Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

be-bop, ou re-bop, ou bop (suite)

Les grands hommes du bop et les disciples

Très vite, deux chefs de file s’imposèrent : le saxophoniste alto Charlie Parker et le trompettiste Dizzy Gillespie. Autour d’eux, nombre de solistes remarquables contribuèrent à l’enrichissement et à la diffusion du bop : les trompettistes Fats Navarro, Howard McGhee, Kenny Dorham, Miles Davis, Red Rodney, Sonny Berman, Freddie Webster ; les trombones J. J. Johnson, Earl Swope, Bennie Green, Johnny Mandel ; les saxophonistes Sonny Stitt, Lou Donaldson, Sahib Shihab, Allen Eager, Leo Parker, Dexter Gordon, Wardell Gray, Lucky Thompson ; les pianistes Thelonious Monk, Bud Powell, Al Haig, Clyde Hart, George Wallington, Duke Jordan, Tadd Dameron, John Lewis ; les bassistes Ray Brown, Oscar Pettiford, Tommy Potter, Nelson Boyd, Al McKibbon, Curley Russell, Charlie Mingus ; les guitaristes Charlie Christian, John Collins, Barney Kessel, Bill de Arango, Remo Palmieri, Chuck Wayne, Barry Galbraith ; le vibraphoniste Milt Jackson ; les batteurs Kenny Clarke, Max Roach et Art Blakey ; les arrangeurs Walter Fuller, Tadd Dameron, John Lewis, George Russell ; la chanteuse Sarah Vaughan et le chanteur Babs Gonzales. Les principaux orchestres de l’époque be-bop furent le quintette de Charlie Parker, la grande formation de Dizzy Gillespie, l’orchestre du chanteur Billy Eckstine, les groupes de moyenne importance du pianiste et arrangeur Tadd Dameron, mais aussi des orchestres plus éphémères et moins définis quant au style : les « 52nd Street All Stars » du saxophoniste Coleman Hawkins, l’orchestre du saxophoniste Illinois Jacquet en 1947, les « Lucky Seven » de Lucky Thompson, les « 52nd Street Boys » de Kenny Clarke.

Prolongements et aménagements du be-bop

À la fin des années 40, un nouveau style se dessina en contrepoint du bop : le jazz cool (littéralement : frais). Surtout représenté par des musiciens blancs, il apparut comme pour réagir contre certains excès du bop : le rythme y est moins complexe et revient un peu aux conceptions de la section rythmique de l’orchestre de Count Basie ; les sonorités sont douces et feutrées, voire mièvres et sophistiquées ; l’impression générale est toute de souplesse et de décontraction. Ce mouvement est né en partie des recherches du chef d’orchestre Claude Thornhill et du pianiste Lennie Tristano. Illustré surtout par des saxophonistes, il correspond à une synthèse des jeux de Lester Young et de Charlie Parker. Principaux représentants : les saxophonistes Herbie Steward, Stan Getz, Brew Moore, Al Cohn, Zoot Sims, Allen Eager, Lee Konitz, Art Pepper, Lennie Niehaus, Jimmy Giuffre, Bob Cooper, Bud Shank, Paul Desmond ; les trompettistes Shorty Rogers, Pete Candoli et Chet Baker ; le batteur Shelly Manne ; les arrangeurs Bill Russo et Bill Holman. Bien que les foyers les plus actifs du cool se situassent surtout sur la côte ouest des États-Unis, l’influence de ce style se fit sentir également ailleurs. Ainsi certaines œuvres des quartettes de Gerry Mulligan, de Dave Brubeck et de John Lewis, au début des années 50, illustraient aussi cette tendance d’un jazz doux, sorte de musique de chambre rythmée avec usage fréquent du contrepoint mélodique. De même, par certaines recherches de sonorités et le choix de certains accompagnateurs, Miles Davis, après avoir quitté le quintette Parker et avant de s’associer avec John Coltrane, fut sensibilisé par ce style de transition.

Au milieu des années 50, le hard bop (ou bop « dur ») reprit à son compte une partie des découvertes harmoniques et mélodiques du bop, tout en s’en distinguant par des conceptions rythmiques plus simples et des emprunts mélodiques et harmoniques dérivés du blues traditionnel et du gospel. Renonçant aux excentricités des premiers boppers (dissonances, brisures de tempo, effets de vélocité), toute une génération de musiciens de Détroit, Philadelphie, New York pratiqua un jeu dynamique et parfois brutal destiné à exalter le rythme et à retrouver un certain expressionnisme : accentuation du contretemps, attaques violentes, etc. Surtout illustré en quintette (trompette, ténor, piano, basse, batterie), le hard bop fut mis en valeur par les Jazz Messengers du batteur Art Blakey, le quintette du pianiste Horace Silver, le quintette du trompettiste Clifford Brown et du batteur Max Roach, les saxophonistes Cannonball Adderley, Sonny Rollins et John Coltrane à ses débuts, le trompettiste Donald Byrd, les batteurs Art Taylor et Philly Joe Jones.

Ph. C.

 L. Feather, Inside Be-bop (New York, 1949). / L. Malson, Histoire du jazz moderne (La Table Ronde, 1961).

Beccaria (Cesare Bonesana, marquis de)

Juriste et économiste italien (Milan 1738 - id. 1794). Il est à l’origine de la suppression de la torture en France par Louis XVI, et ses idées inspirèrent les auteurs des codes pénaux dans toute l’Europe libérale du xixe s.


Il étudie à Parme, puis à Pavie. Sa tournure d’esprit l’oriente tout à la fois vers la philosophie — il admire Condillac — et vers l’économie politique. Grâce à la protection du comte Karl J. von Firmian, gouverneur de Lombardie pour l’Autriche, il obtient une chaire à l’université de sa ville natale et il mène une vie familiale heureuse. Sa première étude est consacrée au Désordre des monnaies dans l’État de Milan et moyens d’y remédier (1762). En 1764, il publie son ouvrage fondamental : Dei delitti e delle pene (Traité des délits et des peines), où il réclame l’égalité et l’individualisation des peines, et recherche la relation entre la criminalité et les facteurs économiques et sociaux. Traduit en français par l’abbé André Morellet (1766), ce livre est salué par Voltaire comme le « vrai code de l’humanité » ; Joseph Michel Antoine Servan, avocat général au parlement de Grenoble, en fait le thème de son discours de rentrée ; les encyclopédistes le commentent avec faveur. En revanche, le Vatican inscrit l’ouvrage à l’Index, et le criminaliste français Pierre François Muyart de Vouglans (1713-1781), partisan du système inquisitoire et de la torture, le prend violemment à partie.