Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

vieillissement de la population (suite)

Le vieillissement des populations retentit également sur les mentalités, à la fois par la prépondérance que finissent par prendre les personnes les plus âgées dans l’ensemble du corps social (aspect statique) et par un renouvellement trop lent des générations (aspect dynamique), lié au faible taux de croissance qui s’observe toujours dans une population vieillie. C’est ainsi que le vieillissement pèse beaucoup sur le corps électoral et les votes qui en émanent. Les inconvénients du vieillissement se ressentent encore de façon particulièrement sensible en ce qui concerne le personnel de responsabilité et de direction (chef d’entreprise, cadres). On pourrait étendre ces observations à l’ensemble des classes dirigeantes et dresser un bilan très négatif du vieillissement des élites (cas des assemblées parlementaires par exemple). Parfois le vieillissement s’entretient lui-même ; à cet égard, le recrutement par cooptation, joint au système d’élection à vie (dans les académies savantes par exemple), aggrave le vieillissement naturel de collectivités qui, de ce fait, remplissent difficilement leur mission dans des domaines où l’on n’a jamais trop de jeunesse pour suivre des événements (scientifiques ou autres) qui évoluent à une vitesse accrue.

L’antidote au vieillissement reste donc la croissance*. Mais celle-ci ne peut être infinie dans un monde fini. Le vieillissement semble donc inévitable, comme les problèmes qu’il amène avec lui.

R. P.

➙ Démographie / Population / Vieillesse (assurance).

Vieira (António)

Écrivain et homme politique portugais (Lisbonne 1608 - Bahia 1697).


Il est le plus grand orateur religieux, le meilleur prosateur et l’une des figures les plus représentatives du xviie s. au Portugal et au Brésil. Suscitant tour à tour la louange et la contradiction, il joue un rôle de premier plan dans l’histoire, la politique, la religion et la littérature.

Il suit ses parents au Brésil en 1614, et ce premier séjour durera vingt-six ans. Il entre dans la Compagnie de Jésus à Bahia (Salvador) en 1623. Après des débuts modestes, ses talents de latiniste lui font confier le rapport annuel de 1626 au général de la Compagnie à Rome. Ayant appris à connaître et à aimer les Indiens, il veut consacrer sa vie à leur évangélisation. Mais on le destine à l’enseignement, et ses premiers sermons, où il compare les souffrances des esclaves à celles de Jésus sur la Croix, le font remarquer. Les entreprises hollandaises contre le Brésil le lancent dans la politique. En 1641, Vieira est à Lisbonne, et une longue amitié commence entre lui et le nouveau roi. Bientôt le jeune Jésuite devient prédicateur de Jean IV, et il est chargé de missions diplomatiques officieuses en France, en Hollande et à Rome. Ses plans audacieux, son activité indiscrète et ses attaques contre les usages du Saint-Office suscitent des réactions violentes, et, en 1653, Vieira retourne au Brésil, où il évangélise les Indiens et continue à fournir des avis et des plans. Les colons, irrités, le chassent, ainsi que les autres jésuites, du Pará et du Maranhão. L’Inquisition peut enfin lui faire un procès, qui dure de 1663 à 1667. Vieira, emprisonné, est obligé de se soumettre sur l’ordre de Rome. La politique le sauve bientôt, mais la Cour se passe désormais de ses avis. Entre 1669 et 1675, Vieira est à Rome, où il prêche en italien devant les cardinaux et lutte avec succès en faveur des juifs convertis : les nouveaux-chrétiens. Il passe les dix-sept dernières années de sa vie à Bahia, œuvrant toujours pour améliorer le sort des esclaves et préparant l’édition de ses 200 sermons ainsi que son grand traité messianique De clavis prophetarum. Tuberculeux et paludéen, il meurt dans sa quatre-vingt-dixième année.

Sa vie a été dominée par l’idée d’un millénarisme imminent en faveur d’un Portugal dont les tribulations n’étaient que les épreuves purificatrices à la veille de la manifestation divine. Le Portugal est le pays élu de la loi nouvelle. Alliant curieusement une clairvoyance étonnante, un sens aigu des réalités et sa grande chimère, Vieira a été un apôtre de la tolérance. Protégeant les Noirs, à l’esclavage desquels il s’est pourtant résigné, il tente d’arracher le plus possible d’Indiens à la captivité. Il protège aussi les juifs convertis, dont le Portugal ne saurait se passer et qui ont un rôle dans la réalisation du plan divin. Il organise des compagnies de commerce à l’image de la Hollande ; il achète des navires, et sa parole soulève les fidèles au Brésil, au Portugal et à Rome. Parfois on se bouscule pour l’entendre. Marqués de contradictions beaucoup plus apparentes que réelles, les périls au-devant desquels Vieira est allé sont les gages répétés de sa sincérité.

Sa correspondance est le chef-d’œuvre de la littérature épistolaire portugaise. Ses lettres ont été réellement écrites à une soixantaine de correspondants illustres ou modestes. Leur clarté et leur élégance en font un modèle qui a contribué à fixer la prose portugaise dans ses meilleurs usages. Elles sont aussi une mine de renseignements sur Vieira et son temps : tous les grands événements de l’époque y ont trouvé leur écho.

Les rapports et les avis politiques adressés aux souverains et aux autorités responsables s’expliquent par la réaction du patriote clairvoyant et du prêtre, mais ils révèlent aussi le tempérament de l’homme politique, voire de l’homme d’État. Vieira dit sa conception de la guerre contre la Castille et la Hollande. Intransigeant pour ce qui est de la foi, il dénonce le zèle du Saint-Office, qui serait tempéré si ses interventions ne s’assortissaient pas d’une confiscation des biens des prévenus. Quant aux Indiens, il veut en faire des travailleurs libres qui travailleront une moitié de l’année pour eux et l’autre pour leur maître moyennant salaire.