Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Belgique (suite)

L’interpénétration de l’irréalisme courtois en vogue en France et du réalisme septentrional aboutit à un art dit « franco-flamand » qu’illustrent à Paris et à Dijon* Jean Malouel (v. 1370-1419), Henri Bellechose († apr. 1445) et Melchior Broederlam († apr. 1410) qui teinte de naturalisme le style courtois. L’assassinat de Jean sans Peur (1419) éloigne les Flandres et leur suzerain de l’orbite française. Un élan artistique sans précédent est soutenu par l’essor commercial des villes libres et par le mécénat de Philippe le Bon, dont la capitale, Bruges, est aussi celle de la peinture au xve s.

Une technique soigneuse, une objectivité qui dépasse celle des miniaturistes précédents, le sens aigu de la poésie intimiste caractérisent ceux que l’on est convenu de nommer les « primitifs flamands » (bien qu’ils ne soient pas tous d’origine flamande) et dont la première personnalité originale est Robert Campin* (v. 1378-1444). Celui-ci s’attache à la représentation plastique des objets, mais n’arrive guère à créer l’espace, et ses figures monumentales aux plis cassés procèdent encore de la sculpture de style gothique international.

Une véritable révolution picturale se produit avec Jan Van Eyck* (v. 1390-1441), que Philippe le Bon s’attache en 1425. Van Eyck mène à son point de perfection la technique de la peinture à l’huile et à l’œuf, obtenant des couleurs éclatantes, et, par la variation des nuances, crée la perspective atmosphérique. Chez lui, l’observation attentive du réel suggère la spiritualité et n’exclut jamais la splendeur du rêve (polyptyque de l’Agneau mystique à Saint-Bavon de Gand, 1432). Rogier Van der Weyden* (v. 1400-1464) lie magistralement l’influence de Campin et de Van Eyck à celle des grands imagiers des cathédrales. Lyrisme, sensibilité et austérité raisonnée caractérisent son œuvre, qui eut un immense succès en Europe.

Assorti de nuances personnelles, le style des maîtres précédents se retrouve au cours du siècle dans l’œuvre d’autres artistes : réalisme intransigeant chez Petrus Christus (v. 1420 - v. 1473) ; réserve et rigidité chez Dieric Bouts* (v. 1415 - v. 1475), dont Juste de Gand, alias Joos Van Wassenhove (v. 1440 - apr. 1480), appelé à Urbino en 1473, prolonge le style avec des raffinements chromatiques. Hugo Van der Goes* (v. 1440-1482) se détache par la monumentalité de son art, l’individualisation des personnages, leur émotion contenue. Les qualités majeures des primitifs flamands (qui comptent également d’innombrables anonymes) s’édulcorent chez Memling* (v. 1433-1494), longtemps le plus célèbre d’entre eux. Une sensibilité nouvelle plus humaniste, moins tourmentée apparaît chez Gérard David* (v. 1460-1523) et chez Quinten Matsys*, qui annonce le maniérisme anversois et la pénétration de l’influence italienne.

À l’écart de cette école très définie, Jérôme Bosch* (v. 1450-1516), originaire de Bois-le-Duc, se distingue par son imagination morbide et son ésotérisme, qui correspondent au climat de révolte consécutif à la mort du Téméraire et au développement des sectes hérétiques.

Dans le domaine de la tapisserie, les ateliers de Tournai sont au xve s., avec ceux d’Arras, les plus importants d’Europe.


Renaissance

En Belgique, la Renaissance apparaît comme une époque de transition entre l’épanouissement du gothique et celui du baroque. Les fastes du règne de Charles Quint favorisent la diffusion des modes italiennes, et les formes empruntées à l’Antiquité sont interprétées avec une vitalité propre. Marguerite d’Autriche et Marie de Hongrie ont une prédilection pour le goût nouveau, qui se propage surtout à partir de 1530.


Architecture

Ce sont les théoriciens et les ornemanistes qui réagissent contre le style précédent : Pieter Coecke Van Aelst (1502-1550), traducteur de Serlio* et peintre également, Hans Vredeman de Vries (1527 - apr. 1604) dont l’influence se fera sentir jusqu’en 1700.

Les bâtiments religieux conservent leur structure gothique mais s’agrémentent d’entrelacs, de frontons, de colonnes (portails de la chapelle du Saint-Sang à Bruges et de l’église Saint-Jacques à Liège, 1558). L’architecture civile amalgame les motifs autochtones (lucarnes, pignons) aux thèmes d’importation (portiques, balustres, grotesques, etc.) : maison dite « du Saumon » à Malines, v. 1530-1535 ; maison de la Demi-Lune à Anvers, décorée de frises par Vredeman de Vries. Jacques Dubrœucq (v. 1500/1510-1584) construit pour Marie de Hongrie les châteaux de Binche et de Mariemont (détruits).

L’Anversois Cornelis Floris* de Vriendt (1514-1575), également sculpteur, est le plus célèbre architecte de la Renaissance en Belgique. Sa principale réalisation, l’hôtel de ville d’Anvers (1561-1565), témoigne de la liberté et de la plénitude de formes parvenant à une expression propre qui sera celle de la Renaissance flamande, et que l’on retrouve dans une aile de l’hôtel de ville de Gand (fin du xvie s.), au pavillon des évêques de l’hôpital d’Oudenaarde et à la Halle aux draps de Tournai (1610). Volutes, têtes de lion, bandeaux, etc., décorent les maisons de brique, selon une conception qui n’a toutefois que très peu à voir avec l’authentique Renaissance italienne.


Sculpture

Le courant gothique se prolonge au xvie s. (retable de Notre-Dame de Lombeek, 1512-1516), tandis que l’ordonnance italienne apparaît dans la cheminée du greffe du Franc à Bruges, dessinée en 1531 par Lanceloot Blondeel (v. 1496-1561). Les mausolées en forme d’arc triomphal, les sarcophages ornés de figures d’angle à l’antique, les jubés à arcades et colonnes toscanes caractérisent ce style, illustré par des tempéraments divers : Jan Mone († v. 1548), qui joint le pittoresque brabançon à la gravité antique (retable de Halle, exécuté pour Charles Quint, 1533) ; Cornelis Floris de Vriendt, à l’ampleur plastique un peu froide (tabernacle de Léau, 1550-1552) ; Jacques Dubrœucq, dont le lyrisme annonce l’art baroque (jubé de Sainte-Waudru de Mons, 1535-1548).