Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Vincent de Paul (saint) (suite)

La charité incarnée

L’image que l’histoire a gardée de « Monsieur Vincent » est celle d’un bon visage se penchant sur les infortunes de toute espèce. Mais, pour assumer les tâches nombreuses et ingrates exigées par la misère du temps — misère que les dévastations et les excès de la guerre de Trente* Ans et de la Fronde* vont rendre plus terribles —, Vincent a besoin d’aide. À son instigation des confréries de Dames de la Charité se multiplient, aiguisant le zèle des dames de l’aristocratie et de la grande bourgeoisie. Mais ces « dames associées » répugnent généralement aux bas travaux. Si bien que Vincent songe à grouper en société des filles de la campagne qui seraient totalement au service des pauvres.

C’est à une aristocrate, Louise de Marillac (1591-1660), veuve depuis 1625 et dont le fils unique vient d’entrer au séminaire, que Vincent confie le soin de mettre en œuvre ce dessein. En 1633, Louise réunit autour de Marguerite Naseau, bergère à Suresnes, quelques-unes de ces filles, qui vont former le premier noyau de la très populaire congrégation des Filles de la Charité, — les « Saint-Vincent », comme on dira —, et qui, dans beaucoup de cas, seront les seules intermédiaires entre l’Église et les petites gens. Le 25 mars 1634, Louise s’engage par vœu au service de Dieu et des pauvres ; à son imitation les Filles de la Charité prononceront — outre les trois vœux de religion — le vœu spécial de se mettre au service corporel et spirituel des pauvres.

C’est à Louise que Vincent confie la soin de rédiger le règlement de la congrégation ; il l’approuve en juillet 1634. Rapidement, la petite compagnie se développe, essaime en province (Angers, 1640), restant fidèle au programme admirable tracé par Monsieur Vincent : « Les Filles de la Charité auront pour tout monastère une maison de malade, pour cellule une chambre de louage, pour cloître les rues de la ville ou les salles des hôpitaux, pour clôture l’obéissance, pour grille la crainte de Dieu, pour voile la sainte modestie. » Louise de Marillac, tout en appliquant aussi ses sœurs à l’enseignement des petites filles, aide discrètement, mais efficacement Vincent de Paul dans l’œuvre des Enfants trouvés et dans celle des galériens (1639).

C’est que des œuvres capitales se multiplient sous les pas de Monsieur Vincent : charité de l’Hôtel-Dieu (1634), fondation du séminaire de la Mission (1637), œuvre des Enfants trouvés (1638), secours à la Lorraine dévastée par la guerre, la famine et la peste. Durant la Fronde, Vincent et ses auxiliaires distribuent, en espèces et en nature, pour plus de 500 000 livres. Cet homme modeste a une telle réputation que c’est dans ses bras que Louis XIII agonise (1643) et qu’il fait partie du Conseil de conscience jusqu’en 1653. Ses dernières années sont marquées par l’infirmité et par l’abandon progressif de ses charges. Vincent meurt dans la paix le 27 septembre 1660. Son corps est chez les lazaristes de Paris.

Par son inlassable charité, ses vertus humaines qu’éclaire une bonhomie paysanne, son intelligence des pauvres, sa sainteté de prêtre, la hauteur de sa direction spirituelle, l’importance, l’originalité et la pérennité de ses fondations et des œuvres qu’il inspira, saint Vincent de Paul est la plus haute figure chrétienne du xviie s., « le grand saint du grand siècle ». Sa correspondance et ses Instructions constituent une source importante pour l’histoire religieuse ; elles mettent en relief une doctrine fortement christocentrique, mais ayant comme moteur l’exercice actif de la charité.

Béatifié en 1729, canonisé en 1737, Vincent de Paul est le patron des œuvres charitables depuis 1885. Sa fête est le 27 septembre (ancienne fête le 19 juillet).

Les restes de Louise de Marillac sont, depuis la Restauration, dans la chapelle de la maison mère des Filles de la Charité, rue du Bac, à Paris. Béatifiée en 1920, Louise a été canonisée en 1934 (fête locale le 15 mars).

P. P.

 P. Coste, le Grand Saint du Grand Siècle, Monsieur Vincent (Desclée De Brouwer, 1932 ; 3 vol.). / L. Cognet, Saint Vincent de Paul (Desclée De Brouwer, 1959). / J. Delarue, Sainteté de Monsieur Vincent (Éd. du Cerf, 1959). / A. Dodin, Saint Vincent de Paul et la charité (Éd. du Seuil, coll. « Microcosme » 1960). / M. Riquet, Monsieur Vincent ou le Réalisme de la charité (Gabalda, 1960 ; nouv. éd., SOS éditions, 1969). / A. Frossard, Votre très humble serviteur, Vincent de Paul (Bloud et Gay, 1962). / P. Pierrard, le Prêtre français (Desclée et Cie, 1969).

Vinet (Alexandre)

Théologien et critique suisse (Ouchy 1797 - Clarens 1847).


Fils d’un ancien instituteur, devenu secrétaire au département de l’Intérieur du canton de Vaud, Alexandre Vinet vit à Lausanne entre un père d’une vitalité considérable et une mère plutôt effacée. Encore à l’âge étudiant, le personnage du père le hante, un peu comme, trois siècles auparavant, le jeune moine Martin Luther. Toutefois, Vinet commence à manifester de remarquables dons littéraires, un solide patriotisme vaudois, qui attire sur lui l’œil des autorités fédérales bernoises, et une surprenante maîtrise du langage, qui fascine ceux qui l’entendent. Pour plaire au père, il fait, mais médiocrement, des études de théologie, qu’il n’entend pas conclure par une entrée dans le ministère pastoral ; en effet, il accepte en 1817, une chaire de littérature française à Bâle.

Dès lors, il peut donner sa pleine mesure, travaillant avec une ardeur inlassable, enseignant la grammaire, l’allemand, l’hébreu, le grec, l’exégèse et prêchant fréquemment. Mais, petit à petit, et parce que des troubles politiques profonds opposent dans son canton d’origine des autorités civiles favorables à la tolérance et un corps pastoral profondément attaché aux confessions de foi traditionnelles, Vinet, tout en maintenant l’indispensable nécessité, pour l’Église, d’une confession de foi solide et claire, devient le porte-parole de la liberté en matière de foi, seule garantie de l’authenticité spirituelle : si la foi est libre adhésion au Christ et à son évangile, elle comporte nécessairement le respect de la non-foi.