Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Cent Ans (guerre de) (suite)

Dès lors incapables de mener à bien de nouvelles opérations offensives (échec de la chevauchée anglaise en Flandre en mai 1383 ; inefficacité de l’expédition de l’amiral Jean de Vienne en Écosse en 1385), les souverains acceptent de signer de nouvelles trêves, dont les dernières, dites « trêves générales », devaient durer du 29 septembre 1398 au 29 septembre 1426 (accord de Paris du 9 mars 1396).


Le temps des trêves (1388-1411)

Les crises intérieures traversées par l’Angleterre et par la France expliquent qu’elles aient été respectées jusqu’en 1411. Le conflit opposant Richard II à ses barons et à son Parlement jusqu’en 1399, l’élimination politique en 1399, puis physique en 1400 de ce souverain par son cousin Henri IV de Lancastre (1399-1413), la nécessité où se trouvait ce dernier de renforcer ensuite son pouvoir outre-Manche immobilisèrent longtemps les forces anglaises. En France, la folie de Charles VI en 1392, les querelles de ses oncles et cousins, qui débouchèrent sur l’affrontement des Armagnacs et des Bourguignons au lendemain de l’assassinat du duc Louis d’Orléans par son cousin Jean sans Peur en 1407, contribuèrent à retarder la reprise des hostilités, surtout après qu’eut échoué une tentative faite pour liquider en 1404-1405 les positions anglaises sur le continent (en Guyenne et à Calais) à la faveur d’une intervention au pays de Galles, révolté contre Henri IV de Lancastre.


La conquête lancastrienne (1411-1435)

Il n’en fut plus de même à partir de 1411. Craignant en effet de ne pouvoir asseoir assez solidement son pouvoir en France, Jean sans Peur fit appel en juillet 1411 au souverain anglais, qui intervint à ses côtés dans la région parisienne avant de mener une chevauchée de Cherbourg à Bordeaux en 1412 à la suite d’une imprudente sollicitation du parti armagnac. Henri IV étant mort le 20 mars 1413, son fils et successeur Henri V (1413-1422) n’attendit pas d’être appelé par les princes français pour intervenir au sud de la Manche. Estimant que la reprise de la guerre franco-anglaise serait un moyen pour lui d’affermir par la victoire une dynastie contestée (révolte des lollards en 1414, conspiration et exécution de son cousin Richard de Cambridge en 1415), revendiquant la totalité des anciens fiefs continentaux des Plantagenêts, sinon même la couronne de France en tant que descendant des Capétiens et en vertu des clauses de renonciation du traité de Brétigny-Calais, pourtant non ratifiées par ses prédécesseurs, le nouveau souverain entame dès 1413 des négociations que l’ampleur de ses revendications rend vaines par avance, mais qui lui laissent le temps d’achever ses préparatifs militaires.

En 1415, la campagne décisive s’engage. Débarquant le 14 août en Normandie, Henri V s’empare de Harfleur le 22 septembre après un mois de siège, puis, prenant comme son prédécesseur la route de Calais, il décime au passage à Azincourt, en Artois, le 25 octobre 1415, la noblesse française, qui n’a pas su tirer profit des leçons de Crécy et de Poitiers. Sans doute le roi d’Angleterre renonce-t-il à exploiter stratégiquement sa victoire, puisque, par Calais, il regagne aussitôt son pays. Mais il a désormais les mains libres pour achever la conquête méthodique de la Normandie : les Anglais s’emparent de Caen en septembre 1417 et occuperont Rouen en janvier 1419. La faiblesse mentale de Charles VI, l’âpre querelle qui oppose les Armagnacs et les Bourguignons, dont le chef Jean sans Peur occupe Paris le 28 mai 1418, leur permettent de progresser sans danger vers cette ville et d’occuper Mantes le 5 février 1419. Sept mois plus tard, l’assassinat du duc de Bourgogne par Tanguy Du Châtel à Montereau, le 10 septembre 1419, jette dans son camp le fils de la victime, Philippe III le Bon (duc de 1419 à 1467), dont l’appui décisif lui permet d’imposer à Charles VI la signature du traité de Troyes du 21 mai 1420. En fait, Henri V ne peut ceindre la couronne de France, dont il est dès lors l’héritier reconnu, puisqu’il meurt le 31 août 1422, quelques semaines avant que ne disparaisse, le 21 octobre suivant, son beau-père Charles VI, auquel il devait succéder. Aussi est-ce finalement au profit du jeune Henri VI que se fait l’union des deux Couronnes, mais sous une double régence : en Angleterre, celle du cardinal Henri Beaufort et de Humphrey, duc de Gloucester ; en France, celle de Jean de Lancastre, duc de Bedford, le duc de Bourgogne s’étant récusé. Mais à Mehun-sur-Yèvre le dauphin Charles se proclame aussitôt roi de France sous le nom de Charles VII, remettant ainsi en question les clauses du traité de Troyes, qui fondaient la double monarchie lancastrienne.

Dès lors, il n’y eut plus deux, mais trois Frances. La première, celle des Lancastres, couvrant près du tiers du royaume, comprenant d’une part les pays dotés d’une administration autonome (Calais et ses marges, la Normandie et la Guyenne) et d’autre part les pays de conquête, situés essentiellement au nord de la Loire, dont l’occupation est presque achevée à la suite des victoires de Cravant en Bourgogne, le 30 juillet 1423, de Verneuil-sur-Avre en Normandie, le 17 août 1424, et de la prise du Mans le 2 août 1425. À cette date, trois villes seulement restaient entre les mains de Charles VII au nord de ce fleuve : Angers, Tours et surtout Orléans, dont les Anglais allaient commencer le siège le 12 octobre 1428. Pour activer la conquête de la France, le duc de Bedford disposait encore de troupes anglaises, d’ailleurs peu nombreuses (7 000 hommes tout au plus), mais ne pouvait plus compter que sur les seules ressources financières des territoires occupés, chaque royaume devant couvrir ses propres dépenses. Aussi escomptait-il l’appui de Philippe III le Bon. dont il avait épousé la sœur Anne de Bourgogne.

Philippe III le Bon régnait de fait sur un immense territoire s’étendant à la fois dans l’Empire et dans le royaume. Mais, très prudent, il n’apporta que des secours militairement et financièrement limités à son beau-frère, chargé de réduire la France de Charles VII, le « roi de Bourges ».