Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

biosphère (suite)

La biosphère est-elle étanche ?

Ces limites, inférieure et supérieure, du monde de la vie, la matière les franchit-elle ? De précieuses molécules vont-elles se perdre dans le cosmos ? Les profondeurs de la terre nous livrent-elles des atomes utilisables ?

En haute atmosphère, on ne peut redouter a priori qu’une certaine fuite d’hydrogène moléculaire ; mais d’une part le dégagement d’hydrogène libre par le monde vivant est quasi nul, d’autre part les décharges orageuses ne cessent de recombiner cet hydrogène pour donner de l’eau (H2O) ou de l’ammoniac (NH3) ; enfin l’énorme réserve constituée par l’eau océanique et continentale semble suffire à tous les besoins.

Dans les profondeurs de la lithosphère, on doit enregistrer une colossale immobilisation de carbone, presque uniquement sous la forme de calcaire (CO3Ca), qui conserve en lui plus de cent fois tout le carbone contenu dans les êtres vivants ; mais ce phénomène a certainement trouvé sa limite naturelle, au moins au voisinage des volcans, qui restituent à l’atmosphère d’énormes quantités de gaz carbonique (CO2). Les pertes dangereuses consisteraient plutôt en certains éléments métalliques lourds, zinc, cuivre, vanadium, chrome, etc., dont les cycles biocosmiques ne sont pas à coup sûr parfaitement fermés. Si donc la biosphère présente des « fuites », celles-ci sont des plus réduites et ne menacent pas l’avenir de la vie dans son ensemble. Il est toutefois évident que toute immobilisation durable d’un élément prive le monde vivant des services particuliers de cet élément.


Les échanges d’énergie de la biosphère

Les êtres vivants, à l’exception de l’Homme, ne savent tirer leur énergie vitale que de leurs aliments, et, s’il est vrai que ceux d’entre eux qui sont chlorophylliens savent édifier eux-mêmes leurs aliments, c’est exclusivement à l’aide de l’énergie rayonnante du Soleil. La vue aérienne de la sylve d’Amazonie nous montre immédiatement que cette énergie elle-même n’est pas entièrement utilisée : la forêt, vue d’en haut, n’est pas noire, mais verte, ce qui veut dire qu’elle rejette la part d’énergie véhiculée sous les longueurs d’onde du vert (environ 500 millimicrons). Mais il s’en faut de beaucoup que les autres longueurs d’onde soient entièrement absorbées, et c’est au taux de 2 p. 100 seulement que l’énergie rayonnante totale est utilisée par les plantes vertes. Après de multiples transferts, cette énergie se retrouve sous forme de chaleur animale ou végétale rayonnée.

Mais l’accroissement de la biomasse planétaire n’exige pas directement qu’un plus fort pourcentage d’énergie soit utilisé : il y suffit que les transferts d’énergie (d’une espèce à l’autre ou à l’intérieur du même individu) se fassent plus lentement, en plus grand nombre et avec un meilleur rendement, au même titre d’ailleurs que les transferts de matières.


L’évolution locale de la biosphère et la notion de climax

La surrection d’un îlot volcanique ou de tout autre espace viable et dénudé est rapidement suivie par son peuplement* : Algues bleues et Lichens, puis Mousses, puis Fougères, enfin plantes à graines et, lorsque le sol végétal est enfin bien constitué, arbres forestiers abritent une faune, elle aussi de plus en plus diverse et abondante. À chacune de ces étapes du peuplement correspond une biomasse plus grande sur la même surface, et aussi une accélération globale du rythme des échanges, de sorte que l’énergie solaire incidente est de mieux en mieux utilisée. Un moment vient où elle ne peut plus l’être mieux : alors la flore ne se modifie plus, tant du moins que l’Homme n’intervient pas et que le climat ne change pas. On dit que l’on a atteint le climax. Mais cette notion reste partiellement théorique, du fait que l’Homme est maintenant omniprésent et que, même avant son règne, les variations climatiques ont souvent été aussi rapides que l’aurait été l’accession au climax.


Les régions inhabitables

Comme nous l’avons dit, il n’y a pas de vie sans eau. Or, la sphère qui s’interpose entre l’air et les roches n’est pas entièrement aquatique ou humide : aux alentours des pôles et dans les déserts froids, l’eau est gelée et, de ce fait, inutilisable pour les organismes, de même que sur les hautes montagnes : sous la ligne du tropique s’allongent des déserts chauds où l’eau, absente de l’atmosphère, l’est aussi de la surface terrestre par voie de conséquence. Le manteau vivant du globe présente de larges déchirures continentales. Les océans, au contraire, sont peuplés de vie partout où l’eau est libre. Localement, il peut exister sous n’importe quel climat un obstacle décisif à l’implantation de la vie : dalles rocheuses impénétrables, eaux rendues toxiques par des émanations volcaniques (mer Morte), terrains trop salés, manque d’oxygène respirable (notamment du fait des bactéries réductrices) ou d’azote assimilable, sans parler, évidemment, des pollutions d’origine humaine.


Indépendance et interdépendance des grands cycles géochimiques

Tout organisme vivant a besoin de disposer, en quantité d’ailleurs très inégale, d’une vingtaine de types atomiques différents, et aucun n’est capable de les transformer l’un dans l’autre. L’élément absent peut, à lui seul, empêcher la vie, ou tout au moins certaines formes de la vie : sans vanadium, pas d’Ascidies, par exemple, et sans zinc pas de moisissures. Or, les atomes passent continuellement d’un être à l’autre ou au voisinage de l’autre ; chaque individu doit être traversé par autant de circuits géochimiques plus ou moins indépendants que ses cellules exigent d’atomes différents (v. cycle). Les agronomes le savent bien, et, selon l’espèce qu’ils cultivent ou le terrain qui porte la culture, ils peuvent être conduits, pour accroître la récolte, à ajouter du calcium, du potassium, du phosphore ou même des éléments moins dominants tels que le chrome. C’est en effet le facteur déficient qui est « limitant » pour le développement des plantes et la fertilité du sol.