Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Viêt-nam (suite)

Les plaines d’Annam ou du Trung Phân

Un chapelet de petites plaines s’étend entre le rebord des Hauts Plateaux (ou monts d’Annam) et la mer de Chine ; on les appelle officiellement plaines du Centre Viêt-nam ; il paraît plus commode de les appeler plaines de l’Annam, bien qu’elles ne coïncident pas exactement avec l’Annam historique.

Ces plaines offrent des conditions difficiles : elles sont constituées en grande partie de terrasses d’alluvions anciennes infertiles (au pied des montagnes), de lagunes et de cordons dunaires (en bordure de la mer). Elles sont ravagées par les typhons. Les pluies tombent ici surtout de septembre à la fin de décembre, et la principale récolte de riz est celle du 8e mois (sept.).

Les plaines les plus septentrionales sont peut-être les plus désavantagées : la plaine de Huê ne présente qu’une bande de rizières de 1 à 2 km de large. Par contre, les pluies sont abondantes (2 861 mm à Huê). L’agriculture, minutieuse, ne dispose que de minuscules superficies. La plaine de Quang Ngai est célèbre par la culture de la canne à sucre, et celle de Qui Nhon (500 km2) par ses rizières à double récolte (8e et 3e mois [avr.]) et ses cocotiers. Par contre, deux villes sont notables. L’importance de Huê, à vrai dire, est plus historique qu’actuelle : dans un site très beau, au pied des contreforts montagneux qui abritent les tombeaux impériaux, sur la « rivière des Parfums », Huê a été la capitale du Viêt-nam uni de 1802 à 1859. Par contre, Da Nang (anc. Tourane) est un port important et la deuxième ville du Viêt-nam du Sud (100 000 hab.).

Les plaines méridionales ont un climat sec : Nha Trang ne reçoit que 1 450 mm de pluies, et Phan Thiêt moins de 600 mm. La côte est très belle du cap Varella au cap Padaran : caps, îles, tombolos ; Nha Trang est célèbre par sa plage, et l’admirable rade de Cam Ranh devait recevoir un important complexe industriel ; au sud du Padaran, la côte est rectiligne. Les superficies cultivables sont, ici encore, minuscules, les plaines étant ou très petites (au nord du Padaran) ou plus amples, mais occupées pour l’essentiel par des massifs dunaires (au sud du Padaran). Du moins, les populations trouvent-elles une ressource supplémentaire dans une pêche maritime fort active : 1 300 embarcations motorisées et de solides jonques apportent 120 000 t de poisson ; le poisson de marée est transporté vers Saigon ; les poissons de petite taille servent à fabriquer le célèbre nuoc mam (condiment), dont Phan Thiêt est le centre de production (le sel provenant des salines de Ca Na).

Les plaines d’Annam sont surpeuplées (densité moyenne de 300 habitants environ au kilomètre carré), autant, sans doute, que le delta du Tonkin : la superficie de rizière par habitant est de 11 a, et le chômage est important.


Le Nam Phân

Le Nam Phân (ancienne Cochinchine) est la partie vitale de la république. C’est une zone de peuplement récent, qui était très peu occupée à l’époque khmère. La colonisation vietnamienne y est récente : en 1859, lors de l’intervention française, elle n’avait pas sérieusement abordé l’ouest du pays. Ce peuplement vietnamien tardif se traduit par une population moins homogène. Deux minorités importantes existent : une minorité cambodgienne, estimée à 800 000 individus, ayant conservé sa langue, sa religion (le bouddhisme theravāda), ses moines, ses pagodes et ses maisons sur pilotis, surtout dans l’Ouest, et une forte minorité chinoise, implantée à Ha Tiên dès 1671, à Cho Lon en 1778 et dont le rôle économique est considérable. Enfin, la population vietnamienne elle-même comprend de véritables minorités religieuses (caodaïstes, Hoa Hao). Le peuplement récent se traduit par des densités de population relativement faibles : la densité moyenne est de 140 habitants au kilomètre carré (pour 10 millions d’habitants), ce qui, compte tenu des 3 millions d’habitants de l’agglomération saigonaise, donne une densité rurale de 100 habitants au kilomètre carré. Le Nam Phân est ainsi la seule plaine vietnamienne qui ne soit pas surpeuplée.

C’est aussi, sans doute, celle qui est, potentiellement, la plus riche. La plus grande partie, la partie occidentale, est le delta du Mékong, qui se jette dans la mer par cinq bras, les quatre bras du « fleuve Antérieur » et le Bassac. Ce grand et puissant fleuve a une crue annuelle, simple et régulière, de juin à la fin de novembre, au cours de laquelle les eaux s’étendent largement sur la plaine, où ils laissent des limons qui renouvellent les sols : ceux-ci sont donc généralement bons. Par contre, la plaine des Joncs, aux confins du « Bec de Canard » cambodgien, mal drainée par les deux Vaico, a des sols alunés infertiles. La plus grande partie du delta, et notamment le Transbassac, a été conquis, à l’époque française, entre 1890 et 1930, par le creusement de canaux, assurant le drainage, le transport et permettant de dessaler les terres. La superficie des rizières est ainsi passée de 520 000 à 2 300 000 ha. Il s’agissait d’une riziculture commercialisée peu intensive : peu de travail (85 journées de travail par hectare), ni irrigation, ni engrais, une seule récolte annuelle et, en dépit d’une habile adaptation aux conditions naturelles (culture du riz flottant et du riz à double repiquage dans les zones inondées), rendement moyen peu élevé (1,5 t/ha). Par ailleurs, la colonisation s’était faite dans le cadre de la grande propriété, surtout dans le Transbassac : grands et moyens propriétaires y possédaient 87 p. 100 des terres ; la terre était cultivée par les ta-diên, fermiers soumis à de très dures conditions de location, endettés vis-à-vis des grands propriétaires et utilisant eux-mêmes des ouvriers agricoles. La riziculture, toutefois, était plus intensive, et la petite propriété était plus importante dans les parties orientales plus anciennement peuplées. La riziculture du Nam Phân a subi une double modification. D’une part, elle est devenue plus moderne grâce à la mécanisation (motoculteurs japonais) et plus intensive grâce à l’introduction des « riz-miracles » IR 5, IR 8, IR 10, etc., à très hauts rendements. D’autre part, une série de lois ont tendu à donner la terre au paysan : lois du 8 janvier 1955, du 5 février 1955 et du 22 octobre 1956, qui ont partagé les terres des grands propriétaires français, et surtout loi du 2 juillet 1969, qui a distribué 1 million d’hectares à 800 000 fermiers. La richesse du delta profitait déjà partiellement aux paysans avant 1975.