Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Belgique (suite)

Peinture

La transition entre l’art essentiellement religieux des primitifs et l’italianisme profane du xvie s. s’effectue sans effort à travers l’œuvre de Quinten Matsys* (1466-1530), tantôt d’un raffinement classique avec ses architectures brunelleschiennes, tantôt d’un réalisme satirique spécifiquement flamand, à travers l’œuvre de Joachim Patinir* (v. 1480 - v. 1524), inventeur du paysage imaginaire, et celle de Jan Gossart* (v. 1480-1532), virtuose des lignes ondoyantes et des premières nudités mythologiques. Leur influence s’exerce sur le groupe des maniéristes anversois, pour la plupart anonymes (maître de l’Adoration anversoise), que caractérise leur goût pour l’exubérance ornementale et les élégances compliquées. Le maniérisme triomphe aussi à Bruxelles chez Bernard Van Orley (1488-1541), peintre de Marguerite d’Autriche, féru d’amples effets de perspective et de mouvement.

Une deuxième étape est celle des « romanistes » qui, ayant séjourné en Italie, se sont faits les champions de l’art antiquisant : Pieter Coecke Van Aelst (1502-1550), Willem Key (v. 1520-1568), Lambert Lombard (1506-1566), Frans Floris* de Vriendt (1516-1570). Le paysage est devenu un genre, mi-réaliste, mi-poétique, que pratiquent Lucas Van Valckenborgh (v. 1530-1597), Gillis Van Coninxloo (1544-1607), Paulus Bril (1554-1626).

La figure dominante du siècle est cependant Peter Bruegel* l’Ancien (v. 1528-1569), dont la personnalité, malgré un séjour à Rome, ne doit rien à l’Italie, mais reflète fidèlement son époque et le milieu rural flamand, en leur donnant une valeur universelle. Thèmes bibliques ou fables se teintent d’humour et de fantastique. À la minutie de l’exécution s’oppose chez le peintre une sensibilité pré-impressionniste.


xviie siècle

Malgré son peu de durée, la période de calme relatif et de splendeurs qui correspond au règne des archiducs Albert et Isabelle sur les Pays-Bas espagnols est l’une des raisons de l’essor artistique que connaît le xviie s.


Architecture

La Contre-Réforme stimule l’expansion de l’idéal baroque. Les archiducs sont les principaux promoteurs de cet art, dont leurs résidences à Bruxelles et à Mariemont portèrent la marque. Wenzel Cobergher (v. 1561-1634), actif à Rome et à Naples, est désigné en 1605 comme architecte de la Cour. Le baroque romain marque les premières constructions : église des Carmélites à Bruxelles (1607, détruite), basilique Notre-Dame à Montaigu (commencée en 1609, première interprétation de la coupole). Les façades à ordres superposés, frontons et volutes s’adaptent progressivement aux matériaux et aux traditions belges, déterminant un style caractérisé par sa robustesse, son verticalisme et son ornementation luxueuse. Jacques Francart (ou Franckaert, v. 1582-1651) est architecte de la Cour en 1619 ; il construit à Bruxelles deux églises (détruites au xixe s.), celle des Jésuites et celle des Augustins, ainsi que l’église du béguinage de Malines (1629-1640). On doit au frère Peter Huyssens (1577-1637) deux des plus beaux exemples d’architecture baroque : Saint-Charles-Borromée à Anvers (1615-1625), dont les décorations picturales exécutées par Rubens et ses élèves furent détruites dans un incendie en 1718, et Saint-Pierre de Gand (à partir de 1629). Willem Van Hees, dit Hesius (1601-1690), édifie l’église Saint-Michel à Louvain (1650-1671), et Luc Faydherbe (1617-1697) Notre-Dame d’Hanswijk à Malines (1663).

En architecture civile, il faut citer à Anvers la maison de Rubens (1610), dont le portique à balustres est intact, celle de Jordaens, ainsi que les maisons des gildes sur la Grand-Place de Bruxelles, détruites par les bombardements de 1695, mais reconstruites depuis, et constituant un étonnant exemple de « place médiévale en habits baroques ».


Sculpture

Sous l’influence, ici encore, de l’Italie, une libération se produit, apportant le mouvement, l’exubérance des formes, les effets de lumière. Pour reconstituer le mobilier et le décor des églises détruites par les iconoclastes, la Contre-Réforme encourage l’exécution de meubles, bas-reliefs et décorations en tous genres, aussi bien en bois qu’en marbre ou en pierre. Nous connaissons les chaires de vérité, les autels et les grandes statues emphatiques mais humanisées du Bruxellois François Duquesnoy* le Vieux (1597-1643), célèbre à Rome sous le nom de Francesco Fiammingo. La dynastie des Quellin illustre le baroque anversois, mouvementé et réaliste : confessionnaux de l’église Saint-Paul par Artus le Vieux (1609-1688), bancs de communion de l’église Saint-Rombaut à Malines par Artus le Jeune (1625-1700). Les sculpteurs liégeois, spécialistes du bronze, ont pour chef de file Jean Delcour (1627-1707), qui fut l’élève du Bernin à Rome.


Peinture

Le xviie s. est un nouveau siècle d’or de la peinture flamande : mécènes et collectionneurs sont nombreux, et la bourgeoisie même veut des « cabinets d’amateurs ». Anvers, bien que délaissée par le commerce international, reste un foyer culturel majeur, d’où sont issus Rubens* (1577-1640), Van Dyck* (1599-1641), Jacob Jordaens* (v. 1593-1678). Rien de commun entre le baroque des Italiens qui l’ont précédé et le baroque septentrional crée par Rubens ; ce dernier impose un dynamisme de la forme et de la couleur, une composition en diagonale et parfois même en spirale, un chromatisme clair aux variations multiples, un lyrisme presque visionnaire. Les missions diplomatiques que lui confient les archiducs en font un artiste européen ; génie majeur, à la production abondante soutenue par un atelier important, il exerce son ascendant sur la plupart de ses contemporains. Jordaens traduit avec un naturalisme intense le tempérament flamand. Van Dyck a moins de vigueur et plus d’élégance ; portraitiste de la cour des Stuarts, il est le précurseur des maîtres anglais du xviiie s.

Adrien Brouwer* (v. 1605-1638), étonnant improvisateur, donne à des sujets populaires un expressionnisme déjà romantique. Scènes de genre et portraits, si souvent traités au xviie s., se teintent de réalisme bourgeois chez Cornelis de Vos* (1584-1651), et d’une sensibilité philosophique chez Michiel Sweerts (v. 1624-1664). David Teniers* (1610-1690) adapte leur rusticité au goût d’une clientèle aristocratique. La vogue des natures mortes est immense ; Osias Beert († 1624) en est le pionnier ; Frans Snijders* (1579-1657) et Jan Fyt (1611-1661) y développent leur conception du baroque. Ambrosius Bosschaert (1573-1621) et Daniel Seghers (1590-1661) sont des peintres de fleurs. La famille des Francken se distingue dans la peinture des cabinets d’amateurs.