Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

blindé

Tout véhicule motorisé de combat, plus ou moins armé et protégé par un blindage.


Les blindés ont fait leur apparition sur les champs de bataille de la Première Guerre mondiale. Sous les noms de tanks et de chars, ces nouveaux engins de combat ont, dès 1917, profondément modifié la tactique de la guerre moderne. Faisant, entre 1919 et 1939, l’objet de discussions passionnées quant à leur emploi, ils ont permis, en 1939-1942, les succès de la Blitzkrieg, menée par l’armée allemande avec ses Panzerdivisionen et, plus tard, les actions de guerre d’incroyable puissance conduites par les Américains et les Soviétiques en 1944 et en 1945. Réunis alors sous les formes les plus diverses dans de grandes unités intitulées Armoured par les Américains, chars et autres engins protégés par des plaques d’acier ont finalement passé sous l’appellation générique de blindés, qui recouvre désormais tous les véhicules de combat bénéficiant de blindage.

Les éléments constitutifs d’un char

Un char comporte un châssis constitué par une caisse blindée et un train de roulement relié à cette caisse par une suspension parfois hydraulique ou hydropneumatique, plus souvent à barres de torsion. Le moteur, dont la puissance peut atteindre 1 000 ch, est à essence, fréquemment Diesel, avec une évolution actuelle vers le polycarburant. Le train de roulement comporte des chenilles à patins entraînées par deux roues dentées dites barbotins et supportant les galets de roulement liés aux barres de torsion. La transmission mécanique comprend une boîte de vitesses et un ou deux différentiels, la direction étant obtenue en agissant sur eux pour ralentir ou même bloquer une chenille, tandis que l’autre est accélérée.

L’armement peut être monté en casemate à l’avant, le canon disposant d’un certain débattement en hauteur et en direction par rapport à l’axe du véhicule (dans le char « S » suédois, il est lié rigidement à la caisse, et le pointage s’effectue par commande hydraulique des chenilles). Mais la plupart des chars possèdent une tourelle à rotation totale qui supporte le canon et des armes légères coaxiales au canon ou en tourelleau blindé. Des caissons de lancement de missiles peuvent être ajoutés de part et d’autre de la tourelle. La tourelle oscillante de certains blindés légers (« AMX 13 ») comporte une carapace liée rigidement au canon et qui tourillonne avec lui sur le corps inférieur lié au chemin de roulement. La caisse blindée, ou carcasse, constituée par des tôles ou des pièces moulées en acier spécial assemblées par soudure et d’épaisseur plus forte à l’avant, assure avec le corps de tourelle la protection de l’ensemble.

La conception d’un char est toujours un compromis entre ses trois facteurs essentiels que sont la mobilité, la puissance de feu et la protection. L’essor des charges creuses, auxquelles aucun blindage ne résiste, a mis fin à la lutte du projectile contre la cuirasse. Aussi, l’accent est-il mis désormais sur la mobilité et entraîne une course à l’augmentation de puissance des moteurs et à l’allégement des châssis. On est ainsi passé de 6 ch/t en 1918 à 10 vers 1940 et à 20 depuis 1965. La puissance de feu exige des canons de calibre 90 à 120 mm avec une lunette de pointage spéciale et tirant des projectiles* à charge creuse ou perforants sous-calibrés à grande vitesse initiale. En illuminant l’objectif, un émetteur infrarouge autorise le tir de nuit, et un télémètre optique, ou laser, permet d’ajuster le tir jusqu’à 2 500 m. Un châssis moyen ou léger suffit pour tirer des missiles antichars jusqu’à 3 000 ou 4 000 m mais le prix élevé de ces munitions laisse une large place au char-canon.


1914-1917 : les origines du char de combat

Dès le 25 août 1914, le colonel Estienne (1860-1936) disait à ses officiers du 22e régiment d’artillerie : « La victoire appartiendra dans cette guerre à celui des deux belligérants qui parviendra le premier à placer un canon de 75 sur une voiture capable de se mouvoir en tout terrain. » La nouveauté ne résidait pas dans la cuirasse, mais bien dans la progression « en tout terrain », comme disait Estienne, celui à qui l’histoire a décerné le nom de « père des chars ». Aussi, dans une conférence de février 1920 insistait-il d’abord sur les recherches qu’il avait fallu faire pour résoudre ce problème de la progression en terrain bouleversé. C’est aux États-Unis, avant 1914, qu’avaient été créés par l’ingénieur Benjamin Holt des engins à chenilles — dits tracteurs caterpillars — de 65 ch destinés à l’agriculture. Utilisés par les colons français de Tunisie, certains sont réquisitionnés par l’armée à l’automne de 1914. À la suite de la visite de Holt au Creusot, deux exemplaires, modifiés par l’ingénieur Eugène Brillié, permettront, après qu’Estienne aura convaincu Joffre, de commander en décembre 1915 les dix premiers engins à caterpillars allongés, dits chars Schneider. Dès le 25 février 1916, le ministre Albert Thomas porte cette commande à 400 et la complète en avril par celle d’un matériel plus puissant, à transmission électrique, étudié par le colonel Rimailho (1864-1954) et qui, réalisé aux Aciéries de la marine, deviendra le char Saint-Chamond.

Simultanément, les Anglais font des recherches. Au début de 1915, le lieutenant-colonel sir Albert Stern et le colonel sir Ernest Swinton conduisent des expérimentations de gros véhicules blindés à chenilles enveloppantes (« Mark I ») qu’ils désignent pour raison de secret par le mot tanks (citernes).

Les derniers mois de 1914 avaient démontré que la puissance du feu était capable, en enrayant totalement le mouvement, de rendre impossibles toute manœuvre et, par suite, toute décision. C’est alors qu’à la fin de 1915 Winston Churchill*, se trouvant momentanément sans fonction gouvernementale, prend du service en France au 6e Royal Scots Fusiliers. Sur place, il est vite convaincu que seul le tank pourra apporter une solution. Le 3 décembre 1915, il écrit à Douglas Haig* : « On pourrait se servir de ces engins pour couper le fil de fer de l’ennemi et, d’une façon générale, pour dominer sa ligne de feu [...]. Et, à travers les brèches ainsi pratiquées, l’infanterie avancera sous la protection de ces boucliers. »