Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Cent Ans (guerre de) (suite)

Bilan

Exceptionnelle par sa durée, traditionnelle par ses mobiles (féodaux ou dynastiques) et souvent par ses méthodes (charges folles de la chevalerie), idéologique par ses buts affirmés (défendre une cause juste), la guerre de Cent Ans a été coupée d’innombrables trêves qui ont limité à un maximum de sept ans la durée des combats continus entre les forces des deux royaumes. Elle développa la xénophobie réciproque de leurs deux peuples et contribua par là même à exalter chez eux un nationalisme virulent qui se renforça de la rupture de l’unité linguistique. Le conflit favorisa, par contrecoup, la naissance du sentiment national, dont la base est ce « patriotisme instinctif » dont parle Bernard Chevallier et dont Jeanne d’Arc est la plus magnifique illustration.

Coûteuse en hommes, particulièrement éprouvante pour la noblesse française, décimée à Crécy, à Poitiers et à Azincourt, favorisant par contrecoup la mobilité géographique et sociale des hommes, la guerre de Cent Ans eut des conséquences économiques diamétralement opposées pour les deux belligérants, l’Angleterre ayant pu développer sa production agricole et industrielle à sa faveur, alors que celle de la France se trouva gravement amputée par les combats livrés sur son sol. Mais alors que son issue entraîna le regroupement du baronnage anglais contre la monarchie anglaise, regroupement en partie responsable de la guerre des Deux Roses, elle contribua par contre à accélérer l’unification institutionnelle du royaume de France, et donc sa marche vers l’absolutisme, sans pour autant faire disparaître les particularismes locaux, lesquels devaient se maintenir durant des siècles.

La guerre de la Succession de Bretagne (1341-1365)

À la mort sans héritier direct du duc de Bretagne, Jean III le Bon, en avril 1341, le neveu par alliance de ce dernier, Charles de Blois-Châtillon, et le demi-frère du défunt, Jean de Montfort, revendiquent également la succession. Invoquant le premier le principe de la représentation féminine, le second celui de la succession masculine par ordre de primogéniture, les deux compétiteurs firent appel au roi de France Philippe VI de Valois, qui trancha en faveur de son neveu Charles de Blois par l’arrêt de Conflans du 7 septembre 1341. En fait, sans attendre ce dernier, Jean de Montfort s’était emparé de Nantes et avait sollicité l’appui d’Édouard III (séjour en Angleterre en 1341) ; celui-ci débarqua en Bretagne et fut reconnu comme roi de France par l’impétueuse Jeanne de Flandre, épouse de Jean de Montfort, qui avait été fait prisonnier à Nantes par Philippe VI venu au secours de son vassal Charles de Blois. Ainsi, en provoquant l’intervention des rois de France et d’Angleterre dans les affaires intérieures de leur duché, les princes bretons entraînaient celui-ci dans le conflit franco-anglais, dont la guerre de la Succession de Bretagne devint l’un des épisodes majeurs. Au cours de celui-ci, la cause de chacun des princes bretons se trouvait donc soutenue par un souverain qui invoquait pour justifier ses droits à la couronne de France un principe contraire à celui auquel ils se référaient pour défendre les leurs ; en même temps, les habitants de la province se divisaient, la petite noblesse, les villes et la Bretagne bretonnante prenant parti pour Jean de Montfort, alors que le baronnage, le clergé, les campagnes et la Bretagne française se ralliaient à Charles de Blois.

Engagées au terme de la trêve d’Esplechin, conclue le 25 septembre 1340, les hostilités furent interrompues par la trêve de Malestroit le 19 janvier 1343, qui dura jusqu’au 29 septembre 1346.

Libéré entre-temps en septembre 1343, Jean IV (III) de Montfort était décédé en 1345, laissant un fils en bas âge, Jean IV (V), qu’Édouard III prit sous sa garde et éleva en Angleterre jusqu’en 1362. Placée dès lors sous l’autorité directe de ce dernier monarque, qui y agit en souverain, la Bretagne devint avec la Flandre* et la Guyenne* l’un des trois champs de bataille essentiels de la guerre de Cent Ans, celui où des capitaines d’aventure tels que les Anglais Thomas de Dagworth, Hugh Calverly ou le Français Bertrand du Guesclin (1315 ou 1320-1380) inaugurèrent une nouvelle forme de combat, faite de coups de main et de surprises, qui mit à feu et à sang tout le duché.

Après la capture de Charles de Blois par les Anglais devant La Roche-Derrien en 1347, le parti français remporta d’importants succès, marqués notamment par la mort de Dagworth près d’Auray en août 1350, par la victoire du chef français Beaumanoir lors du combat des Trente, près de Josselin, sur la lande de Mi-Voie le 26 mars 1351, enfin par celles remportées par Bertrand du Guesclin en Basse-Bretagne en 1363. Mais la défaite et la mort le 29 septembre 1364 de Charles de Blois, venu en vain secourir Auray assiégé par Jean IV (V) de Montfort, marquèrent le triomphe définitif de celui-ci, qui garda pour lui et pour ses descendants mâles le duché de Bretagne selon les stipulations du traité de Guérande du 12 avril 1365, lesquelles confirmèrent celles de l’article 20 du traité de Brétigny concernant la souveraineté du roi de France, qui en conserva également l’hommage. La fragilité de ces stipulations devait apparaître avec la reprise du conflit franco-anglais.

P. T.

➙ Bretagne / Capétiens / Charles V / Charles VI / Charles VII / Édouard III / Flandre / Guyenne / Jean II / Jeanne d’Arc / Lancastre (dynastie de) / Philippe VI de Valois / Valois.

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