Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Valois (suite)

Née dans la première moitié du xive s., organisée par les frères Jean et Gaspard Bureau en parc disposant de nombreuses pièces sous Charles VII, l’artillerie possède une puissance de feu efficace non seulement contre les hommes, mais aussi contre les fortifications ; bouleversant l’art des sièges, elle contraint les grands seigneurs du xvie s. à renoncer à construire de coûteux châteaux forts. Instrument de guerre redoutable, efficace et diversifié, l’armée royale rassemble des effectifs qui peuvent atteindre 14 000 hommes vers 1450-1475, 25 000 à partir de 1475-1500 et s’élever à 80 000 en temps de crise.

• Les finances. L’entretien d’une armée permanente entraîne la création de l’impôt permanent. Les seules ressources de l’Ordinaire (revenus domaniaux et seigneuriaux dont la gestion est contrôlée par la Chambre des comptes) ne permettent pas, en effet, de solder régulièrement des effectifs aussi importants. Aussi faut-il recourir aux ressources de l’Extraordinaire, c’est-à-dire à l’impôt levé par le roi seulement en temps de guerre. En fait, cette dernière étant presque perpétuelle à partir de 1336, la levée de l’impôt devient peu à peu annuelle, et son montant de plus en plus lourd à la suite des défaites de Crécy en 1346, de Poitiers en 1356 et de la captivité de Jean II, qui entraîne en 1355-56 une grave crise financière. Pour calmer le mécontentement de leurs sujets, les Valois s’efforcent d’obtenir le consentement de leurs représentants aux états* généraux qui naissent alors de cette crise. Finalement, la monarchie perçoit régulièrement, trois sortes d’impôts : des impôts directs, les fouages, ou tailles, qui frappent alors seulement chaque feu allumant, c’est-à-dire chaque ménage, et plus subsidiairement les décimes levés sur le clergé de plus en plus fréquemment depuis 1284 sans le consentement du Saint-Siège ; des impôts indirects, les aides ou maltôtes, sur les transactions (blé, vin, etc.), auxquelles il faut ajouter depuis 1360 l’imposition foraine perçue sur les marchandises franchissant les frontières du royaume ; la gabelle, enfin, instituée dès 1341-1343 par Philippe VI sous forme d’un monopole sur le sel instauré seulement dans les limites du domaine royal et des apanages.

Augmentation de la taille, emprunts forcés dès le règne de Charles V sous forme d’avances sur les aides, emprunts à des particuliers (marchands italiens sous Charles VIII, banquiers lyonnais du Grand Parti au xvie s., sévèrement atteints par la crise financière de 1557-1559), complètent ce système fiscal. À celui-ci, les Valois apportent deux innovations au xvie s. : la création en 1523 du Trésor de l’épargne, auquel sont également versées les recettes de l’Ordinaire et de l’Extraordinaire, dont la fusion est ainsi entreprise ; l’appel du crédit public par émission de rentes sur l’Hôtel de Ville, dont François Ier fait un usage raisonnable et Henri II un usage annuel et donc abusif. Aussi Henri IV décide-t-il leur conversion en 1602 du denier douze au denier seize et en 1605 du denier seize au denier dix-huit, voire vingt et vingt-cinq. Les souscripteurs sont donc finalement ruinés.


L’œuvre administrative

• Le développement de l’administration provinciale. Recoupant les vieilles circonscriptions (bailliages, sénéchaussées) regroupées au xvie s. en une douzaine de gouvernements et administrées par un personnel d’officiers en croissance numérique continue, de nouvelles divisions territoriales apparaissent : les greniers à sel, gérés par des grenetiers, et les élections, qui doivent leur nom aux élus, personnages désignés d’abord par les états de langue d’oil en décembre 1355 pour contrôler la levée des subsides, mais très vite nommés par le roi qui veut en conserver le contrôle. En même temps, l’organisation et l’inspection des services de perception nécessitent la désignation par les états de « généraux députés des subsides », dont la royauté prend le contrôle et dont elle fait en 1360 des commissaires groupés en collège : la Chambre des généraux des finances, qui peu à peu acquiert autorité sur les circonscriptions territoriales nouvelles, les bureaux de finances ou généralités (quatre vers 1461, seize en 1542).

Pour trancher les litiges nés de la perception et de la gestion des recettes de l’Extraordinaire, une nouvelle cour souveraine est créée vers 1370, et définitivement établie en 1425 : la Cour des aides. Confinant dans des charges essentiellement domaniales la Chambre des comptes — dont se détachent également la Cour du trésor et la Chambre des monnaies —, cette Cour des aides doit céder une partie de ses prérogatives aux cours des aides de Montpellier (1437), de Rouen (1462), de Périgueux (1554), transférée à Bordeaux en 1557, tandis qu’apparaît une chambre des comptes à Montpellier (1523).

En matière judiciaire, la volonté de rendre le roi présent dans les provinces entraîne la rupture de la souveraineté du parlement par la mise en place de parlements* provinciaux entre 1443 et 1561.

Favorisant l’application des innombrables coutumes locales, dont l’ordonnance de Montil-lès-Tours prescrit en 1454 la rédaction mais non l’uniformisation, ce morcellement extrême des cours souveraines facilite la pénétration du pouvoir royal dans les provinces. Par contrecoup, il nécessite un renforcement du pouvoir central, dont les tâches ne cessent de se compliquer et de s’alourdir.

• Le renforcement du pouvoir central. Le roi exerce un pouvoir strictement personnel s’étendant à tous les aspects de la vie publique, en particulier à l’intérieur du domaine royal, dont les limites ont tendance peu à peu à se dilater à celles du royaume. Mais il doit finalement accepter le sectionnement de facto de son Conseil en fonction de la spécialisation de ses membres : Grand Conseil, à compétence judiciaire, apparu sans doute sous Louis XI, mais institué définitivement par Charles VIII en 1497 et par Louis XII en 1498 ; Conseil secret ou étroit, appelé Conseil des affaires à partir du règne de François Ier, qui y réunit cinq ou six intimes ; Conseil d’État, nom peu à peu réservé au Conseil proprement dit, qui s’occupe surtout des affaires générales du royaume et dont Henri II fixe la composition par le règlement du 2 avril 1547 ; Conseil privé, appelé plus couramment Conseil des parties, au sein duquel le roi est censé rendre en personne la justice ; apparu dès le règne de François Ier, il entre en conflit de compétence avec le Grand Conseil ; Conseil des finances, enfin, dont l’organisation n’est précisée que par le règlement du 25 octobre 1563.