Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
Y

Yougoslavie (suite)

Au début, les deux mouvements cherchent à collaborer (rencontres entre Tito et Mihajlović à l’automne de 1941), mais bientôt ils entrent en opposition ouverte. Après un succès éphémère en Serbie (libération d’Užice [auj. Titovo Užice] à l’automne de 1941), les partisans de Tito se replient en Bosnie, où ils vont remporter de grands succès, repoussant les offensives allemandes, souvent aidées par les Tchetniks (batailles de la Kozara en 1942, de la Neretva et de la Sutjeska en 1943).

En même temps, le mouvement des partisans organise les territoires libérés : les 26-27 novembre 1942, à Bihać, est créé le Conseil antifasciste de libération nationale (AVNOJ) avec un comité exécutif, qui adopte un programme. À Jajce, le 29 novembre 1943, l’AVNOJ prend position contre le gouvernement en exil, se déclarant l’organe du pouvoir suprême en Yougoslavie ; il décide que le sort de la royauté devra être décidé après la guerre ; en attendant, le roi doit rester à l’étranger ; une fédération est prévue pour l’après-guerre. Dans l’immédiat, un Comité national de libération est constitué (déc. 1943) qui fait fonction de gouvernement provisoire ; Tito est élu maréchal. Les Alliés — qui, au début, ont appuyé le mouvement de Mihajlović — décident, à la conférence de Téhéran (nov.-déc. 1943), d’apporter leur aide à Tito.

Sous leur pression, des contacts sont établis entre l’AVNOJ et le gouvernement en exil : un accord est signé en juin 1944, à Vis, entre Ivan Šubašić (1892-1955), ministre croate du gouvernement en exil, et Josip Broz Tito. Il prévoit l’appui du gouvernement en exil au mouvement des partisans et à ses réalisations : c’est ce qui est annoncé en effet dans une déclaration d’août 1944. Il est mis fin en même temps au commandement de Mihajlović. D’autres accords, en novembre 1944, précisent l’organisation du futur État : création d’une démocratie fédérale de Yougoslavie (DFJ), élection d’une Constituante qui décidera du régime ; une régence serait nommée par le roi, l’AVNOJ devenant le pouvoir législatif. À Yalta (févr. 1945), il est demandé que la composition de l’AVNOJ soit élargie par l’entrée de politiciens non collaborateurs. D’abord réticent, le roi Pierre II nomme des régents (mars 1945) ; dans le pays même, un gouvernement est formé qui groupe diverses nationalités, avec, à sa tête, Tito et six ministres du gouvernement en exil (Šubašić aux Affaires extérieures et le Serbe démocrate Milan Grol comme vice-président).


La libération, la socialisation

Pendant ces pourparlers, le pays a été largement libéré, l’armée rouge participant aux opérations dans le Nord-Est. Belgrade est libre le 20 octobre 1944, mais les régions du Nord-Ouest devront attendre la capitulation allemande de mai 1945.

La guerre a fortement touché la Yougoslavie : 10 p. 100 de sa population a disparu et les pertes matérielles sont énormes.

Le premier problème à régler est celui du régime. En août 1945, lors de sa troisième session, l’AVNOJ, qui prend le titre d’Assemblée populaire provisoire, confirme les décisions des deux premières réunions. Aux élections du 11 novembre 1945 pour la Constituante, auxquelles participent pour la première fois les femmes, la liste unique du Front populaire, qui regroupe le parti communiste et des politiciens de divers partis, remporte 90 p. 100 des votes, 11 p. 100 du corps électoral s’abstenant. L’opposition avait incité au boycottage, et des ministres du gouvernement en exil avaient démissionné dès octobre 1945, estimant que les garanties de libertés prévues dans les accords de 1944 n’étaient pas appliquées.

L’Assemblée constituante, réunie le 29 novembre 1945, proclame la république et la formation d’une fédération comprenant six unités (Slovénie, Croatie, Bosnie-Herzégovine, Macédoine, Monténégro, Serbie, avec deux régions autonomes, Kosovo, à majorité albanaise, et Vojvodine, mosaïque de peuples). Une constitution est adoptée le 31 janvier 1946 qui s’inspire largement du modèle soviétique.

Des réformes de structure sont entreprises : réforme agraire d’août 1945, nationalisations dans l’économie de 1946 à 1948, planification. Mais le nouveau pouvoir doit lutter contre une opposition : procès et exécution (juill. 1946) du général Mihajlović, capturé en Bosnie et accusé de collaboration avec les Allemands ; condamnations à des peines de prison de politiciens (Miloš Trifunović, Slobodan Jovanovic) ; en octobre 1946, procès et condamnation à 16 ans de prison de Mgr Aloysius Stepinac, archevêque de Zagreb, accusé de collaboration, de conversions forcées d’orthodoxes et d’activité antiétatique après 1945.

Au cours de cette période, la Yougoslavie garde des rapports tendus avec les pays occidentaux, car, si la frontière du nord-ouest en Slovénie a été rectifiée à son avantage, le problème de Trieste* demeure : selon l’accord de juin 1945, la ville est administrée par les Alliés, tandis que les Yougoslaves restent dans l’arrière-pays (zone B). En revanche, la Yougoslavie aide activement les communistes grecs et développe des liens étroits avec l’U. R. S. S. (traité d’amitié d’avr. 1945), dont elle reçoit une aide économique, et aussi avec les démocraties populaires (traités de 1946 et de 1947) ; des relations particulièrement étroites sont établies avec l’Albanie et la Bulgarie ; un projet d’union douanière est même envisagé lors de la rencontre de Bled en juillet 1947.

La Yougoslavie participe aussi à la réunion du Bureau d’information des partis communistes européens (Kominform) en septembre 1947 ; le siège de cette organisation est fixé à Belgrade.

Mais, en 1948, une crise éclate entre la Yougoslavie et l’U. R. S. S., apparemment à propos de la fédération Bulgarie-Yougoslavie, à laquelle l’U. R. S. S. est alors hostile : les techniciens soviétiques quittent le pays. Le 28 juin 1948, une résolution du Kominform condamne la politique des dirigeants yougoslaves, accusés de se détacher du communisme et d’avoir une attitude hostile envers l’U. R. S. S. Le Ve Congrès du parti communiste yougoslave (21-28 juill. 1948) confirme la confiance du parti dans la politique suivie jusqu’alors. Mais le blocus économique perturbe la réalisation du premier plan quinquennal (1947-1951), déjà trop ambitieux ; de nombreux incidents de frontière ont lieu. La Yougoslavie se lance alors dans une critique acerbe du système soviétique et de l’attitude de l’U. R. S. S. envers les pays socialistes (exploitation économique, etc.).