Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
Z

Zola (Émile) (suite)

Il en va de même pour une série de textes qu’il n’a pas recueillis en volume de son vivant (sauf l’Attaque du moulin, publiée dans les Soirées de Médan, recueil collectif) et qui ont paru dans les Œuvres complètes sous le titre d’Autres contes et nouvelles. Ainsi se révèle dans toute son ampleur une œuvre de nouvelliste qui aurait suffi, à elle seule, à sauver de l’oubli le nom de Zola.


Le dramaturge et le théoricien du théâtre

En matière de théâtre, Zola est à la fois auteur, théoricien et critique. Il a voulu trouver le succès comme dans le roman. Mais, dans ce domaine, il a échoué.

Après la Laide, en 1865, il a composé Madeleine, drame en trois actes (d’où il devait tirer le roman Madeleine Férat). Lemoine-Montigny, directeur du théâtre du Gymnase, a refusé la pièce en avril 1866 à cause de la « crudité inadmissible » de sa donnée. Sa première œuvre théâtrale jouée est donc, en 1867, à Marseille, un mélodrame qu’il a tiré de son roman les Mystères de Marseille, en collaboration avec Marius Roux. En 1868 et en 1869, puis en 1872 et en 1873, dans le Globe, puis dans la Tribune, la Cloche et enfin dans l’Avenir national, Zola publie quelques chroniques de critique dramatique, sévères pour la pièce d’intrigue traditionnelle, à laquelle il propose de substituer le « drame humain », la « tragédie moderne », le « drame d’analyse étudiant logiquement un personnage ou un fait jusqu’au bout ». En 1873, il tente d’appliquer ses conceptions dans un drame en quatre actes tiré de Thérèse Raquin. La critique lui reproche la trivialité des personnages, la bizarrerie des situations, le réalisme macabre du langage et l’inefficacité de la construction. Zola reconnaît les défauts techniques de sa pièce, mais n’en affirme que plus nettement sa « volonté bien nette d’aider au théâtre le large mouvement de vérité ».

Ses deux pièces suivantes, cependant, ne répondent guère à ce dessein : en 1874, les Héritiers Rabourdin, dont le thème est emprunté au Volpone de Ben Jonson, sont, de l’aveu même de Zola, un pastiche de la « vieille farce littéraire » ; en 1878, le Bouton de rose est un vaudeville léger. Les deux pièces rencontrent le même insuccès. Zola ne signera plus qu’une seule œuvre dramatique de son seul nom, Renée, adaptée de la Curée vers 1880 et représentée seulement en 1887. Pour atténuer les audaces du roman, Zola a imaginé, comme dans Nantas, nouvelle également inspirée de la Curée, que Renée a contracté un mariage blanc avec Saccard. Les spéculations de celui-ci sont à peine indiquées, et tout le fond de satire politique et sociale est comme gommé. Il ne reste que l’intrigue passionnelle, avec pour issue le suicide de Renée, fin plus mélodramatique que celle de la Curée. Sidonie Rougon est remplacée par un personnage plus pâle, Mlle Chuin. Saccard a lui-même perdu beaucoup de sa désinvolture. Comme dans Thérèse Raquin, les meilleures pages du livre — la promenade au bois, le tableau de la vie nocturne sur le Boulevard, les descriptions de Paris éventré, le bal chez les Saccard — n’ont pu passer à la scène. Malgré les qualités du découpage et la force de certaines situations, Renée n’est que le pâle reflet d’un grand roman.

Entre-temps, Zola s’est efforcé de faire prévaloir ses conceptions dramatiques par ses articles de critique et a collaboré avec William Busnach pour l’adaptation de ses principaux romans. Sans illusion sur la valeur littéraire de ces transpositions, il les utilise pour moderniser la mise en scène et le jeu des acteurs dans le sens d’un plus grand réalisme. L’Assommoir, Nana, Pot-Bouille, le Ventre de Paris, Germinal sont ainsi portés successivement à la scène avec un succès inégal. L’Assommoir, en 1879, est un triomphe, mais Germinal, trop long et trop chargé de matière, s’effondre en 1888. En 1887, Henry Céard a tiré du Capitaine Burle, nouvelle de Zola, une pièce en un acte, Tout pour l’honneur. La même année, un autre de ses disciples, Léon Hennique, adapte une autre de ses nouvelles, Jacques Damour. Après 1890, la propre évolution de Zola vers une conception messianique de l’art et, d’autre part, l’amitié du musicien Alfred Bruneau le conduisent à composer des livrets de « pièces lyriques » (drames, féerie, comédie, pièces en prose).

On peut donc isoler deux périodes au cours desquelles Zola a tenté de faire œuvre dramatique originale : de 1873 à 1880 — le naturalisme d’analyse — et de 1891 à sa mort — le naturalisme lyrique. La seconde période est encore fort mal connue. Il y aurait lieu, en particulier, de rechercher ce que doit à l’influence du théâtre symboliste cette seconde carrière dramatique de Zola, si distincte de la première dans ses thèmes, ses personnages et son style.

Les pièces composées par Émile Zola lui-même ont connu une fortune inégale. Perrette, la Laide n’ont jamais été jouées, non plus que Violaine la Chevelue et Sylvanire. Madeleine, le Bouton de rose, l’Ouragan, l’Enfant-Roi ont quitté l’affiche après quelques représentations et n’ont jamais été repris. Renée, en 1887, a été jouée trente-huit fois et n’a plus été portée à la scène. Les Héritiers Rabourdin, après dix-sept représentations, ont quitté la scène française jusqu’à ces dernières années, où ils ont été repris ici et là pour quelques représentations. Messidor est resté longtemps au répertoire de l’Opéra à la fin du xixe s. et au début du xxe. Seule Thérèse Raquin, après n’avoir été jouée que neuf fois en juillet 1873, connut plusieurs reprises, d’abord en province, puis à Paris, dans les années suivantes (au Vaudeville le 20 mai 1892 ; à la Gaîté-Lyrique en 1899 ; à l’Odéon le 8 février 1905 — quatorze représentations — et le 21 mai 1910 ; aux Folies-Dramatiques en 1928 ; au Gymnase le 12 avril 1948 — soixante représentations —, dans une adaptation de Marcelle Maurette). Seule, également, elle a connu une carrière honorable à l’étranger, notamment en Allemagne, en Italie et dans les pays scandinaves.