Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Yougoslavie (suite)

L’opposition se renforce contre la dictature et contre la politique extérieure favorable à l’Axe. En février 1939, une nouvelle crise à propos du problème du nationalisme entraîne la démission de Stojadinović. Le nouveau cabinet, présidé par Dragiša Cvetković (1893-1969), aboutit à un compromis avec les Croates en août 1939 : il crée une grande banovine de Croatie englobant une partie de la Bosnie et jouissant d’une certaine autonomie. Vladimir Maček entre alors dans le gouvernement. Malgré des améliorations (libertés plus grandes en Croatie), l’accord — dont l’application sera brève, car il intervient à la veille de la guerre — demeure limité, d’autant plus qu’il a été conclu sans l’avis des partis serbes.


Les problèmes de l’entre-deux-guerres

Un des problèmes sociaux majeurs a été, tout au long de cette période, la question agraire ; si en Serbie, par exemple, prévalent de petites et moyennes propriétés, en Croatie et en Bosnie dominent les grandes propriétés avec des rapports de type féodal. Des mouvements spontanés de prise de possession de terres ont eu lieu en Croatie ; des prisonniers de guerre de retour de Russie ont gagné le maquis à la fin de 1918 (« cadres verts ») et répandu les idées de la révolution d’Octobre.

Une réforme agraire s’impose : en 1921, une loi supprime tous les rapports féodaux et envisage une certaine distribution des terres aux paysans pauvres ; la réalisation de ce dernier point sera très entravée, et la réforme améliorera peu la situation sociale des paysans, toujours en proie aux usuriers ; la situation est encore aggravée par la crise économique des années 30. La création de coopératives agricoles de crédit, la protection d’un minimum de propriété de terres pour le paysan, des moratoires de dettes ne sont que des palliatifs.

Sur le plan extérieur, le royaume conclut d’abord une alliance avec les pays s’opposant comme lui au révisionnisme hongrois ; c’est la Petite-Entente (1920), qui groupe la Yougoslavie, la Roumanie et la Tchécoslovaquie, et dont l’organisation est renforcée par le pacte de 1934 et par l’appui de la France : dès 1927, un traité d’amitié et d’arbitrage a été signé entre la France et la Yougoslavie.

Les relations avec l’Italie sont plus tendues : l’État indépendant de Fiume, prévu en 1920, est occupé par les fascistes, et la Yougoslavie doit reconnaître l’incorporation de la ville à l’Italie lors de la signature du pacte de Rome de janvier 1924, pacte d’amitié et de consultation sur les problèmes extérieurs, les contractants s’engageant à ne pas intervenir dans la vie intérieure albanaise. Ce pacte est peu respecté, et la tension entre les deux pays persiste (v. Rijeka).

D’autre part, la Yougoslavie signe avec la Roumanie, la Grèce et la Turquie un pacte de garantie mutuelle des frontières (Entente balkanique de février 1934) ; la Bulgarie en est absente à cause du différend sur la Macédoine, qu’elle considère comme bulgare, laissant les terroristes de l’Organisation révolutionnaire intérieure macédonienne (dénommés comitadjis par les Serbes), qui ont des liens étroits avec le gouvernement bulgare, organiser des incursions en territoire yougoslave.

Mais Petite-Entente et Entente balkanique se désagrègent au fur et à mesure du développement de l’influence de l’hitlérisme en Europe. En 1934, la France et la Yougoslavie envisagent de renforcer leur alliance — ce qui explique la venue du roi en France —, mais, après la mort d’Alexandre Ier et de Barthou, la France comme les autres puissances occidentales ménagent l’hitlérisme pour l’« endiguer » ; privé de l’appui des pays occidentaux pour résoudre sa crise économique, la Yougoslavie se tourne vers l’Allemagne, prête à acquérir ses surplus agricoles.

Elle signe alors des traités d’amitié avec ses anciens ennemis, eux-mêmes proches de l’Allemagne : traité de statu quo du 24 janvier 1937 avec la Bulgarie ; traité du 25 mars 1937 avec l’Italie ; traité de 1940 avec la Hongrie. Finalement, après la visite du régent Paul à Berchtesgaden, elle adhère au pacte tripartite le 25 mars 1941. Cela entraîne un coup d’État mené par des officiers appuyés sur les partis serbes, les étudiants, les communistes et l’Église orthodoxe ; le roi est proclamé majeur et un gouvernement est formé sous la présidence du général Dušan Simović (1882-1962). La Yougoslavie conclut même, le 5 avril 1941, un accord d’amitié avec l’U. R. S. S. Mais, dès le 6 avril, l’attaque allemande se développe contre la Yougoslavie.


La guerre, la Résistance

Rapidement, l’armée yougoslave est vaincue ; le pays capitule le 17 avril 1941 et est partagé entre cinq occupants : l’Allemagne annexe une partie de la Slovénie et s’installe dans le Banat ; l’Italie occupe l’autre partie de la Slovénie, la côte et le Monténégro ; la Hongrie s’empare de la Bačka, au nord-est de la Slovénie ; l’Albanie, devenue italienne, occupe le Kosovo et l’ouest de la Macédoine ; la Bulgarie s’installe en Macédoine orientale et en Serbie du Sud-Est. Un État croate indépendant est formé en Croatie (Ante Pavelić) ; il englobe une grande partie de la Bosnie et est partagé en zones d’influence allemande et italienne ; en Serbie, un gouvernement collaborateur, celui du général Milan Nedić (1877-1947), est institué sous contrôle allemand. Partout, les occupants jouent de l’opposition entre nationalités et mènent une politique antijuive et antitzigane, d’intensité diverse selon les régions.

Le gouvernement légal, avec le roi Pierre II, est parti en exil à Londres : l’opposition entre Croates et Serbes se poursuivra à l’étranger. En Yougoslavie, deux mouvements de résistance se développent. Celui des Tchetniks (Četnici), du général serbe Draža Mihajlović (1893-1946), royaliste, qui sera le ministre de la Guerre du gouvernement en exil, est peu favorable à la guérilla et réserve ses forces dans l’attente d’un débarquement. D’autre part, le parti communiste, animé par son secrétaire, Josip Broz Tito*, organise le mouvement des partisans, qui fait appel à tous sans distinction de nationalités ni de religions et prend rapidement des positions politiques.