Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

vieillesse (assurance) (suite)

L’âge de la retraite

L’assurance vieillesse a un triple objectif :
— un objectif moral, l’individu qui, du fait de l’âge, a dû ralentir ou arrêter son activité professionnelle devant pouvoir disposer de ressources suffisantes lui permettant de mener sans souci une existence décente ;
— un objectif économique, le pouvoir d’achat attribué au retraité contribuant à alimenter la demande* des biens de consommation mis sur le marché du fait de l’activité productrice des travailleurs ;
— un objectif social, les jeunes qui entrent sur le marché du travail ne devant pas trouver celui-ci encombré par des personnes âgées qui risquent d’avoir perdu tout ou partie de leur esprit d’initiative et de leur capacité d’innovation* et de créativité, mais qui ne peuvent quitter la vie active faute de ressources assurées pour leur retraite.

Il ne semble pas possible de déterminer sur le papier, une fois pour toutes, l’âge et le montant de la retraite, nécessairement fonction de la situation économique et de l’équilibre démographique constatés dans chaque pays à un moment donné. Si la situation économique est dépressive, il peut y avoir intérêt à avancer, pendant une certaine période, l’âge de la retraite ; il est préférable de payer une pension à un adulte vieillissant que des allocations de chômage à un jeune qui a tout ensemble besoin d’activité et de formation* professionnelle. Au contraire, si la situation économique est bonne, il est souhaitable de maintenir le plus longtemps possible en activité un adulte dont l’espérance de vie est croissante ; en effet, psychologiquement parlant, il doit y avoir adaptation progressive à l’inactivité. On se trouve donc en face de deux notions qui peuvent primer à tour de rôle en fonction de la situation économique : d’une part la retraite progressive et d’autre part la retraite partielle (ou préretraite).

L’équilibre démographique intervient également : la génération des actifs doit pouvoir supporter la charge de l’ensemble des inactifs (enfants et adolescents, mères de famille ne travaillant pas, handicapés, malades, retraités). Dans les pays où la natalité est restée assez faible depuis la Première Guerre mondiale et où le niveau de vie et l’hygiène générale sont élevés, il y a tendance à un déséquilibre entre un groupe d’actifs à effectif plus ou moins constant, voire en légère diminution du fait du relèvement de l’âge limite de la scolarité obligatoire, et le groupe des inactifs en croissance régulière du fait de l’accroissement de la longévité moyenne : les pouvoirs publics ont alors tendance (États scandinaves par exemple) à retarder l’âge de la retraite vers soixante-sept, voire soixante-neuf ans. Dans les pays où la natalité s’est réduite après la Seconde Guerre mondiale alors que la longévité s’accroissait plus vite que le niveau de vie (Roumanie par exemple), les pouvoirs publics ont tendance à chercher à freiner la dénatalité (interdiction de l’avortement non thérapeutique et de la vente des pilules contraceptives) tout en s’efforçant d’aménager une période plus ou moins limitée d’activité réduite pour les travailleurs ayant atteint l’âge légal de la retraite. En revanche, la situation se présente différemment dans les pays comme la France, où une période de forte natalité a succédé, après la Seconde Guerre mondiale, à une longue période de dénatalité. Dans un premier temps, le groupe des actifs, constitué par les faibles classes d’âges nées entre les deux guerres (augmentées des travailleurs migrants), doit faire face à l’entretien d’une masse importante d’inactifs : nombreux jeunes nés depuis 1945, génération de vieillards accrue par l’accroissement de la longévité moyenne ; si l’âge de la retraite est fixé assez bas (60 ans en général), le montant de celle-ci reste faible, des avantages étant, néanmoins, accordés à ceux qui retardent la cessation de leur activité à soixante-cinq ans ou au-delà. Dans un second temps, le groupe des actifs s’est accru, du fait de l’amélioration de la natalité, plus vite que celui des inactifs : les organisations syndicales font alors pression sur les pouvoirs publics afin d’obtenir tout ensemble l’abaissement de l’âge de la retraite et l’augmentation du montant de celle-ci. Toutefois, si une nouvelle réduction de la natalité se manifeste (tendance semblant apparaître en France après 1970), le problème se posera de nouveau lorsque le groupe des actifs se réduira, en raison de cette faible natalité, alors que le nombre des inactifs continuera de s’accroître du fait de l’accroissement de la longévité moyenne et de l’abaissement du seuil de la cessation de l’activité, qui sera, entre-temps, devenu irréversible.

Certes, l’aspect démographique ne constitue pas le seul soubassement d’une politique de l’assurance vieillesse, d’autant plus qu’un recours de plus en plus important à la main-d’œuvre immigrée amortit partiellement l’effet des déséquilibres ; mais ce recours à la main-d’œuvre étrangère risque de trouver ses limites pour des raisons psychologiques (danger du développement des tendances xénophobes au sein de la population nationale), sociales (l’exploitation de la main-d’œuvre immigrée, susceptible de s’accroître en cas de récession économique, tend à créer un véritable sous-prolétariat) et économiques (tous les immigrés ne consomment pas sur place la totalité de leur pouvoir d’achat et nombre d’entre eux opèrent des sorties d’argent). L’augmentation continue de la productivité peut permettre, par ailleurs, à un nombre constant d’actifs de supporter un nombre croissant d’inactifs, mais alors se pose le problème de la répartition du fruit d’une meilleure productivité entre les actifs et les inactifs. N’oublions pas, non plus, que la recherche d’une meilleure qualité de la vie — qui paraît devoir caractériser le quatrième quart du xxe s. — pourrait réduire non seulement l’amélioration de la productivité, mais également celle de la production elle-même, c’est-à-dire l’ensemble des biens à répartir entre les membres de la communauté.