage, il y a une perte d’humidité de 1 à 2 p. 100.

Le rassissement est dû à une modification chimique de l’amidon ; la congélation des pains permet de freiner le rassissement, et le passage au four avant la consommation redonne les caractéristiques de pain frais.