Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

capitalisme (suite)

2. Le capitalisme est le système économique qui permet la meilleure croissance

• La recherche par les entreprises d’un profit aléatoire est le facteur le plus déterminant d’une croissance économique rapide. Elle incite à la réduction des coûts, c’est-à-dire au progrès technique, à l’organisation scientifique, à une gestion financière rationnelle ; dans les économies modernes, les techniques de direction (management) sont ainsi devenues des éléments prédominants du succès. Cette recherche du profit enseigne également à tenir compte du marché, c’est-à-dire analyser les ressorts de la demande, prévoir son évolution, faire connaître les produits qui lui sont offerts.

En respectant ces deux contraintes convergentes, l’entreprise dispose du maximum de profit possible, qui, réinvesti ou distribué, concourt directement ou indirectement à entretenir et à accélérer le système de la croissance. L’intervention de l’État peut se faire sans modifier la logique du mécanisme : par la fiscalité directe, il répartit le profit sans altérer son caractère incitateur ; par la planification, il éclaire les prévisions des entreprises.

C’est le maintien d’une concurrence réelle qui conditionne la permanence d’une tension vers la croissance ; la réglementation des ententes est donc légitime ; l’expérience prouve, d’ailleurs, qu’une entente n’est respectée que dans la mesure où il n’y a pas matière à concurrence : si le consommateur n’est pas satisfait, une entreprise aura toujours avantage à la rompre. L’élargissement des espaces économiques, la décentralisation opérée au sein des firmes menacées de gigantisme et de sclérose répondent à la même idée : susciter un climat de concurrence porteur de progrès.

• Les mécanismes du marché donnent également les meilleures possibilités d’assurer la régulation de la croissance.

Le capitalisme moderne ne repose plus, s’il l’a jamais fait, sur la fixation du prix au niveau idéal qui assure le meilleur équilibre : l’autorégulation n’est pas parfaite, et les tensions inflationnistes sont quasi permanentes ; mais des actions correctives sont possibles, qui contribueront à améliorer la productivité, à favoriser l’investissement, à restreindre ou à accroître la consommation. Les ajustements ne contredisent nullement l’esprit de l’autonomie capitaliste ; ils s’y insèrent : une politique de relance par le desserrement du crédit traduit la primauté reconnue au marché. La difficulté est d’ordre technique : elle porte sur l’exactitude du diagnostic et le dosage des mesures ; l’échec d’une politique économique en régime capitaliste dénotera non pas la faillite du système, mais l’imperfection des interventions ou leur inaptitude à recréer les conditions d’un fonctionnement sain du marché.

3. Le capitalisme autorise la meilleure conciliation des finalités sociales, économiques et politiques d’une société

Le capitalisme a fréquemment été dénoncé pour son affirmation du primat de la richesse et sa négligence d’autres finalités. Cette critique méconnaît deux éléments essentiels.

• Le capitalisme est, en soi, non pas une philosophie, mais un système économique compatible avec plusieurs types de structures juridiques, sociales, mentales : il n’exclut que les idéologies qui le nient pour l’avoir assimilé à des régimes et à des idées politiques particulières, alors qu’il se veut conciliable — en Suède par exemple — avec une socialisation poussée ; dans les pays sous-développés, on ne saurait le rendre responsable de l’archaïsme de structures qui, précisément, ne sont pas imprégnées de l’esprit d’entreprise.

L’utilisation qui est faite des règles du jeu capitaliste n’appartient qu’aux dirigeants politiques ; il est vrai, cependant, que le capitalisme, fondé sur l’autonomie des choix, est plus facilement identifiable aux doctrines de l’individualisme : il n’est pas, pour autant, exact d’affirmer que des finalités sociales lui sont, par leur objet, étrangères.

• L’argument selon lequel le mécanisme du marché, en équilibrant l’intérêt des producteurs et celui des consommateurs, satisfait, par là même, l’intérêt général doit être nuancé : car il est exact que le marché n’enregistrera la pression que sur la demande solvable ; mais il est vrai aussi que les entreprises trouvent donc avantage à l’accroissement de cette demande solvable, car elles ne survivraient pas à une déflation des salaires. En ce sens, le capitalisme réconcilie le « social » et l’ « économique » : en distribuant de plus hauts revenus, les entreprises préservent leur prospérité future ; il est admis, de même, que les dépenses improductives dans l’immédiat (investissements sociaux par exemple) peuvent stimuler une reprise économique et posent, en tout cas, les bases (sanitaires, culturelles, scientifiques) sans lesquelles le développement se heurterait, un jour, à des goulets d’étranglement.

Le capitalisme reste, en tout état de cause, le système qui s’est révélé le plus souple pour répondre aux contraintes, quelquefois contradictoires, du progrès technologique et du plein emploi. La prédiction d’un échec inévitable ne peut que faire place au constat d’un succès incontestable : les apologies modernes du capitalisme se fondent ainsi tout autant sur l’analyse théorique que sur l’examen des faits ; les taux de croissance des économies libérales depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale semblent apporter la preuve de la supériorité d’un système dont la logique recouvre une grande diversité de modèles de croissance adaptés aux réalités nationales ; le « miracle économique allemand », le redressement français, le développement spectaculaire de l’économie japonaise résultent de facteurs très différents.

De plus, les récentes mutations de certaines économies socialistes qui tendent à réhabiliter des critères d’appréciation de la gestion proches de ceux qui sont utilisés par les entreprises capitalistes paraissent, aux yeux de nombreux libéraux, un aveu définitif qui pourrait préparer, à plus ou moins long terme, la résurgence de la propriété privée.