Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Vienne (suite)

Josef Maria Olbrich, cofondateur en 1899 de la « colonie » artistique de la Mathildenhöhe à Darmstadt, y laissera l’essentiel de son œuvre, trop tôt interrompue. Quant à Josef Hoffmann, il sera surtout l’auteur de l’admirable palais Stoclet de Bruxelles (1905-1911) ; mais, dès 1903, il avait fondé avec Koloman Moser les Wiener Werkstätte, ateliers d’artisanat d’art qui fonctionneront jusqu’en 1933. À partir de 1905, Hoffmann est à la tête du mouvement dissident de la Sécession (fondation du « Kunstschau » avec Gustav Klimt), qui accuse celle-ci de rester d’esprit trop ornemental et de ne pas acquérir le dépouillement indispensable à un art moderne. Après la Première Guerre mondiale, il sera l’architecte en chef de la ville de Vienne : il construira en 1924-25 des ensembles d’habitat populaire et en 1932 une partie du quartier pour l’exposition du Werkbund, tardive manifestation d’esthétique puriste chez l’un des grands précurseurs de l’art moderne.

La personnalité la plus en marge de l’école de Vienne est Adolf Loos (1870-1933), ennemi juré de l’ornement. Après un séjour aux États-Unis de 1893 à 1896 — il y fait la découverte de la pensée et des œuvres de Louis Henri Sullivan (v. Chicago) —, il rentre à Vienne et, pendant trois ans, dans une série d’articles pour la Neue Freie Press (rassemblés en 1921 sous le titre d’Ins Leere gesprochen, « prononcé dans le vide »), lance des attaques acerbes contre la Sécession. Son activité de théoricien se complétera par la publication, en 1908, d’Ornament und Verbrechen (« Ornement et crime ») et par la création d’une école libre d’architecture. Son œuvre, qui a été d’abord celle d’un décorateur au purisme élégant (Kärtner Bar, Vienne, 1907), devient peu à peu celle d’un architecte : villa Karma à Montreux, Suisse, 1904-1906 ; maison Steiner, Vienne 1910 ; maison Tristan Tzara, Paris, 1926-27 ; etc. Dans toutes ces œuvres, le luxe des matières, la simplicité de leur traitement et l’élégance des proportions forcent l’admiration, mais il n’est pas sûr que le langage spatial puisse être considéré comme aussi riche et aussi novateur que celui de l’école moderne de l’époque : le radicalisme anti-ornemental de Loos se ressent quelquefois d’une certaine sécheresse d’intentions, qui n’existait pas dans les débordements généreux d’un Otto Wagner.

F. L.

 K. F. A. von Lützow et L. Tischler (sous la dir. de), Wiener Neubauten im Style der Secession (Vienne, 1908-1910 ; 4 vol.). / F. Glück, Adolf Loos (Crès, 1931). / G. Veronesi, Josef Hoffmann (Milan, 1956). / H. Geretsegger et M. Peintner, Otto Wagner, 1841-1918 (Salzbourg, 1964). / L. Münz et G. Künstler, Der Architekt Adolf Loos (Vienne, 1964).
CATALOGUE D’EXPOSITION. W. Holzbauer, F. Kurrent et J. Spalt, L’architettura a Vienna intorna al 1900, exposition de la Galleria nazionale d’Arte Moderna (Rome, 1971).


La musique à Vienne

La situation géographique de Vienne, à mi-chemin entre les pays germaniques et l’Italie, devait faire de cette ville le lieu de rencontre idéal pour les musiciens venus de ces régions. De plus, l’activité musicale qui s’y manifesta très tôt, puis l’intérêt des Habsbourg et de la noblesse pour la musique attirèrent à Vienne, à chaque époque, nombre de compositeurs célèbres, qui s’y fixèrent.


Du Moyen Âge à la fin du xixe siècle

Dès le Moyen Âge, parallèlement au chant religieux diffusé par la cathédrale Saint-Étienne et la chapelle impériale, se développe l’art profane des Minnesänger, dont le plus célèbre représentant au xiiie s. se nomme Walther von der Vogelweide. Des musiciens étrangers s’attachent à la chapelle de la Cour, réorganisée en 1495 par Maximilien Ier : le Flamand Heinrich Isaak (v. 1450-1517), compositeur de Maximilien Ier ; le Suisse Ludwig Senfl (v. 1490 - v. 1543) ; son élève et successeur l’Allemand Heinrich Finck (v. 1444-1527) ; des Autrichiens comme l’organiste Paul von Hofhaimer (1459-1537) ou Arnold von Bruck (1554). En 1568, le Flamand Philippus de Monte*, après un long séjour en Italie, devient maître de chapelle de la Cour. Leurs œuvres font la synthèse d’éléments franco-flamands et italiens.

Au xviie s., l’influence personnelle des empereurs Ferdinand III, Léopold Ier et Joseph Ier, compositeurs à leurs heures, amateurs d’art lyrique, permet le développement de celui-ci. Ils attirent des Italiens à la Cour : P. F. Cavalli* y donne son Egisto en 1643 ; Antonio Cesti (1623-1669), au service de Léopold Ier, fait représenter ses œuvres (dont Il Pomo d’oro [1666 ou 1667]) ; Antonio Bertali (1605-1669) transmet à Vienne, où il est musicien de la Cour, la tradition vénitienne d’un Monteverdi* et d’un Cavalli ; Antonio Draghi (1635-1700) fournit des livrets d’opéras à Léopold Ier et écrit oratorios et opéras destinés à la musique impériale. L’Autrichien Johann Heinrich Schmelzer (v. 1623-1680) fonde avec Heinrich Biber (1644-1704) une école de violonistes, tandis que l’Allemand Johann Jacob Froberger*, un temps organiste de la Cour, apporte les techniques de Frescobaldi*, son maître, et celles des musiciens français, connues lors de son voyage à Paris en 1652. À la même époque, Vienne devient un centre réputé pour l’enseignement musical : Johann Kaspar von Kerll (1627-1693), Allemand qui a pris à Rome des leçons de G. Carissimi*, professe l’orgue et la composition ; Johann Joseph Fux (1660-1741), maître d’une renommée internationale, forme Georg Christoph Wagenseil (1715-1777), Georg Muffat (1653-1704), Ignaz Holzbauer (1711-1783). En 1725, il publie un traité de contrepoint célèbre jusqu’à nos jours, le Gradus ad Parnassum.

Le xviiie s. consacre Vienne capitale européenne du classicisme. Une école préclassique contribue au développement formel de la symphonie, parallèlement aux écoles étrangères (Italie, Allemagne, France). Ses principaux représentants, Georg Matthias Monn (1717-1750), Georg Christoph Wagenseil, Karl Ditters von Dittersdorf (1739-1799), annoncent les maîtres de la symphonie classique, tandis qu’Ignaz Umlauff (1746-1796) crée le singspiel avec Die Bergknappen (1778). La même année, un nouveau théâtre ouvre, le Schikanedertheater, sur la scène duquel seront joués les opéras mozartiens. Gluck* entreprend sa réforme de l’opéra italien à Vienne avec Orfeo ed Euridice (1762) et Alceste (1767). Haydn* y termine sa vie dans la gloire. La majorité des ouvrages dramatiques des dernières années de la vie de Mozart*, installé à Vienne en 1781, seront créés dans cette ville (l’Enlèvement au sérail, 1782 ; les Noces de Figaro, 1786 ; Cosi fan tutte, 1790 ; la Flûte enchantée, 1791). Beethoven* se fixe également dans la capitale autrichienne, aidé financièrement par la haute société. C’est là que ses œuvres seront conçues, exécutées, publiées. Schubert*, né près de Vienne, vivra une existence difficile dans cette ville, sans y rencontrer beaucoup de compréhension pour ses œuvres. À la même époque, l’enseignement pianistique de Karl Czerny (1791-1857) conduit à Vienne de nombreux pianistes (Sigismund Thalberg [1812-1871], Liszt*).

En 1842, Otto Nicolai (1810-1849), maître de chapelle de la Cour, fonde l’Orchestre philharmonique, qui, avec l’Opéra, acquiert une renommée mondiale.