Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

biosphère (suite)

Mais il serait simpliste et faux de tenir les cycles géochimiques pour totalement indépendants. Nous avons parlé des roches calcaires à propos des déplacements du carbone dans le monde, mais il serait tout aussi justifié de parler d’elles à propos des déplacements du calcium : la facilité avec laquelle se constitue et se perpétue le carbonate de calcium a créé entre ces deux éléments une solidarité de fait. De même le soufre, en assurant certains types de liaison au sein des molécules de protéines, favorise l’utilisation vitale de l’azote. On pourrait multiplier les exemples.


Chaînes alimentaires et populations

Chaque être vivant abandonne quotidiennement au monde extérieur ses parties mortes ou usées, ses excréments de tous ordres (dont les gaz expiratoires et l’eau de transpiration ne sont pas les moins importants), et, tôt ou tard, il meurt et se livre ainsi tout entier. Mais, fort souvent, le cycle connaît un raccourcissement brutal : l’animal ou le végétal est dévoré par un autre. Presque aussi souvent, cet autre est dévoré par un troisième, etc. Ainsi se constitue un cycle « forcé », beaucoup plus rapide, mais aussi beaucoup plus onéreux au point de vue énergétique, la chaîne alimentaire. Qu’il s’agisse du nombre des individus, de leur masse ou de l’énergie interne que celle-ci inclut, le passage d’un chaînon à l’autre s’accompagne d’une forte diminution, si bien que l’expression pyramide alimentaire est meilleure. Au sommet de la pyramide trône le Tigre ou le Requin, que personne n’ose dévorer vivant, mis à part quelques parasites discrets. À sa base, on trouve évidemment le végétal vert, herbe ou Algue, presque toujours capable de se passer non certes des autres êtres, mais des autres êtres en train de vivre, car les traces de leur passage sur la Terre lui suffisent.

Il y a cependant des chaînes entièrement « non vertes », tout au moins en première apparence, par exemple celles qui, dans les grottes, partent du guano des Chauves-Souris, lequel alimente Champignons et Insectes (mais, hors de la grotte, les Chauves-Souris s’étaient nourries d’Insectes, qui, eux-mêmes...). De toute façon, aucune chaîne alimentaire ne peut se passer du travail biochimique des Bactéries*.

L’étude des transferts d’énergie au long des chaînes alimentaires permet de mieux comprendre les facteurs d’équilibre des populations dans un biotope* déterminé, par exemple le rapport entre la biomasse du Plancton dans telle mer fermée et celle des grands Poissons que l’on peut espérer y pêcher chaque année. Selon une approximation plus que sommaire, en appelant n1 le nombre des individus de l’espèce mangée, M1 la masse moyenne de chacun d’eux, n2 le nombre d’individus de l’espèce mangeante, M2 la masse de chacun d’eux, on aura avec k < 1.

La valeur de k est plus souvent voisine de 1/100 ou de 1/10 que de 1/2, valeur déjà remarquable et exceptionnelle.


La place de l’Homme dans la nature

La biomasse de l’humanité doit être un peu inférieure à 200 millions de tonnes, et la masse d’aliments qu’elle consomme chaque jour (eau non comprise) atteint environ 2,5 millions de tonnes. L’énergie qu’en retire notre espèce doit approcher de 1,2 × 1013 cal par jour. De tels chiffres sont loin d’être négligeables, même à l’échelle planétaire. En dépit de sa prodigalité légendaire (c’est-à-dire douteuse), la nature n’est pas en mesure de doubler ou de tripler en quelques années les ressources alimentaires.

L’étude de la biosphère impose l’évidence suivante : l’humanité ne peut se permettre que d’exploiter le revenu de la biosphère, non d’entamer son capital.

H. F.

➙ Bactéries / Biogéographie / Écologie / Sol / Végétation.

 W. Vernadsky, la Géochimie (Alcan, 1924) ; la Biosphère (trad. du russe, Alcan, 1929).

biotope

Lieu où un certain nombre d’espèces vivantes trouvent l’ensemble des conditions dont elles ont besoin pour y accomplir tout ou partie de leur cycle vital.



Le biotope, notion d’auto-écologie

Par son étymologie, le mot biotope (du grec bios, vie, et topos, place) signifie littéralement « place occupée par la vie ». C’est dans ce sens très large qu’il est fréquemment utilisé dans la langue française, et c’est sous cette forme qu’il est employé par H. G. Andrewartha et L. C. Birch (1954) pour désigner l’un des quatre composants de l’environnement d’un animal. Cette place peut être reconnue de façon intuitive ou de façon logique. Par exemple, tout naturaliste bon observateur et collectionneur averti est souvent capable, après examen des lieux qui l’entourent, de reconnaître intuitivement si telle espèce de Papillon, de Coléoptère, etc., peut y être trouvée. Une telle précision procède naturellement d’un travail de synthèse subconscient ou conscient, qui se fait à partir de caractéristiques variées, accumulées par l’expérience (E. B. Ford, 1945). Le but de l’écologiste est de remplacer cette prévision intuitive par une décision logique, grâce à l’étude rigoureuse des rapports entre les divers composants de l’environnement : climat, végétation, nourriture, nature physique du milieu. Il est alors possible de dégager quelques caractères qui favorisent une réaction comportementale ou une fonction précise de l’animal. On parvient ainsi à la notion de biotope d’accouplement, d’abri, de ponte, de chasse, d’alimentation, de rassemblement, d’estivation, d’hibernation pour une espèce animale donnée. Dans une certaine mesure, ce type de biotope peut se superposer à la notion de territoire, mais non à celle d’habitat, même pris dans son sens auto-écologique, qui doit lui être donné dans la langue française.


Le biotope, notion de synécologie

Toutefois, le terme biotope tend actuellement à voir son utilisation élargie à la notion synécologique de communauté. Il représente alors, pour l’écologiste et pour le biogéographe, « l’endroit d’étendue variable montrant une uniformité dans les principales conditions d’habitat (Richard Hesse, 1924), ou soumis à des conditions dont les dominantes sont homogènes » (J.-M. Pérès, 1961). Ces conditions principales ou dominantes sont représentées par les éléments du climat, de la nature du sol ou du substrat, du type de végétation, ou par tout autre caractère jugé important. Ainsi on doit appeler biotope une étendue de côte rocheuse ou de côte sablonneuse, une étendue d’eau, un désert, une grotte, une savane, une prairie, une forêt, etc. Pris dans ce sens, le biotope devient synonyme de la station de l’écologiste botaniste ; il traduit très exactement le terme anglo-saxon habitat. Le biotope est alors l’unité de base pour la subdivision écologique de la biosphère, comme l’est l’espèce dans la classification systématique des êtres vivants (R. Hesse, W. C. Allée et K. P. Schmidt, 1937).