Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

vibraphonistes de jazz (suite)

Quelques biographies


Karlhanns Berger

(Heidelberg 1935). Il est d’abord pianiste. A joué avec Don Cherry, Eric Dolphy, Steve Lacy et, depuis qu’il est installé aux États-Unis, avec la plupart des représentants de l’avant-garde new-yorkaise.
Enregistrement : We are you (1971).


Gary Burton

(Anderson, Indiana, 1943). Enfant prodige, il enregistre dès 1961. Il joue avec George Shearing, Stan Getz, puis forme un quintette. Une technique à quatre mailloches, outre sa vélocité, lui permet de surprenantes combinaisons harmoniques. Mais cette virtuosité, Burton semble disposé à la mettre au service de n’importe quelle musique.
Enregistrement : Duster (1967).


Lionel Hampton.

V. l’article.


Bobby Hutcherson

(Los Angeles 1941). Au milieu des années 50, il adopte le vibraphone après avoir entendu un disque de Milt Jackson. Il a joué depuis avec Eric Dolphy, Archie Shepp, John Handy, Jackie McLean, Joe Henderson, McCoy Tyner... Il utilise aussi le marimba et s’affirme comme un des plus aventureux parmi les vibraphonistes apparus à la fin des années 60.
Enregistrement : Happenings (1968).


Milt Jackson

(Detroit 1923). Il a d’abord joué avec tous les grands du be-bop dans les années 40. Puis, de 1951 à 1974, il a fait partie avec John Lewis (piano), Percy Heath (basse), Kenny Clarke puis Connie Kay (batterie) du Modern Jazz Quartet — qui avait d’abord été le Milt Jackson Quartet.
Enregistrement : Bag’s Groove (avec Miles Davis, 1954).

Vicente (Gil)

Dramaturge portugais (Guimarães v. 1465 - Évora v. 1537).


C’est le plus grand poète dramatique du Portugal au xvie s., classique dans deux littératures : l’espagnole et la portugaise. Sa biographie pose de nombreux problèmes, mais on admet en général l’identité entre le poète et l’orfèvre Gil Vicente après la démonstration de A. Braamcamp Freire. Né à Guimarães dans une famille d’artisans vers 1465, Gil Vicente est nommé orfèvre de la reine en 1509, puis contrôleur général de la maison de la Monnaie, à Lisbonne, en 1513. Il représente sa corporation au Conseil des vingt-quatre. Son chef-d’œuvre, le célèbre ostensoir d’or, est légué par le roi Manuel Ier au monastère des Hiéronymites de Belém. En 1517, Gil Vicente vend sa charge de contrôleur de la Monnaie et, à partir de 1520, on ne parle plus que du poète, qui vient d’être chargé de l’organisation des autos, représentations et danses qui doivent marquer l’entrée solennelle à Lisbonne de la troisième épouse de Manuel Ier. Quelques documents permettent de suivre son activité de poète dramatique et ses relations avec la Cour. Son fils nous apprend qu’il écrivit sa dernière pièce en 1536. On peut admettre qu’il mourut cette même année ou au début de la suivante si une charge octroyée par Jean III à son fils, en 1537, était bien destinée à secourir la famille du poète récemment décédé. En tout cas, un document de 1640 apporte la preuve que le poète n’était plus en vie cette année-là.

On ignore tout des études de Gil Vicente. S’il semble assuré qu’il n’a pas fréquenté l’université, il n’est pas inculte pour autant. Il sait le latin d’église, un peu d’italien et de français, ses diables parleront le patois picard. Mais surtout, il connaît bien le castillan, qui lui a permis l’accès aux diverses formes de la culture religieuse et profane dont son œuvre apporte le témoignage.

Gil Vicente n’a pas vécu assez longtemps pour publier la Compilation de ses œuvres dont il écrivit la dédicace au roi Jean III. Il ne put réunir qu’un certain nombre de ses compositions, imprimées sur des feuilles volantes ou manuscrites. Son fils, Luis, acheva le travail et publia en 1562 la Compilation de toutes les œuvres de Gil Vicente. Ces œuvres ont attiré plusieurs fois l’œil sévère des inquisiteurs. Certains autos ont été tantôt tronqués, tantôt interdits. Malgré l’indulgence relative de l’Index de 1564, on peut penser que des suppressions ont été imposées dans la Compilation. D’autre part, son fils avoue lui-même avoir fait des coupures ou apporté des corrections pour « améliorer » le texte ; ce faisant, il a mutilé gravement l’œuvre de son père.

Gil Vicente est le créateur du théâtre littéraire portugais. Avant lui n’existaient que des représentations religieuses assez élémentaires, un théâtre comique d’improvisations populaires et les mimiques allégoriques de la Cour. Ses compositions dramatiques sont appelées en général autos, terme commun qui désigne surtout la forme péninsulaire du drame religieux, mais qui s’applique aussi à des pièces dans le goût traditionnel et dont les sujets peuvent être religieux ou profanes, sérieux ou comiques. Les autos amusaient et moralisaient à la fois.

Gil Vicente distingue lui-même trois catégories dans son œuvre : les comédies, les farces et les moralités. Ces dernières, héritées en partie des églogues espagnoles de Juan del Encina et de Lucas Fernández, apparaissent à partir de 1510. On y trouve les sommets de l’art de Gil Vicente : la Trilogie des barques, splendides combinaisons nouvelles et imprévues des éléments anciens, l’Auto de l’âme, qui pose le problème du libre arbitre et de la grâce et où triomphe un symbolisme grandiose. Le genre, malheureusement trop vite oublié au Portugal, est à l’origine de la somptueuse floraison de l’auto sacramental* en Espagne. Avec l’Auto de l’Inde, Gil Vicente crée en 1509 la farce littéraire au Portugal, et ses plus grandes réussites sont la farce Qui a du son ? et la Farce d’Inês Pereira. Vers 1514, Gil Vicente a la révélation de l’œuvre de l’Espagnol Bartolomé de Torres Naharro, mais il n’en met pas à profit les suggestions pour un art théâtral plus moderne. Il reste prisonnier de l’allégorie médiévale et abandonne trop vite la comédie romanesque : Dom Duardos, la Comédie du veuf et Amadis de Gaule.

Le fils de Gil Vicente, non content d’apporter des modifications au texte, a aussi altéré la chronologie de l’œuvre de son père. Cependant, après les travaux de A. Braamcamp Freire et d’Oscar de Pratt, il est devenu possible à I. S. Révah de proposer le classement suivant pour les œuvres de Gil Vicente :


Nous connaissons quarante-quatre pièces du théâtre de Gil Vicente. Les unes sont écrites en castillan, les autres en portugais. Elles utilisent les effets comiques des patois locaux (picard et sayaguès). Elles constituent une réussite littéraire exceptionnelle dans laquelle éclate son génie du comique et où sa connaissance approfondie du folklore lui a permis de faire revivre bien des genres oubliés ou retombés dans la paysannerie : chansons d’ami, chants de mai, aubades. Il y joint les romances portugais ou colportés d’Espagne. Le lyrisme populaire, sentimental, religieux ou panthéiste envahit la scène. Le théâtre de Gil Vicente fait penser, bien souvent, au ballet, à la féerie, à l’opéra (G. Le Gentil). C’est toute la société portugaise du premier tiers du xvie s., à l’exception de la nouvelle bourgeoisie urbaine, qui revit dans son œuvre. Gil Vicente apparaît à la fois comme poète officiel (Cortes de Jupiter, Forge de l’amour, Exhortation à la guerre) et comme censeur des abus. Il s’en prend au manque de patriotisme du clergé, qui se dérobe à l’impôt (Exhortation à la guerre), à la papauté (Nef des amours, Auto de la fête), à l’intolérance contre les « nouveaux chrétiens ».

Gil Vicente observe la société de son temps depuis la Cour et par des fenêtres qui donnent sur la campagne (A. J. Saraiva). Il exalte et critique à la fois les idéaux de la fin du Moyen Âge. Sa pensée s’intègre dans un préréformisme péninsulaire vigoureux mais nullement schismatique.

R. C.