Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Cent Ans (guerre de) (suite)

À l’exception de la Guyenne, Charles VII maintenait son autorité sur les pays situés au sud de la Loire, qu’il débordait vers le nord dans la région de Tours et d’Angers. Il disposait d’un outil gouvernemental et administratif de qualité (conseil de Bourges, parlement de Poitiers, etc.), et était bien soutenu par les chefs de grandes maisons princières, d’Orléans et d’Anjou notamment ; sa belle-mère, Yolande d’Aragon, pouvait compter par ailleurs sur l’appui d’une bonne partie de l’opinion publique, qui, à l’exception d’une fraction de la bourgeoisie marchande et du clergé, contestait la légitimité des Lancastres. Il paraissait capable d’entreprendre la reconquête de son royaume. Malheureusement, il lui manquait l’argent, les hommes (malgré les alliances conservées de la Castille et de l’Écosse) et surtout le caractère. Découragé sans doute par la défaite subie par ses forces à Rouvray le 12 février 1429 (journée des Harengs), le roi de Bourges songeait à abandonner la lutte. C’est alors qu’apparut Jeanne d’Arc.

Arrivée à Chinon en février 1429 à l’appel de ses « voix », examinée par les théologiens de Poitiers, qui reconnurent son orthodoxie, Jeanne réussit à entrer dans Orléans le 29 avril 1429 et à faire lever le siège de cette ville par les Anglais le 8 mai. Victorieuse à Patay le 18 juin, elle gagnait Reims, où elle faisait sacrer Charles VII le 17 juillet, conférant à ce souverain la légitimité dont les Lancastres prétendaient être les détenteurs depuis la signature du traité de Troyes. Sans doute, après ce succès, Jeanne d’Arc n’éprouva-t-elle plus que des échecs, devant Paris le 8 septembre, devant La Charité-sur-Loire en décembre, enfin à Compiègne, qu’elle ne put défendre. Faite prisonnière sous les murs de cette ville le 23 mai 1430, remise finalement aux Anglais, qui la firent condamner comme sorcière au bûcher, elle fut suppliciée à Rouen le 30 mai 1431. Mais ses bourreaux ne tirèrent aucun profit de sa mort. Bien que Bedford lui eût cédé à titre définitif la Champagne et la Picardie, dans l’espoir qu’il en entreprendrait la reconquête sur les troupes de Charles VII, Philippe le Bon, qui n’avait plus rien à attendre de l’alliance anglaise, préféra traiter avec son royal cousin. Conclue à Lille pour six ans le 13 décembre 1431, la trêve générale fut transformée en traité de paix définitif à Arras, le 21 septembre 1435.

Le traité de Troyes

L’alliance conclue en décembre 1419 entre Henri V de Lancastre et le nouveau duc de Bourgogne, Philippe III le Bon (1419-1467), désireux de tirer vengeance de l’assassinat de son père à Montereau, la haine réprimée par ailleurs par la bourgeoisie parisienne à l’égard des Armagnacs, dont elle avait eu à subir les exactions entre le 1er septembre 1413 et le 28 mai 1418, facilitent la conclusion du traité franco-anglais de Troyes du 21 mai 1420, dont les clauses sont ratifiées mais non pas approuvées par la reine Isabeau de Bavière.

Dénonçant les crimes et délits du « soi-disant dauphin du Viennois », dont la légitimité se trouve ainsi indirectement contestée, le traité de Troyes abandonne à Henri V de Lancastre la propriété personnelle du duché de Normandie et stipule son mariage avec Catherine de France, fille de Charles VI, dont il doit gouverner le royaume avec le titre de régent jusqu’à ce que sa mort fasse de ce roi d’Angleterre le successeur des Valois. Par cette atteinte flagrante au droit successoral pratiqué en France depuis leur avènement en 1328, le traité de Troyes jette les bases d’une union personnelle entre les deux royaumes, mais non pas d’une fusion, chacun d’eux devant conserver ses institutions et ses coutumes particulières sous l’autorité d’un même souverain. Conforme à l’esprit du temps, qui accepte les unions dynastiques de plusieurs royaumes sous un même souverain (Germanie, Arles et Italie depuis 962 ; Lituanie et Pologne depuis 1386 ; Danemark, Suède et Norvège depuis 1397), la création de la double monarchie franco-anglaise heurte trop les sentiments nationaux pour pouvoir s’imposer à l’ensemble des opinions publiques, anglaise et surtout française.

Le traité franco-bourguignon d’Arras du 21 septembre 1435

Il fut signé à l’issue du congrès européen d’Arras (le premier de tous), réuni le 5 août 1435 en présence de deux médiateurs pontificaux, le cardinal de Sainte-Croix, légat du pape, et le cardinal de Chypre, congrès auquel participèrent des délégués anglais (qui se retirèrent le 6 septembre), bourguignons et français, et qui scella la réconciliation de Charles VII et de Philippe III le Bon. Le roi de France désavouait le meurtre de Jean sans Peur, s’engageait à faire célébrer quotidiennement une messe expiatoire à Montereau et une autre à Dijon pour le repos de l’âme de la victime, et s’obligeait à construire à Montereau un monastère de chartreux et à dresser à l’endroit du meurtre une croix expiatoire. Il promettait également de verser au duc de Bourgogne 88 200 écus d’indemnité et de lui céder les comtés de Mâcon et d’Auxerre ainsi que les villes de la Somme (Saint-Quentin, Corbie, Amiens, Abbeville, etc.) et le comté de Ponthieu, qu’il pourrait racheter contre une indemnité de 400 000 écus. Renonçant, en outre, à son alliance avec l’empereur Sigismond, Charles VII acceptait, à titre personnel, de dispenser Philippe le Bon (mais non ses successeurs) de l’hommage qu’il lui devait pour ses fiefs du royaume. N’abandonnant que des terres qu’il ne possédait plus, ne consentant à des concessions importantes que sur le plan moral, Charles VII obtenait en contrepartie la reconnaissance de sa légitimité par son plus puissant vassal et la possibilité de concentrer toutes ses forces contre celles des Lancastres.


La reconquête (1435-1453)

S’étant ainsi assuré la neutralité bienveillante du duc de Bourgogne, s’étant rapproché par ailleurs du duc de Bretagne, Jean V, en disgraciant en 1433 La Trémoille au profit de son frère le connétable Arthur de Richemont, Charles VII peut réorganiser ses finances et par suite son armée, dont les hommes, bien équipés et soldés régulièrement, sont organisés en corps de cavaliers (les compagnies d’ordonnance) et de fantassins (les francs archers), créés respectivement en 1445 et en 1448 et dotés par les frères Jean et Gaspard Bureau d’une artillerie* plus légère et par là plus efficace. Aussi peut-il achever la reconquête, qui se fait en deux temps. Dans le premier, qui précède les grandes réformes militaires (1435-1444), Richemont doit se contenter de nettoyer la Champagne et l’Île-de-France, puis d’occuper Paris le 13 avril 1436, avant d’accepter de conclure les trêves de Tours du 28 mai 1444, qui sont consolidées par le mariage d’Henri VI avec Marguerite d’Anjou, nièce de Charles VII. Dans le second, qui est consécutif à la promulgation des grandes réformes militaires (1444-1453), Charles VII prend l’avantage décisif. S’emparant du Mans le 16 mars 1448, reprenant Rouen le 29 octobre 1449, il achève la reconquête de la Normandie par la victoire de Formigny, qui lui livre la Normandie le 15 avril 1450. En 1451, la Guyenne succombe à son tour (capitulations de Bordeaux le 30 juin 1451 et de Bayonne le 19 août). Après un retour en force des Anglais de Talbot, qui reprennent Bordeaux le 23 octobre 1452, les Français, vainqueurs à Castillon le 17 juillet 1453, reprennent définitivement Bordeaux le 19 octobre suivant. En fait, bien qu’aucun accord n’ait été signé par les Français et les Anglais avant la conclusion de la paix de Picquigny, le 29 août 1475, et bien que Calais soit restée la possession de ces derniers jusqu’en 1558, la guerre de Cent Ans était achevée.