Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

botanique (suite)

Puis Conrad Gesner (1516-1565) eut l’intuition que les fleurs et les fruits étaient les organes primordiaux pour l’établissement des classifications ; on lui doit la première notion du « genre ». Un peu plus tardivement, Charles de Lécluse (Clusius) [1526-1609], après avoir beaucoup voyagé en Europe, apporta dans son grand ouvrage Rariorum plantarum historia (1601) une précision jamais encore égalée dans les descriptions des spécimens étudiés aussi bien sur les plantes supérieures que sur les Champignons ; il ne sut malheureusement pas coordonner tous ces documents pour en tirer une classification utilisable. Il aurait le premier, en 1588, cultivé la Pomme de terre, importée du Pérou par Zarate. Andrea Césalpin (1519-1603) publia en 1583 un ouvrage de systématique, De plantis, qui fut pendant deux siècles la base des classifications, malgré l’absence de caractères naturels comme critères de comparaison. Certaines divisions qu’il établit sont en grande partie valables aujourd’hui, tels les Ombellifères, certains groupes de Monocotylédones à grandes fleurs, les Borraginacées, les Labiées, les Composées. Il donna de chacune des plantes une description latine très courte ; ces petits textes sont les ancêtres des diagnoses modernes. Cette idée fut reprise par le zoologiste Pierre Belon (1517-1564), qui, en réduisant à l’extrême ces textes, ne laissa que deux mots ; il aurait été ainsi un précurseur de la nomenclature binaire, reprise par Gaspard Bauhin (1560-1624) et codifiée définitivement, beaucoup plus tard, par Carl von Linné.

Matthias de Lobel (Lobelius) [1538-1616], élève de Clusius, publia une véritable flore de la région montpelliéraine, où l’on découvre pour la première fois la répartition des plantes en Monocotylédones et Dicotylédones. Malheureusement, il se mit à classifier les plantes à partir de la morphologie foliaire, ce qui le conduisit à de nombreuses erreurs. Son plus important ouvrage fut Plantarum seu stirpium historia (1576), auquel Linné devait se référer.

Jean Bauhin (1541-1613), élève de Fuchs, publia la description illustrée de plus de 5 000 espèces. Son frère Gaspard, élève de Clusius, composa son principal ouvrage Prodromos theatri botanici en 1620 ; il se servit dans sa classification de plusieurs caractères pour grouper les plantes (plus de 6 000) ; il considéra que les Graminées sont les espèces les plus simples. Reprenant les idées de Césalpin, il réduisit la description à un nom accompagné de très peu d’adjectifs ; ainsi nomma-t-il la Pomme de terre Solanum tuberosum, nom qui est encore aujourd’hui unanimement employé. On peut encore citer parmi les botanistes de ce temps : Pierre Richer de Belleval (1564-1632), qui publia des listes de plantes des montagnes françaises ; Jacques Dalechamps (1513 - v. 1588) ; Jean Desmoulins (1530-1620) ; Jean Ruel (1479-1537) ; Rembert Dodoens (1518-1585), qui précisa les diverses parties des fleurs ainsi que les fonctions des tiges et des feuilles (1583) ; Ulisse Aldrovandi (1522-1605), particulièrement connu grâce à une Histoire naturelle ; Jakob Theodor Tabernaemontanus (1515-1590), élève de Bock, dont le Nouvel Herbier fut de nombreuses fois réédité pendant plusieurs siècles ; Prospero Alpino (1533 - v. 1617), qui redémontra la nécessité du pollen pour obtenir les fruits du Dattier ; Fabius Columna (1567-1650), qui donna au terme de pétale l’acception qu’on lui attribue actuellement ; Joachim Jung (1587-1657), qui, tout en insistant sur la disposition et le nombre des étamines, définit ce terme comme il l’est aujourd’hui et montra qu’il ne faut pas systématiquement séparer toutes les plantes herbacées des arbres. Jung précisa également la structure et la symétrie des tiges et des feuilles ainsi que la nature de certains fruits (fruits indéhiscents). Rares sont les auteurs qui donnèrent des listes de plantes par pays (Valerius Cordus [1515-1544], Italie ; C. de Lécluse, Espagne ; Thalius, Thuringe) ; les véritables flores locales n’apparurent qu’au début du xviie s. À côté de cette étude de science pure, il faut noter la création, à cette époque, de nombreux jardins botaniques ; d’abord en Italie du Nord (Venise, 1533 ; Padoue, 1545 ; Pise, 1546 ; Bologne, 1568), puis en Hollande, en Allemagne et en France. On peut citer en particulier un arboretum près du Mans, planté par Belon en 1540, le jardin de Montpellier en 1593 et celui de Strasbourg en 1629. À Paris, Nicolas Houel (v. 1524-1587) créa en 1578 le « Jardin des apothicaires » rue de l’Arbalète, à l’emplacement de l’actuel Institut national agronomique, et Jean Robin et son fils Vespasien établirent en 1597 un jardin de plantes médicinales dans l’île Notre-Dame. En 1626, Gui de La Brosse (1586-1641) fonda faubourg Saint-Victor un jardin qui, par décret royal de Louis XIII en 1635, devint le « Jardin royal des plantes médicinales » et où V. Robin transporta la même année le Robinier qui subsiste encore et qu’il avait semé en 1601 dans son jardin de la place Dauphine. Olivier de Serres (1539-1619) et Jean de La Quintinie (1626-1688) s’occupèrent d’agriculture (fumure des sols) et d’horticulture (taille des arbres).


Le xviie siècle

• Systématique. Robert Morison (1620-1683) et Pierre Magnol (1638-1715), les premiers botanistes du xviie s., précisèrent de plus en plus dans leurs monographies la conception de groupes naturels. John Ray ou Wray (1627-1705), dans son travail Historia plantarum generalis (1686-1704), où il décrivit près de 19 000 plantes, distingua entre Dicotylédones et Monocotylédones, en précisant la structure des graines (l’embryon, l’albumen et le nombre des cotylédons). Le premier, il sépara nettement les plantes à fleurs des Cryptogames, dans lesquelles, malheureusement, il rangea les Lentilles d’eau. Mais il ne reprit pas les idées judicieuses de Jung et il continua d’opposer les plantes herbacées et les arbres. Augustus Bachmann (1652-1723) tenta de perfectionner, en vain, la classification de J. Ray. C’est à cette époque (1694) que parurent les Éléments de botanique de Joseph Pitton de Tournefort (1656-1708). Bien que cet auteur perpétuât l’erreur de J. Ray de diviser le règne végétal entre les herbes et les arbres, sa classification fit faire un grand pas à la systématique grâce à ses qualités d’observation et de synthèse. En se servant des documents amassés par ses prédécesseurs, il codifia toutes les formes de fleurs ; il reconnut ainsi les plantes sans pétales (apétales), les plantes à pétales séparés (polypétales, les dialypétales actuelles), les plantes à pétales soudés (monopétales = gamopétales), les formes régulières et irrégulières. Cela lui permit de répertorier le règne végétal en vingt-deux classes, dont beaucoup furent conservées par Linné.

Au début de sa carrière, Tournefort fit de nombreux voyages en Europe, dont un, célèbre, dans les Pyrénées ; il en rapporta un herbier qui est une des richesses du Muséum de Paris, où il professa de 1702 à sa mort.