Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Avignon (suite)

Étoffée dans ses effectifs (210 à la fin du xiiie s. ; 300 au début du xive s. ; 500 en moyenne jusqu’en 1316), la cour pontificale comprend cinq éléments essentiels :
1. l’entourage intime du pape, composé de ses parents proches et de ses serviteurs immédiats ;
2. le Sacré Collège, réunissant autour du cardinal camérier l’ensemble des cardinaux qui entretiennent eux-mêmes dans leurs hôtels particuliers d’Avignon et des environs (les « livrées ») une nombreuse familia comptant de 20 à 50 personnes ;
3. les quatre services administratifs et judiciaires suivants : a) la Chambre apostolique, qui est l’organe essentiel du gouvernement pontifical ; b) la chancellerie, chargée de l’expédition des lettres pontificales sous l’autorité d’un vice-chancelier ; c) les tribunaux pontificaux, réunissant chacun plusieurs auditeurs et avocats, et parmi lesquels on distingue : le consistoire, réunion du pape et des cardinaux ; les tribunaux cardinalices, qui instruisent les procès déférés au pape en consistoire ; le tribunal de la rote, qui juge des affaires concernant les bénéfices ecclésiastiques ; l’audience des lettres contredites, qui tranche sur les objections préjudicielles des plaideurs ; d) la Pénitencerie apostolique, qui est le véritable tribunal spirituel de l’Église, et qui est placée sous l’autorité du cardinal Grand Pénitencier ;
4. le service d’honneur et de garde, qui réunit toujours un minimum de 200 chevaliers, écuyers, portiers et sergents d’armes ;
5. enfin les cinq services domestiques de la cuisine, de la paneterie, de la bouteillerie, de la maréchalerie et surtout de l’aumônerie, qui assiste quotidiennement de 100 à 1 200 pauvres.


L’apogée d’Avignon

L’essor de cette cour a pour première conséquence un accroissement de la population avignonnaise.

Aux 500 ecclésiastiques qui la composent, il faut, en effet, ajouter 1 000 fonctionnaires laïcs, ainsi que les femmes et les enfants de ces derniers. Au total, la cour pontificale représente donc un groupement humain de près de 3 000 personnes d’origine essentiellement occitanienne.

À ce premier élément humain vient se superposer une nouvelle population fixe formée d’un millier de juifs et de nombreux marchands, changeurs et agents des grandes compagnies commerciales italiennes (Peruzzi, Bardi au xive s. ; Médicis au xve s., etc.). Leur présence contribue à faire d’Avignon une ville dont le cosmopolitisme se trouve encore accentué par la venue des ambassadeurs permanents ou temporaires des souverains du monde entier ou des Églises nationales, ainsi que par l’afflux des professeurs (Baldo degli Ubaldi [1320-1400], Giovanni da Legnano [† 1383]) et des étudiants en droit civil et en droit canon (1 500 en 1394). Ceux-ci sont attirés par la renommée d’une université qui se renforce en 1413 d’une faculté de théologie. Par ailleurs, le rayonnement intellectuel et artistique de cette capitale se trouve renforcé par la création de la Bibliothèque pontificale, de 2 000 volumes, par l’édification du palais des Papes et par la mise en place de la chapelle. L’existence de la première favorise la constitution d’un groupe de clercs amateurs de belles lettres, dont est issu Pétrarque, le laudateur de Laure et le fondateur de l’humanisme (1304-1374) ; la construction et la décoration du second attirent les meilleurs architectes français, Pierre Poisson, Jean de Loubières ainsi que les grands fresquistes italiens et notamment les Siennois Simone Martini et Matteo Giovannetti de Viterbe ; enfin, le rôle important donné par le pape à sa chapelle entraîne la venue de chantres et de musiciens originaires des Pays-Bas.

Aussi, malgré la grande peste de 1348, Avignon compte-t-elle 30 000 habitants en 1376 ; elle est l’une des dix plus grandes villes de l’Occident, ce dont témoigne la construction entre 1349 et 1370 d’une nouvelle enceinte qui porte son périmètre de 3 000 à 4 330 m et sa superficie de 40 à 151 ha 71 ares. Une telle évolution contraint le corps municipal à admettre en son sein des Italiens et des Ultramontains aux côtés des Avignonnais de pure souche.

De plus, elle stimule la production agricole locale (plantations de mûriers) ainsi que l’industrie du bâtiment, qui s’essouffle à satisfaire aux besoins en locaux de la population.

Enfin, le grand commerce des biens de consommation et de l’argent connaît un essor remarquable.

Avignon est donc une capitale fastueuse, dont l’éclat se trouve rehaussé par la magnificence des cérémonies religieuses, mais dont le luxe provoque les critiques acerbes de Pétrarque, de sainte Brigitte de Suède et de sainte Catherine de Sienne, qui réclament le retour du Saint-Père auprès du tombeau de Pierre. Finalement entendu par Grégoire XI en 1376, cet appel est à l’origine du déclin d’Avignon.

La Chambre apostolique

Née dès le xie s. à Rome, où elle était chargée de la centralisation et de la gestion des revenus pontificaux, la Chambre apostolique ne devient un rouage essentiel de la curie qu’au lendemain de l’installation du souverain pontife à Avignon, en 1309. À sa tête est placé un camérier longtemps maintenu en fonctions, tel Gasbert de Laval (1329-1347). Il est secondé par un personnel dirigeant peu nombreux (moins de 100 personnes), mais permanent et efficace, ainsi que par des subalternes souvent transitoires, mais nombreux et qualifiés. À ce personnel revient la lourde tâche d’assurer la garde du Trésor de l’Église, la gestion de ses revenus, l’émission de ses monnaies, le contentieux de ses propres affaires financières et la mise en forme et l’expédition de la correspondance pontificale avec l’aide, à l’extérieur, d’administrateurs financiers des domaines temporels du Saint-Siège, de collecteurs des impôts et de comptables chargés des paiements.

Parmi toutes ces tâches, la collecte des revenus pontificaux est naturellement la plus importante. La moitié des rentrées environ est assurée par les taxes ou les bénéfices ecclésiastiques. L’autre moitié est composée par les revenus des domaines de l’Église, tant en Italie que dans le comtat Venaissin, par le cens annuel payé par les royaumes vassaux et par les monastères et églises exempts, par le denier de saint Pierre, par les droits administratifs de chancellerie et de justice, enfin par des dons divers.