Vieira (António) (suite)
Son utopie inspire une grande partie de son œuvre. Son Histoire du futur, écrite en portugais, devait convaincre les autorités de l’État. La Clavis prophetarum, inachevée également, est un traité savant en latin, destiné à convaincre les théologiens et l’Église. Le millénarisme mitigé de Vieira prévoyait une théocratie bicéphale, le Christ gouvernant à travers le pape pour le spirituel et le roi du Portugal pour le temporel.
Dans ses sermons, Vieira cherche avec passion l’efficacité. Il accepte les agréments du conceptisme mais condamne les obscurités du cultisme. Il a parlé devant les rois et devant les esclaves, et il parle à chacun le langage qu’il peut entendre. Les variations du vocabulaire et de la tonalité sont pour beaucoup, outre l’originalité de la pensée, dans l’impression de variété qui naît de ses discours. Son public est assuré de ne pas s’ennuyer, mais il n’est jamais flatté ; le prédicateur veut quelque chose de lui et le demande avec rudesse. Vieira remplit sa mission d’enseignement religieux, mais il fait une large place à l’actualité, aux problèmes urgents. La chaire chrétienne est devenue une tribune politique où l’orateur met toutes les ressources de son talent au service d’une conviction qu’il veut faire traduire au plus tôt dans les faits. Parfaitement conscient et maître de ses effets, Vieira apparaît comme un orateur génial, dont l’éloquence, comme celle des Anciens, s’adresse autant aux sens qu’à l’esprit.
R. C.
J. L. de Azevedo, Historia de António Vieira (Lisbonne, 1918-1920 ; 2e éd., 1931 ; 2 vol.). / S. Leite, Historia do Companhia de Jesus no Brasil, t. IX (Rio de Janeiro, 1950). / R. Cantel, les Sermons de Vieira. Études du style (S. F. I. L., Poitiers, 1960) ; Prophétisme et messianisme dans l’œuvre d’António Vieira (Ediciones hispano-americanas, 1961).