Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Birmanie (suite)

L’art birman

De tous les arts héritiers des traditions indiennes, celui de la Birmanie serait l’un des plus originaux mais aussi l’un des moins étudiés. Cette situation paradoxale semble avoir plusieurs causes : complexité de l’histoire et diversité du peuplement font que l’art, en dépit de la prépondérance du bouddhisme, rassemble des écoles variées, contemporaines ou successives ; rattachement artificiel à l’empire des Indes (1886-1948), qui a conduit à regarder un peu l’art de la Birmanie comme une expression marginale de l’art indien ; isolement dans lequel s’est enfermée, depuis 1962, l’Union birmane...


L’art et l’histoire

Le paléolithique ancien et moyen paraît représenté, dans le bassin de l’Irrawaddy, par une industrie de galets retouchés (anyathien ancien) apparentée au soanien de l’Inde du Nord-Ouest et aussi attestée en Thaïlande et au Laos, mais rien ne semble conférer une originalité particulière à l’outillage et à la céramique du néolithique de Birmanie.


Les premiers royaumes indianisés

Sans tenir compte de traditions difficilement contrôlables relatives à l’établissement de contacts avec l’Inde dès le iiie s. av. J.-C., ceux-ci paraissent bien établis au iie s. apr. J.-C. Au siècle suivant, les textes chinois signalent un royaume pyu, indianisé, où, vers 500, des communautés bouddhiques prospéreront dans la région de Prome (témoignage d’inscriptions pâlies). Dans le même temps, le delta serait le siège d’un royaume môn (ou talaing). Du viie au ixe s., d’importants vestiges civils et religieux attestent l’activité du royaume pyu, devenu le Śrīkṣetra : Hmawza (site de l’ancienne capitale, dont les écrits chinois vantent l’importance et la beauté), Peikthano (bien fouillé), Halin... L’architecture religieuse, où les bas-reliefs de terre cuite jouent déjà un rôle important, est influencée par l’art de l’Orissa ; elle influera à son tour sur l’art de Pagan. Des urnes funéraires (pierre, céramique) semblent caractériser la culture pyu. Le royaume môn, autour des centres de Thaton (Sudhammavatī) et de Pegu (Haṃsavatī), fondé en 825, a élevé des stūpa d’une certaine originalité et des temples hindouistes, mais l’ensemble, trop ruiné ou trop restauré, est assez mal connu. La statuaire de cette période, d’abord inspirée de l’art gupta tardif, suit la tradition pāla.


Le royaume de Pagan (1044-1287)

C’est autour de Pagan*, dont l’enceinte aurait été édifiée en 849, que l’art de la Birmanie, momentanément unifiée, atteindra son apogée. Du règne d’Aniruddha à la prise de Pagan par les Mongols, deux périodes peuvent être définies : 1o la période dite « mône » (1044-1131) ; si le môn est « langue de civilisation » (le premier texte en birman n’apparaît que v. 1112), l’architecture est directement soumise à l’influence de Prome, mais s’enrichit, v. 1190, d’apports nouveaux de l’Orissa et de Ceylan ; 2o la période birmane (1131-1287), qui débute avec la construction du Shwegugyi à Pagan, est une sorte de réaction en faveur d’un art plus original, qui s’exprime aussi bien dans la conception des édifices que dans le style des peintures. La sculpture reste constamment dans la dépendance de l’art pāla, illustré par nombre d’œuvres importées, mais l’originalité birmane s’affirme peu à peu dans la stylisation des figures. Les fresques révèlent des affinités avec l’art du Bengale et du Népal.


De la chute de Pagan à la fondation de Rangoon (1287-1755)

Malgré les divisions du royaume et les luttes incessantes, que n’interrompent pas les restaurations de l’unité birmane par la dynastie de Toungoo, l’activité artistique, que d’importantes destructions ne permettent pas toujours de juger, reste importante en raison de la fondation de capitales nouvelles : Toungoo (1280), Sagaing (1315), Ava (1364), Mro Haung (1453, capitale de l’Arakan où fleurira, aux xve-xvie s., un art plus indien que birman). La dynastie de Toungoo a favorisé la reconstruction des édifices anciens de Prome et de Pegu ainsi que l’édification d’ensembles nouveaux. Les soubassements des stūpa prennent alors un développement considérable par rapport au corps de plus en plus affiné.


De la fondation de Rangoon à la fin de l’indépendance (1755-1886)

La restauration de l’unité et la fondation de Rangoon s’accompagnent d’une intense activité artistique. L’installation à Amarapura (1782) puis le retour à Ava (1821) sont prétexte à fondation de stūpa et de monastères souvent gigantesques, parfois inspirés de l’art de Pagan. Tandis que se développe une sculpture sur bois pleine de raffinement, une influence chinoise pénètre la statuaire, de plus en plus stéréotypée. De 1857 à 1859, la construction de Mandalay marque le triomphe, pour les palais et les monastères, d’une architecture de bois d’une grande préciosité, hélas détruite par les bombardements de 1945.


L’architecture

Elle présente un ensemble de caractéristiques qui lui confèrent une réelle originalité. Si le bois joue, au xixe s., un rôle prépondérant dans la construction (Mandalay), la brique est le matériau d’élection de la Birmanie, la pierre n’intervenant guère qu’en pièces isolées ou en assises incorporées aux parements. Utilisé aussi en enduits, le mortier de chaux assure la liaison des maçonneries, remplaçant l’argile crue utilisée dans les constructions les plus anciennes (Peikthano).

Il n’existe pas en Birmanie de grands ensembles comparables à ceux du Cambodge ou de Java, mais les édifices atteignent à une complication de plan inconnue dans l’Asie du Sud-Est. Deux types peuvent être définis pour la construction religieuse :
1o le stūpa, dont le corps, généralement circulaire, d’abord cylindrique ou bulbe, prend une silhouette campaniforme de plus en plus évasée. Dans le même temps croît l’importance du soubassement à gradins, carré ou polygonal, et pourvu d’emmarchements (Pagan : Shwesandaw, 1057 ; Mingun, près de Mandalay : Myutheindaw, 1816) ;
2o le sanctuaire (et certains monastères), de plan carré ou barlong, qui obéit à deux types principaux : l’édifice à salle-sanctuaire, de dimensions modestes, parfois précédé d’un avant-corps (Prome : Zegu E.) ; l’édifice à noyau central, plein ou évidé, supportant des superstructures quelquefois à étages (Pagan : Thatbyinnyu) ; le couloir pourtournant — redoublé à l’Ananda de Pagan — communique avec l’extérieur par des fenêtres à claustra et des portes percées directement ou précédées d’avant-corps, à travers des murs d’épaisseur considérable, creusés à l’occasion de niches ou de cellules.