Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

vieillesse (assurance)

Celle des assurances sociales qui a pour objet de garantir des ressources plus ou moins importantes aux personnes ayant atteint un âge minimal.



De la solidarité familiale à la solidarité nationale

Dans les sociétés rurales, le milieu familial assurait généralement une certaine sécurité à ceux de ses membres dont les forces productives étaient réduites du fait de leur âge ; dans quelques sociétés évoluées, là où l’industrialisation est récente et là où les traditions de vie familiale sont encore observées jusque dans les villes (Japon par exemple), cette solidarité familiale subsiste de nos jours. Mais il n’en est plus de même dans les nations où l’industrialisation a commencé au xviie ou au xviiie s., du fait de la dispersion de la famille, de l’exode rural, de la concentration urbaine et de la baisse de la natalité : des enfants moins nombreux, dispersés, logés dans des locaux insuffisants n’ont guère la possibilité d’entretenir chez eux leurs ascendants. Sans doute le législateur a-t-il institué l’obligation alimentaire, mais il était plus facile d’héberger et de nourrir que de verser une pension régulière, d’autant plus que la condition ouvrière était, au xixe s., très précaire. Les difficultés matérielles, qui rendaient hier illusoire la notion d’obligation alimentaire, se sont fortement atténuées aujourd’hui, mais le développement de l’individualisme des descendants fait tomber en désuétude les textes autorisant les ascendants — ou l’administration de l’assistance, lorsque celle-ci leur est substituée — à obtenir en justice l’aide que leurs enfants leur refusent ou leur mesurent trop chichement.

Les membres des catégories sociales les plus favorisées disposent, certes, de l’épargne* individuelle pour s’assurer une vieillesse paisible ; mais la dépréciation quasi continue de la monnaie* fait fondre les économies accumulées au cours de toute une vie de travail, sauf (à certaines périodes) lorsque celles-ci sont investies en placements fonciers ou immobiliers, les plus sûrs peut-être, mais d’un rendement modeste, médiocre ou faible selon l’époque. C’est suivant la formule de l’épargne qu’ont fonctionné les premières institutions collectives, privées ou publiques, facultatives ou obligatoires, d’assurance vieillesse ; on disait qu’il y avait capitalisation, car la pension versée au vieillard était, en principe, égale à la division par le nombre probable d’années lui restant à vivre de la somme des cotisations et des intérêts de ces cotisations perçues par l’organisme versant l’allocation à l’assuré.

Les institutions d’assurance vieillesse, qui se sont développées dans le monde au cours des xixe et xxe s. (v. assurances sociales), fonctionnent aujourd’hui suivant le système de la répartition, aux termes duquel les pensions payées au cours d’un exercice donné sont financées par les cotisations perçues au cours de ce même exercice. Ce procédé, seul utilisable en temps d’inflation*, met particulièrement en relief les notions de solidarité professionnelle ou de solidarité nationale qui caractérisent — au moins en apparence — les mécanismes actuels de l’assurance vieillesse. Mais qu’on ne s’y trompe pas : dans le système de la capitalisation comme dans celui de la répartition, dans le cadre de la solidarité professionnelle comme dans celui de l’épargne individuelle ou collective, les revenus des personnes âgées ayant cessé leur activité professionnelle sont toujours prélevés sur la masse des ressources produites par les travailleurs actifs, qui ont la charge de faire vivre les jeunes non encore producteurs et les inactifs de tout ordre. C’est ainsi que les problèmes de l’assurance vieillesse ne peuvent être résolus qu’en fonction des équilibres démographiques régnant au sein de chaque société nationale.


Solidarité horizontale ou solidarité verticale

Toute assurance obligatoire fait appel à une solidarité de groupe. Si l’on excepte la Suède (1913) et la Nouvelle-Zélande (1938), les systèmes d’assurance vieillesse antérieurs à la Seconde Guerre mondiale ont commencé par limiter leur garantie à une fraction de la population, généralement constituée par les seuls salariés les moins payés. La plupart du temps, ils étaient financés au moyen de cotisations versées par les entreprises, une partie étant précomptée sur le salaire ouvrier et l’autre partie étant juridiquement supportée par l’entreprise. Cotisation ouvrière et cotisation patronale sont, la plupart du temps, intégrées dans les prix* et, de ce fait, supportées en définitive par le consommateur dans les mêmes conditions qu’un impôt indirect.

On parle de solidarité horizontale lorsqu’on se trouve en face d’un système d’assurance obligatoire financé par des cotisations, comme si ces dernières constituaient un prélèvement sur le revenu des futurs bénéficiaires : la notion de solidarité horizontale correspondrait donc à une redistribution des revenus entre les membres d’une même catégorie socioprofessionnelle ; en matière d’assurance vieillesse, la solidarité horizontale jouerait, au sein de cette même catégorie socio-professionnelle, entre les actifs, qui cotisent, et les anciens actifs, qui perçoivent une pension de retraite.

La notion de solidarité verticale n’interviendrait, quant à elle, que si les membres en âge d’activité des catégories socio-professionnelles privilégiées (employeurs, travailleurs indépendants, rentiers, cadres) subissaient un prélèvement progressif sur leur revenu non seulement pour financer les retraites des personnes âgées de leur catégorie sociale, mais également pour participer au financement des retraites des catégories défavorisées. Encore conviendrait-il que des dispositions soient prises (dans la mesure où elles sont concevables et applicables pratiquement) pour interdire l’intégration de ce prélèvement dans les prix des biens et des services.

Pour l’économiste, la distinction entre les notions de solidarité horizontale et de solidarité verticale est vaine. Le problème consiste à organiser l’assurance vieillesse de telle façon que la répartition des ressources nationales entre les entreprises, les travailleurs actifs et les personnes non encore actives ou qui ne le sont plus soit telle qu’il y ait encouragement à la production* pour les biens essentiels à la vie des peuples ; en fin de compte, la justice sociale et l’amélioration de la qualité de la vie dépendent bien plus de l’organisation du mode de production que des modalités de financement de la Sécurité sociale.