Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Vieira (António) (suite)

Son utopie inspire une grande partie de son œuvre. Son Histoire du futur, écrite en portugais, devait convaincre les autorités de l’État. La Clavis prophetarum, inachevée également, est un traité savant en latin, destiné à convaincre les théologiens et l’Église. Le millénarisme mitigé de Vieira prévoyait une théocratie bicéphale, le Christ gouvernant à travers le pape pour le spirituel et le roi du Portugal pour le temporel.

Dans ses sermons, Vieira cherche avec passion l’efficacité. Il accepte les agréments du conceptisme mais condamne les obscurités du cultisme. Il a parlé devant les rois et devant les esclaves, et il parle à chacun le langage qu’il peut entendre. Les variations du vocabulaire et de la tonalité sont pour beaucoup, outre l’originalité de la pensée, dans l’impression de variété qui naît de ses discours. Son public est assuré de ne pas s’ennuyer, mais il n’est jamais flatté ; le prédicateur veut quelque chose de lui et le demande avec rudesse. Vieira remplit sa mission d’enseignement religieux, mais il fait une large place à l’actualité, aux problèmes urgents. La chaire chrétienne est devenue une tribune politique où l’orateur met toutes les ressources de son talent au service d’une conviction qu’il veut faire traduire au plus tôt dans les faits. Parfaitement conscient et maître de ses effets, Vieira apparaît comme un orateur génial, dont l’éloquence, comme celle des Anciens, s’adresse autant aux sens qu’à l’esprit.

R. C.

 J. L. de Azevedo, Historia de António Vieira (Lisbonne, 1918-1920 ; 2e éd., 1931 ; 2 vol.). / S. Leite, Historia do Companhia de Jesus no Brasil, t. IX (Rio de Janeiro, 1950). / R. Cantel, les Sermons de Vieira. Études du style (S. F. I. L., Poitiers, 1960) ; Prophétisme et messianisme dans l’œuvre d’António Vieira (Ediciones hispano-americanas, 1961).

Vieira da Silva (Maria Elena)

Peintre français d’origine portugaise (Lisbonne 1908).


Après des études de musique, de peinture et de sculpture au Portugal, elle arrive en 1928 à Paris, où elle est l’élève de A. Bourdelle à la Grande-Chaumière, de C. Despiau à l’Académie scandinave. Fortement impressionnée par une exposition de Bonnard*, elle s’oriente de plus en plus vers la peinture (ateliers de Charles Dufresne, d’Henry de Waroquier, d’Othon Friesz, académie de Fernand Léger). En 1932, elle rencontre Jeanne Bucher, qui deviendra son marchand, et s’intéresse à l’œuvre constructiviste de l’Uruguayen Joaquín Torres García (1874-1949). Elle a épousé en 1930 le peintre hongrois Arpad Szenes (né en 1897). Tous deux vivront désormais à Paris, à l’exception de séjours à Lisbonne et au Brésil (1940-1947), et seront naturalisés français en 1956, date à laquelle leur notoriété, et surtout celle de Vieira da Silva, sera bien affirmée.

Leurs œuvres se sont développées avec une consonance certaine, mais en faisant appel à des moyens plastiques très différents. Alors que Szenes suscite des espaces de plus en plus indéterminés dans une recherche poétique et contemplative, Vieira s’oriente vers des structures plus affirmées, fait fuir des perspectives qui se révèlent aberrantes dans leurs déformations. Un de ses thèmes de départ sera le pont transbordeur de Marseille (toile de 1930). D’autres motifs viendront préciser cette prédilection pour des jeux de lignes qui tourneront à l’enchevêtrement : l’étalement et l’étagement des villes, l’accumulation des ateliers et des bibliothèques, les gares et les ports. Mais la représentation n’en est jamais réaliste : l’entrecroisement des tracés, les losanges et les carreaux des compartiments colorés suggèrent des espaces dont l’identité n’est qu’allusive et qui deviennent souvent purement imaginaires (le Couloir sans limites, 1942-1948, coll. priv. ; la Bataille des couteaux, 1948, musée Boymans-Van Beuningen, Rotterdam). Le traitement en est subtil, mais très sobre : lignes irrégulières, rarement courbées, disposées en réseaux ou en faisceaux, usage retenu des couleurs, chaque toile étant modulée à partir d’un ton dominant.

Chemin faisant, la présence humaine a été progressivement éliminée. En 1942, le Désastre (coll. priv.) représente un effort pour l’intégrer dans la composition et pourrait constituer un hommage à Paolo Uccello ; les silhouettes sont ensuite de plus en plus absorbées par l’échiquier des surfaces colorées (les Joueurs de cartes, 1947-48, coll. priv.). La scène est désormais vide et d’autant plus inquiétante. Rien, en effet, n’est stable : l’équilibre des lignes horizontales et verticales est perturbé par des obliques ; les surfaces, quand elles subsistent, ondulent ou se fixent en des positions ambiguës, toujours mises en cause par le contexte ambiant. Certaines toiles imposent l’animation d’un espace naturel (l’Aire du vent, 1966, coll. priv.), tandis que celles-mêmes qui impliquent plus de calme et de structuration logique (Conseil du nombre, 1967, coll. priv.) s’avèrent en proie à un secret dynamisme qui les bouleverse.

Aussi l’œuvre de Vieira da Silva reflète-t-elle souvent des sentiments d’inquiétude et d’angoisse, mais étonnamment dominés par une vision recueillie et par une transposition quasi musicale (l’Équité, 1966, coll. priv., tout en modulations de blancs et de bistres). Cette sérénité reconquise se manifeste le plus clairement dans les vitraux créés pour l’église Saint-Jacques de Reims et réalisés par Charles Marq (1967-1975).

M. E.

 D. Vallier, Vieira da Silva (Weber, 1971). / G. Weelen, Vieira da Silva (Hazan, 1973).

Vien (Joseph Marie)

Peintre français (Montpellier 1716 - Paris 1809).


Au cours de sa longue carrière, Vien exprima tour à tour dans son œuvre l’esprit sentimental et sentencieux du xviiie s., puis cet intérêt passionné pour l’archéologie qui se traduisit par la mode antiquisante et déclencha le mouvement néo-classique (v. classicisme).