Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Bulgarie (suite)

Immédiatement après l’union, la Bulgarie était en proie à une grave crise politique. Le prince Alexandre de Battenberg fut détrôné le 21 août 1886 par des militaires qui l’accusaient de relations politiques secrètes avec l’Autriche-Hongrie et l’Angleterre. Mais ses partisans ne manquèrent pas d’organiser un nouveau coup d’État et formèrent une régence ayant à sa tête Stefan Stambolov (1854-1895). Se rendant compte de l’impossibilité de rétablir sur le trône Alexandre de Battenberg, les régents firent venir d’Autriche-Hongrie le prince Ferdinand de Saxe-Cobourg-Gotha (1861-1948), qui fut proclamé prince de Bulgarie (7 juill. 1887). Le gouvernement formé par Stambolov instaura une politique dictatoriale et se montra hostile à la Russie. Le ministère tomba en 1894, mais le prince Ferdinand, s’il s’appuya sur les Russes, chercha à établir un régime personnel. Très ambitieux, il se révéla comme le « Machiavel de Sofia », unifiant de fait son État et préparant le partage des Balkans par la convention secrète austro-bulgare de 1898.

La libération de la Bulgarie marqua le début d’une période de grand essor dans le développement de l’économie. Dans tout le pays, on construisit des usines et des voies ferrées, et l’on fonda des banques et des sociétés par actions. L’agriculture connut un regain d’activité. Dans les grandes villes, on ouvrit des écoles modernes et des théâtres ; à Sofia, on fonda l’université, le théâtre et l’Opéra. Dans la littérature commencèrent à s’illustrer de grands écrivains, tels Ivan Vazov, Penčo Slavejkov, Pejo Javorov, etc. Cette période vit également la naissance du mouvement ouvrier. En 1891, Dimităr Blagoev (1856-1924) fonda le parti social-démocrate bulgare.

Pourtant, la vie politique continuait à être orageuse. Des démonstrations avaient sans cesse lieu contre le régime personnel du prince Ferdinand et les partis conservateurs. En 1900 eurent lieu des émeutes, paysannes ; les grèves se multiplièrent. En Macédoine et en Thrace, sous domination turque, le mouvement révolutionnaire bulgare de libération nationale s’intensifia et fut à l’origine d’un soulèvement de masse (été 1903), qui fut réprimé par les troupes turques ; de nombreux réfugiés bulgares venant de Macédoine et de Thrace vinrent chercher asile en Bulgarie.

En 1908, la Bulgarie, profitant de la révolution jeune-turque, rejeta la suzeraineté du Sultan et proclama son indépendance. Le prince Ferdinand fut proclamé roi (tsar). La Turquie protesta, mais, grâce à l’appui que la Russie prêta à la Bulgarie, l’indépendance fut considérée comme un fait accompli.

En 1912, la Bulgarie, la Serbie, la Grèce et le Monténégro formèrent l’Alliance balkanique, dirigée contre la Turquie. Le 18 octobre éclata la guerre balkanique. L’armée bulgare écrasa les principales forces des troupes turques en Thrace orientale et atteignit la mer Égée et les bords de la mer de Marmara. Les armées alliées défirent les formations turques en Macédoine, en Albanie, dans la région de Kosovo et ailleurs. Après la prise de la place forte d’Andrinople par les Bulgares (le 26 mars 1913), la Turquie demanda la paix. Le traité fut conclu par l’entremise de l’Entente, le 30 mai 1913, à Londres. Les Alliés réalisèrent en pratique le principe : « les Balkans aux peuples balkaniques ».

Pourtant, de profondes contradictions se firent jour lors du partage des terres libérées entre les Alliés. Au mois de juin 1913 éclata la guerre interalliée : la Bulgarie lutta seule contre la Serbie, la Grèce et le Monténégro, puis la Roumanie ; la Turquie, profitant des circonstances, réoccupa la Thrace orientale. La Bulgarie fut vaincue ; le 10 août 1913 fut conclu le traité de paix de Bucarest. Bien que la Bulgarie eût perdu la guerre, les vainqueurs reconnurent le caractère bulgare de la Thrace égéenne (occidentale) ; ainsi, la Bulgarie reçut accès à la mer Égée par le port de Dedeagač (Alexandroupolis). Mais la Macédoine fut partagée entre la Serbie et la Grèce, tandis que la Dobroudja du Sud était annexée à la Roumanie.

Au moment où éclata la Première Guerre mondiale, les partis politiques bulgares étaient divisés en deux groupes : les ententophiles et les germanophiles. Seul le parti ouvrier social-démocrate bulgare, ayant comme chef Dimităr Blagoev, luttait pour une neutralité totale. Le roi Ferdinand et le Premier ministre Vasil Radoslavov (1854-1929) étaient du côté des germanophiles, ce qui eut pour résultat d’engager la Bulgarie dans la guerre du côté de l’Allemagne et de l’Autriche-Hongrie (5 oct. 1915).

Au début, les troupes bulgares combattirent contre l’armée serbe, mais, par la suite, elles luttèrent aussi contre les armées grecque, roumaine et de l’Entente.

En 1917, à la suite de la propagande contre la guerre des socialistes de gauche et de l’Union agrarienne, ayant à sa tête Aleksandr Stambolijski (1879-1923), et sous l’influence de la révolution russe d’Octobre, les mutineries au sein de l’armée bulgare devinrent de plus en plus fréquentes. Au mois de septembre 1918 éclata la révolte des soldats, qui mit fin à la guerre. Le roi Ferdinand abdiqua et fut remplacé au trône par son fils Boris III (1894-1943 ; roi de 1918 à 1943). Le 27 novembre 1919, le gouvernement bulgare signa le traité de paix de Neuilly, aux termes duquel la Bulgarie fut amputée de nouveaux territoires, et notamment de la Thrace égéenne.


L’entre-deux-guerres

Le chef de l’Union agrarienne, A. Stambolijski, forma un nouveau gouvernement, qui imposa une dictature paysanne jusqu’au 9 juin 1923, date à laquelle il fut renversé par un coup d’État militaire. Le nouveau gouvernement, formé par Aleksandr Cankov (1879-1959), instaura dans le pays un régime autoritaire. En 1923, deux soulèvements furent organisés par les agrariens et les communistes ; celui du mois de juin avait à sa tête Aleksandr Stambolijski, et celui du mois de septembre Georgi Dimitrov (1882-1949) et Vasil Kolarov (1877-1950). Les deux révoltes furent noyées dans le sang : Stambolijski fut capturé et tué.

En 1926, le gouvernement de Cankov fut remplacé par un gouvernement présidé par Andrej Ljapčev (1866-1933), mais la dictature fut maintenue, bien que sous une forme atténuée. Après les élections de 1931, le mouvement ouvrier se renforça, notamment aux élections municipales de 1932.

En 1935, le roi Boris réussit à isoler les militaires et à fonder un régime personnel. Cependant, le mouvement d’opposition populaire prenait de l’ampleur sous le signe de l’alliance avec l’U. R. S. S. ; il intensifia son activité surtout après la déclaration de la Seconde Guerre mondiale.