Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Canada (suite)

Les révoltes de 1837-38

En 1837, coïncidant avec une grave crise économique, c’est le raidissement de Londres, le refus d’accepter des revendications constitutionnelles, le maintien pour la Couronne du droit d’utiliser des finances du pays comme bon lui semblait. Un boycottage économique des produits anglais est alors tenté dans le Bas-Canada. Le 6 novembre 1837, une rixe éclate à Montréal entre des « patriotes » francophones et des tenants de la Couronne. Les premiers prennent le maquis peu après, repoussent les troupes anglaises au village de Saint-Denis, mais sont dispersés deux jours plus tard à Saint-Charles. Papineau s’éclipse aux États-Unis. Dans le Haut-Canada, les partisans de Mackenzie sont également écrasés près de Toronto (déc.), et leur chef gagne, lui aussi, les États-Unis. Vingt-trois rebelles seront ici exécutés. Puis, l’année suivante (1838), la région de Saint-Charles est de nouveau le centre d’une insurrection, qui fera une cinquantaine de victimes.


Le rapport Durham

Envoyé par la Couronne, lord Durham constate, dans son rapport de 1839, que les événements ont abouti, en fait, à développer une opposition de races : « Deux nations se font la guerre au sein d’un seul État. » Pour lui, malgré sa sympathie condescendante vis-à-vis des gens du Bas-Canada, le problème du pays ne sera résolu que par l’assimilation : « Je désire donner aux Canadiens notre caractère anglais » (et Durham était un « libéral » ...). Le rapport conclut donc à la nécessité d’unir les deux Canadas et de confier à la colonie, en contrepartie, la gestion de ses affaires intérieures.


L’Acte d’Union

La première suggestion est seule retenue par l’Acte d’Union de 1840, entré en vigueur en février 1841. Les populations de l’ancien Bas-Canada sont très défavorisées, puisque leur langue perd son caractère officiel et que, encore très largement majoritaire (524 000 contre 173 000), elles n’ont pas plus de sièges que leurs voisins anglophones à l’Assemblée élue. Le Conseil législatif et le gouverneur sont toujours nommés par le roi.

Mais, facilitée par la reprise économique et l’arrivée d’un nouveau gouverneur, sir Charles Bagot (de 1841 à 1843), une rapide évolution libérale se produit. Elle a pour animateurs deux membres du Conseil exécutif, Robert Baldwin (1804-1858) et Louis Hippolyte Lafontaine (1807-1864), pionniers de la coopération franco-britannique. La mort de Bagot (1843) et la crise déclenchée par l’adoption du libre-échange en Grande-Bretagne (1846) retardent les réformes.


Le gouvernement responsable et la libéralisation du régime

L’arrivée d’un nouveau gouverneur libéral, lord Elgin (1846), et des élections favorables aux réformateurs (1848) permettent d’adopter enfin, très discrètement, le système d’un Conseil exécutif responsable devant l’Assemblée ; celui-ci est dirigé par Baldwin et Lafontaine. Prenant prétexte de l’indemnisation des victimes de 1837 et de 1838, les conservateurs suscitent des émeutes l’année suivante à Montréal et en viennent à préconiser l’annexion du pays par les États-Unis. Mais l’agitation diminue assez vite, le retour au calme étant favorisé par une nouvelle expansion économique marquée, à partir de 1850, par le développement des chemins de fer : en 1851, une voie est achevée entre Montréal et Portland, dans le Maine, ouvrant enfin le pays vers l’Europe au cœur de l’hiver. Les réformes politiques se développent et sont marquées notamment par l’abolition de la tenure seigneuriale dans l’ancien Bas-Canada (1854), ce qui favorisera le développement de l’agriculture, et la création d’écoles catholiques dans le Canada de l’Ouest (1855).

Pourtant, avec le temps, le caractère artificiel de l’union des deux Canadas devenait de plus en plus contraignant : il n’y avait pas eu de « melting pot » pour les Canadiens français, et la coexistence d’institutions différentes dans divers domaines (droit, enseignement, structures politiques) devenait chaque jour plus délicate, entraînant une grande instabilité gouvernementale. Une fédération des deux régions constituant le Canada apparaissait de plus en plus comme la seule solution d’avenir.


Vers la confédération

Sous l’influence de John Alexander Macdonald* (1815-1891), on en vient, à partir de 1864, à envisager également d’inclure dans le nouvel État les provinces de l’Est, les « Maritimes ». La guerre de Sécession (1861) a engendré une grave tension avec les États-Unis, montrant combien la séparation des colonies britanniques est une dangereuse source de faiblesse. En septembre 1864, une conférence réunit à Charlottetown, capitale de l’île du Prince-Édouard, les délégués de cette petite colonie et ceux du Canada, du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse. Le principe d’une confédération est déclaré « hautement désirable ». Un projet définitif est adopté à Québec, en octobre.


L’Acte de l’Amérique du Nord britannique

L’Acte de l’Amérique du Nord britannique est promulgué par la reine Victoria le 20 mars 1867 : la Confédération du Canada unit donc le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse, le Haut-Canada et le Bas-Canada (l’île du Prince-Édouard n’entrera dans la Confédération qu’en 1873). La reine délègue son pouvoir exécutif à un gouverneur ; le législatif est partagé entre un Sénat, dont les membres sont nommés à vie par le gouverneur, et une Chambre des communes comportant 181 députés. Il est entendu, sans que cela soit écrit, que cette dernière pourra renverser le cabinet, organisme qui n’est pas non plus mentionné. Le gouvernement fédéral aura des attributions essentielles : la défense nationale, le prélèvement de la plupart des impôts, le pouvoir judiciaire, les postes, les chemins de fer, etc. Aux provinces ne restent que des attributions jugées alors secondaires, comme l’éducation. La tendance constante des provinces sera d’élargir leur pouvoir face au « fédéral ».


Le « dominion » du Canada ; l’expansion

La Confédération entre en vigueur le 1er juillet 1867. Que représente le nouvel ensemble politique ? À l’est, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse avaient reçu de très nombreux immigrants britanniques entre 1820 et 1850 ; d’abord anglais et écossais, puis irlandais. Les colonies vivaient bien, d’un peu d’agriculture, de la pêche et surtout de leurs forêts, qui alimentaient des chantiers navals réputés. Sous la direction de Joseph Howe, la Nouvelle-Écosse établit dès 1848 le principe de la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée. L’exemple est suivi au Nouveau-Brunswick en 1852.