Buñuel (Luis) (suite)
On retrouve dans ces trois films le style bunuélien dans ses paroxysmes les plus séduisants. Usant de la palette mordante d’un Goya, Buñuel ne cesse d’attaquer une société bourgeoise, toujours étudiée et critiquée dans ses rapports proches ou lointains avec le christianisme. Il est satirique avec humour, un humour toujours noir, n’hésite pas à pousser la cruauté jusqu’aux approches du sadisme, crée un monde de malaise et d’étrangeté par l’emploi obsessionnel d’objets fétiches, attaque avec une joyeuse férocité le conformisme social et l’aliénation religieuse.
Après avoir tourné en France le Journal d’une femme de chambre (1964) [d’après Octave Mirbeau et avec Jeanne Moreau dans le rôle principal] et Belle de jour (1967) [d’après Joseph Kessel], qui remporte le grand prix du Festival de Venise, Buñuel annonce qu’il abandonne le cinéma. Mais, revenant sur sa décision, il réalise successivement la Voie lactée (1968), Tristana (1969, d’après un roman de Benito Pérez Galdós), le Charme discret de la bourgeoisie (1972), qui remporte à Hollywood en 1973 l’oscar du meilleur film étranger, et le Fantôme de la liberté (1974). Il n’a jamais renié ses convictions les plus profondes : « Je suis contre la morale conventionnelle, les fantasmes traditionnels, le sentimentalisme, toute la saleté morale de la société. La morale bourgeoise est pour moi l’antimorale, parce que fondée sur de très injustes institutions, la religion, la patrie, la famille et autres piliers de la société », ni sa foi à l’égard du cinéma : « Le cinéma est une arme magnifique et dangereuse si c’est un esprit libre qui le manie. » Et lorsqu’il avoue par boutade : « Je suis toujours athée, grâce à Dieu », ne cherche-t-il pas à déguiser ce qui peut apparaître comme l’une des clefs de son œuvre ?
J.-L. P.
A. Kyrou, Luis Buñuel (Seghers, 1962 ; 4e éd., 1970). / Buñuel, numéro spécial de Image et son (1962). / Études cinématographiques, nos 20 à 23 : Luis Buñuel (Éd. Minard, 1963). / F. Buache, Luis Buñuel (Serdoc, Lyon, 1964). / C. Rebolledo, Luis Buñuel (Éd. universitaires, 1964).