Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Viêt-nam (suite)

L’est du Nam Phân, pour être de nature toute différente, a une autre richesse : les plantations. C’est un bas plateau (moins de 100 m) parfois appelé talus ou piedmont cochinchinois, en contrebas des « Hauts Plateaux ». Ce bas plateau est couvert par des alluvions anciennes du Mékong qui donnent les « terres grises », sableuses, et, à l’est, par des nappes de basalte qui donnent les « terres rouges ». Les unes et les autres sont couvertes d’une forêt dense sempervirente et n’avaient, jusqu’il y a peu de temps, qu’un très faible peuplement de Proto-Indochinois (Stiengs). Mais, depuis 1924, certaines terres grises et surtout des terres rouges ont été conquises par les plantations d’hévéas. Il y avait en 1973 110 000 ha d’hévéas, appartenant à des sociétés françaises (Michelin, CEXO, S. I. P. H. et « Terres Rouges »).

Entre la partie occidentale deltaïque et la partie orientale, Saigon s’est installée dans un méandre de la Rivière de Saigon sur un lambeau de terrasse. La colonisation française a fait de cette modeste citadelle, située à 80 km de la mer, au point extrême atteint par la marée, un grand port et la base de sa pénétration économique et politique dans le sud de la péninsule. Du fait de la guerre, Saigon est devenue, avec la ville chinoise de Cho Lon, une énorme agglomération de 3 millions d’habitants, avec des problèmes de l’emploi et du logement extrêmement graves.

J. D.

➙ Hanoi / Saigon.

 P. Gourou, les Paysans du delta tonkinois. Étude de géographie humaine (Éd. d’art et d’histoire, 1937 ; nouv. éd., Mouton, 1966).


La littérature vietnamienne

Lorsque la légende s’efface devant l’histoire, au ier s. av. J.-C., les ancêtres des Vietnamiens occupent le delta du fleuve Rouge, et leurs pays constitue la marche la plus méridionale du vaste Empire chinois. Plus d’un millénaire durant, la civilisation chinoise s’y répand largement. L’apparition, au xe s., sur le territoire du Viêt-nam du Nord et de l’extrême nord du Viêt-nam central actuels, du premier royaume « annamite » durable, quasi indépendant, n’arrête nullement cette emprise culturelle, qui va se développer durant un millénaire encore. Le chinois est l’écriture officielle. C’est en chinois que les lettrés écrivent leurs poèmes, les annales officielles, les documents administratifs.

Mais, dans le même temps, une écriture nationale, dite « nom » ou « chu-nôm », se constitue peu à peu, sur le modèle des caractères chinois. Dès le xiiie s., elle fait son entrée dans le monde des lettres, et naît ainsi la véritable littérature vietnamienne, qui, au cours des siècles suivants, acquiert progressivement droit de cité. C’est l’époque où l’Annam entreprend sa longue extension vers le sud. D’abord, il submerge et absorbe le vieux royaume de Champa. Puis, plus près de nous, il déborde sur le royaume des Khmers, auquel il enlève progressivement le territoire correspondant au Sud Viêt-nam d’aujourd’hui.

Sur ces terres qu’il colonise, le Viêt-nam découvre la civilisation indienne, et sa puissance d’assimilation y trouve une nouvelle source d’enrichissement pour sa propre culture. Le sentiment national s’affermit, qui se double d’un dégagement de l’emprise du chinois. La littérature nationale gagne en crédit parmi les lettrés, en faveur dans la population. La plupart des chefs-d’œuvre en « nom » paraissent au cours des xviiie et xixe s.

La colonisation française provoque une véritable révolution. Une nouvelle écriture, imaginée par les missionnaires et mise au point par Alexandre de Rhodes vers 1650, se répand largement et rapidement. C’est le « quôc-ngu », ou écriture romanisée. Favorisée par l’occupant, remarquée par sa facilité, elle se voit adoptée par l’ensemble des auteurs, et les caractères « nôm » sont abandonnés définitivement. Une nouvelle littérature prend forme, à l’image des modèles occidentaux. Ne négligeant aucun genre, elle frappe par sa richesse, que les événements concourent encore à étendre.


La littérature populaire

On ne peut parler de littérature vietnamienne sans faire une place à part aux contes et légendes, aux dictons et proverbes, aux chansons populaires, qui, s’accumulant de génération en génération, constituent un fonds dont l’étude s’impose pour la connaissance de l’âme du pays.

Contes et légendes puisent leur inspiration aux sources les plus diverses, particulièrement variées en ce point de rencontre de la Chine et de l’Inde : écrits chinois plus ou moins remaniés, récits religieux et plus spécialement bouddhiques, faits et personnages historiques, lieux géographiques, hommes et animaux, us et coutumes. Chaque région s’y présente avec ses propres traits, enjolivés volontiers de merveilleux.

Dictons et proverbes émanent des multiples manifestations de la vie courante. Là se découvrent l’intelligence, la finesse d’observation, l’ironie parfois mordante, l’esprit moralisateur du Vietnamien, son goût aussi pour le beau langage. Les conversations ne manquent jamais de puiser dans ces textes courts et plaisants pour ajouter à l’élégance du style, à la force du raisonnement et mieux entraîner ainsi l’assentiment de l’auditeur.

Ces éléments se retrouvent tous dans les chansons populaires, qui, sous les formes poétiques les plus variées, s’adressent à tous les âges, à tous les actes de la vie privée, à tous les aspects de la vie publique : berceuses, humbles chansons des gens de métier, couplets nostalgiques des bateliers, compositions plus recherchées des « troubadours ». Là, plus encore, peut-être, qu’ailleurs, se manifeste le goût d’une morale sociale dont on abreuve l’enfant dès sa plus tendre enfance.

Plusieurs recueils en caractères « nom » rassemblent déjà, au xixe s., beaucoup de ces textes populaires. Plus nombreux sont les ouvrages modernes, en écriture romanisée, que viennent doubler les travaux en français. Mais la masse des documents à rassembler encore demeure considérable. L’ensemble frappe par la précision de la pensée, la clarté de l’expression, l’absence des notations abstraites. Les idées s’illustrent des images les plus banales, mais s’y ajoutent des pointes d’humour, des traits de moquerie, qui soulignent l’intérêt, amusent et instruisent. La langue reprend le vocabulaire de tous les jours, avec des mots dont la musique, agréable à l’oreille, favorise la mémoire et dont l’habile ordonnancement ajoute à l’harmonie et au plaisir de la déclamation.